L’État a-t-il vraiment secouru les banques en 2008 ?

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Mythe ou réalité, mensonge ou vérité, l’État a-t-il vraiment  secouru  les banques ?
De Sarkozy à Aubry, les politiques ne manquent aucune occasion de rappeler que l’État est venu au secours des banques. 
A droite on fustige l’ingratitude des banquiers, à gauche on réclame la même générosité pour les entreprises et le bon peuple.

De Naulleau à Calvi, les commentateurs télé reprennent le leitmotiv pour appuyer leurs analyses. 
On peut regretter que ces journalistes ne cherchent pas à être bien informés.

Mais que penser des politiques qui nous trompent ? Sont-ils eux aussi mal informés ?

Comme je ne sollicite aucun suffrage et que je ne tire aucun profit de mes écrits,   je peux dire la vérité.          Veritas veritatis et omnia veritas.

Depuis le début de la crise de 2008, il est de bon ton de critiquer les banques et de s’insurger contre l’État qui les a secourues avec l’argent du contribuable. En réalité l’État français n’a pas secouru ni cherché à aider les banques, il a seulement voulu contourner sa propre réglementation qui leur interdisait d’accorder des crédits !

En effet, pendant la crise, la réglementation a provoqué un étranglement des crédits aux conséquences jugées intolérables par l’État.
Il était donc urgent que l’État corrige cette situation, faute de quoi l’économie toute entière auraient été paralysée.

Comme la banque prête l’argent de ses clients, cette réglementation utile a pour but de protéger l’argent de ces clients d’une éventuelle faillite de la banque. Ainsi, les pertes liées aux mauvais crédits sont toujours supportées par la seule banque sans risque pour ses clients.

L’État a donc agi pour permettre aux banques d’augmenter les crédits qu’elles sont autorisées d’accorder mais sans remettre en cause la protection de nos avoirs bancaires.

Comment cette réglementation fonctionne-t-elle et pourquoi a-t-elle paralysé le système bancaire ?

 Comme les banques utilisent entre autres les dépôts de leurs clients pour financer les crédits qu’elles accordent aux particuliers et aux entreprises, la réglementation leur impose de limiter le montant global de ces crédits à 12,5 fois le montant de leurs fonds propres.
En d’ôtres termes, dans l’ensemble des crédits, au moins 8% des fonds viennent de la banque et au plus 92% viennent des déposants et des prêteurs (en fait ce ratio de 8% est une approximation d’un système complexe de pondération des crédits selon leur nature et les risques encourus mais cette approximation ne remet pas en cause notre analyse.). 
 
Le régulateur a estimé que, tant que les pertes ne représenteraient qu’une part faible des crédits accordés (typiquement de 0 à 3% selon la banque et le type de crédit), la banque qui maintient ses fonds propres à hauteur de 8% des crédits accordés pourra seule assumer toutes les pertes, l’argent des clients est donc protégé.
Ainsi, une banque avec valeur comptable de 8 milliards d’euros est autorisée à prêter jusquà 100 milliards d’euros. Lorsqu’elle a la possibilité commerciale de dépasser ce plafond elle emprunte auprès d’une autre banque ou elle refuse les nouveaux crédits,

Avant la crise, un système interbancaire très actif permettait de prendre les excès de liquidité d’une banque pour combler les besoins d’une autre. Les pertes colossales de plusieurs banques dans le monde et la faillite de Lehman Brothers ont entraîné une prudence voire une méfiance des banques vis-à-vis de leurs consœurs qui a tari ce marché des prêts interbancaires, d’où l’étranglement du crédit ou credit crunch.
De ce fait, en 2008 les emprunteurs solvables n’avaient plus l’assurance que leur banque pourrait leur accorder les crédits qu’ils demandaient.

Mais la crise a eu d’autres effets négatifs sur les prêts.

En premier lieu, comme celui d’un particulier, le portefeuille d’actions de la banque a perdu de la valeur en 2008. Les fonds propres de la banque ont donc été recalculés pour refléter cette dépréciation. Mais contrairement aux autres investisseurs qui peuvent garder leurs titres en espérant des jours meilleurs, cette dépréciation a eu un effet immédiat considérable sur l’activité de crédit de la banque. Par exemple, une réduction de la valeur de ses actifs mobiliers de 1 milliard d’euros signifie que, pour respecter la réglementation, la banque doit réduire les crédits accordés de 12,5 milliards d’euros !
En résumé, lorsque la bourse va mal, la réglementation impose aux banques de réduire considérablement leurs crédits sauf à trouver un prêteur qui n’est pas soumis aux mêmes contraintes réglementaires qu’elles. Les autres banques n’étant plus prêteuses, en 2008 le credit crunch a été absolu.

Ainsi, en prêtant à six banques saines et qui n’étaient pas en difficulté, l’État français n’a pas procédé à leur sauvetage mais leur a donné les moyens de lever les obstacles de la réglementation bancaire afin qu’elles mettent en œuvre la politique de crédits aux particuliers et aux entreprises que l’État attendait d’elles.
L’État prêteur a emprunté l’argent qu’il a prêté aux banques et le leur a fourni à un taux majoré assorti de solides garanties pour les sommes prêtées. Comme pour les prêts interbancaires auxquels l’État s’est substitué provisoirement, le contribuable français ne mettait donc pas sa main à la poche.

Toujours soucieux de voir les banques accorder plus de crédits, l’État français est aussi intervenu en capital, offrant ainsi aux banques la possibilité de renforcer durablement leurs fonds propres et, par conséquent, leurs possibilités de prêts. Il a choisi de le faire via des titres subordonnés plutôt que par l’émission d’actions nouvelles. Il semble que l’État ait préféré cette approche bien qu’elle le prive du droit de vote, parce qu’elle offrait trois avantages décisifs par rapport aux actions nouvelles :
      (i)   pas de pertes pour le contribuable, ce capital ne fluctuant pas comme l’auraient fait les actions,
      (ii)  la rémunération élevée n’est pas aléatoire contrairement aux dividendes et
      (iii) l’État étant pressé, cette solution était susceptible d’une mise en place beaucoup plus rapide
            sans consultation des actionnaires

Contrairement aux nationalisations de 1981, cette participation de l’État a été un placement très rentable.

Mais cette intervention de l’État ne règle cependant pas le problème du crédit en France.

Si cette intervention a amélioré les possibilités de crédit des banques elle ne résout pas tous les problèmes. En effet, tant que la bourse stagnera voire continuera de baisser, le niveau retenu par l’État pour son intervention n’effacera pas totalement et partout les contraintes de la réglementation bancaire en matière de crédits. En outre, les conditions quasi usurières ont poussé les banques à rembourser au plus vite ce capital supplémentaire devenu vite superflu. En effet, le ralentissement économique crée des freins aux projets des entreprises comme des particuliers ce qui réduit les demandes de crédits.
Enfin, les perspectives de résultat des banques et les pressions qu’elles subissent pour limiter la distribution de dividende réduisent sérieusement les possibilités d’un appel réussi au marché pour qu’elles augmentent leurs fonds propres.

En conclusion, l’État qui veut que les entreprises françaises maintiennent leur activité et les emplois associés, a permis aux banques dont c’est le métier d’être en mesure de répondre aux demandes de crédit nécessaires à l’économie du pays.
Bien évidemment, dans des délais beaucoup trop longs pour être efficaces et avec des coûts extrêmement élevés pour le contribuable, l’État aurait pu, comme certains l’auraient souhaité, se substituer aux banques et se lancer directement, dans la distribution de crédits aux particuliers et aux PME.
Dans ce cas, comme l’État ne dispose pas de l’argent des clients des banques, pour pouvoir prêter 12,5 sa mise comme le font les banques aurait-il demandé aux banques de lui fournir des liquidités ?

Rédigé le 08 février 2009.
 

Voir en ligne : http://blog.francetv.fr/blogistan-a...

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