automne 1957 .. la fin du conflit
En cet automne 1957, le calme est revenu à Alger et dans les autres villes d’ Algérie .
Pierre Sergent écrira dans « La bataille d’Alger »
« …. Le visage d’ Alger avait changé. La population respirait. Une ville au bord de la révolte était devenue confiante. C’était un phénomène spectaculaire. Quand les Bérets verts quittèrent Alger, le 15 avril 1957, ils étaient les enfants chéris des Algérois. Il fallut s’arracher aux petites amies qui débordaient de tendresse. Si les cœurs étaient lourds, il était grand temps de retourner dans le djebel … »
Alors que le Parti communiste algérien est en totale déroute, ses militants s’étant aliénés au FLN, l’ Armée maîtrise la rébellion dans les Aurès.
L’espoir de voir bientôt la fin du conflit est permis .
Mais il n’en va pas de même pour le P.C.F .
Les militants du parti sont résolus à mener des actions contre les opposants à l’indépendance de l’ Algérie. Ils vont alors créer des réseaux de soutien au F.L.N. Soutien qui réunira toute la gauche métropolitaine.
Elle englobe toutes les couches de la société . Du communiste au radical , du socialiste au syndicaliste, de l’intellectuel à l’ouvrier, du chrétien à l’anarchiste.
Se joindront à lui, l’ Église , prêtres ouvriers, gens du spectacle, écrivains, journalistes , éditorialistes , syndicats, le Parti socialiste et …. les avocats.
Car ce seront eux qui, les premiers, pour obtenir la libération de leurs clients, vont essayer de mobiliser l’opinion publique. (Plus tard, les actions menées dans l’affaire Boupacha, en 1960 , feront certainement plus de publicité à l’avocat Halimi que ces plaidoiries elles-même.)
Gisèle Halimi et Jacques Vergès sont des premiers à défendre les terroristes et à rameuter les médias et les « intellectuels de gauche » pour défendre la cause du F.L.N.
S’ il est prouvé que Jacques Vergès , pour faire innocenter sa future épouse, Djamila Bouhireb, poseuse de bombes, a usé de faux documents , Halimi avouera quant à elle que la défense de ces terroristes était une sorte de revanche à son enfance où les femmes n’avaient pas de place chez les juifs-arabes..
Dans une interview qu’elle accordera à Delphine Descaves collaboratrice du Magazine « L’œil electrique » n° 16 , G.Halimi racontera ,
« …Sa vie, sa carrière, ses engagements … des épisodes douloureux de son enfance et de sa jeunesse… »
"... Il ne faut pas oublier que je suis née et que j’ai passé mon enfance et mon adolescence dans un pays colonisé, la Tunisie, dans les années trente, où il régnait une véritable ségrégation entre les Arabes, qu’on méprisait, et les autres. Nous, nous étions entre les deux parce que nous étions d’un milieu très pauvre et inculte, milieu judéo-arabe. Il y avait les occupants, les colons… ».
« …J’ai lu, j’ai plaidé et par conséquent, je me suis rendue compte qu’au fond, le sexisme, le rejet des femmes, était tout simplement une variante de ce que je combattais depuis l’enfance : le racisme. C’est quoi le racisme ? C’est une pathologie socio-culturelle. C’est le rejet de l’autre parce qu’il est différent de vous, parce qu’il a une identité qu’il revendique et que vous avez l’impression qu’il met en danger la vôtre. Tout ça, ce sont des données communes au racisme et à la misogynie, et pour moi, ç’a été le même combat jusqu’au moment, tout de même, où j’ai pris conscience qu’en tant que femme, je subissais une discrimination de plus que les hommes ! Ma vie n’a pas été celle de mes frères. Moi, on m’a dit : "Tu es une fille, tu dois servir les garçons... Toi, tu es une fille, tu ne vas pas faire d’études….."
« … Quand j’ai défendu Djamila Boupacha (NDLR : 1960) cela faisait six ans que je défendais des militants du FLN. Avec d’autres avocats, mais nous n’étions pas très nombreux, nous avions instauré un véritable pont aérien entre Paris et l’Algérie, là où il y avait des tribunaux militaires, des tribunaux d’exception. …
« … Je l’ai fait pendant huit ans de ma vie. J’étais seule, j’avais deux enfants de cinq ans et deux ans, et je n’avais pas les moyens de les faire garder. »
Si son enfance avait été heureuse, le sort de l’ Algérie en eut-il été changé ?
C’est la force de persuasion des acteurs qui aura tout décidé.
D’autres avocats prendront en charge leur défense, plus tard, comme Roland Dumas un proche de F. Mitterrand.
Mais le processus était lancé. Il avait fait des émules.
C’est à cette période que Henri Jeanson créera son propre réseau de soutien.