Vous aimez Bayrou, vous ? Moi, je ne peux pas l’encadrer.

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Il y a des hommes politiques que j’aime plus ou moins, des goûts et des couleurs, hein ? mais quoi qu’il en soit, j’ai une estime sincère pour ce qu’ils font et ce qu’ils sont. Après tout, il faut y aller, dans les comices agricoles et les réunions de quartier, il faut en vouloir pour arpenter les marchés tous les samedis, écouter des crétins congénitaux vous expliquer le monde, et passer le reste du temps à rendre des services à des gens qui ne voteront même pas pour vous. Sérieusement, je pense vraiment ce que je dis. Ils font un boulot ingrat, et s’ils ont des compensations, ça ne me pose aucun problème, tant que ça reste dans le raisonnable.

Je les aimerais même tous, s’il n’y avait François Bayrou. Tenez, je suis en train de taper son nom sur mon PC, et mon cœur s’accélère, je frappe plus fort sur les touches, mes mains se crispent. C’est plus fort que moi, François Bayrou, je ne peux pas le sentir.

Bayrou se produisait donc sur Europe 1 dimanche matin, dans l’émission politique d’Elkabbach. A l’écouter, parce qu’en plus il parle beaucoup (pour en définitive ne pas dire grand-chose - il est normalien, c’est la seule excuse que je lui trouve), la France est entrée carrément dans une ère glacière depuis Sarkozy. Les critiques du PS, du PC, du NPA ou du PdG semblent pétales de rose à côté des missiles à tête nucléaire qu’il envoie à jet continu tous azimuts. Sachez-le, bonnes gens, en France tout va de mal en pis, mais quand lui, Bayrou, sera au pouvoir (parce qu’il n’en doute pas une seconde), la France, ce sera le Paradis sur Terre. Bayrou, c’est la nouvelle espérance. Jeanne d’Arc, Louis XIV et de Gaulle réunis, une synthèse du Père, du fils et du Saint Esprit, amen !

Je ne sais pas ce que vous ressentez pour lui, mais pour moi, tout sonne faux chez Bayrou. Il aime tout le monde, mais il passe son temps à étriller tout ce qui n’adore pas Bayrou. Il se proclame le plus grand rassembleur de l’Univers, tous ses fidèles le quittent dégoûtés. Il se veut le héraut d’une politique pure et transparente, aux élections il s’allie tantôt à droite, tantôt à gauche, en expliquant, sans rire, qu’il y a des hommes de qualité partout. Si ce n’est pas de la combinazione, c’est quoi ? C’est du Bayrou ! Et puis cette prétention qui m’horripile à être l’arbitre des élégances : je dis ce qui est bien à droite, je dis ce qui est bien à gauche, et inversement. Mais qui lui a attribué cette fonction ? Pour qui se prend-il, ce pédant pompeux ? En quoi Bayrou saurait mieux que tout le monde ce qui est le bien et ce qui est le mal ?

Bon, je ne vais pas vous resservir l’histoire avec Cohn Bendit, sinon je vais finir par casser mon clavier. Pour me calmer, je vais me contenter de vous livrer deux aspects du bonhomme qui devraient donner à réfléchir à ses partisans les plus in - cons - ditionnels :

Toujours pendant l’interview sur Europe 1, après que Bayrou se soit largement étendu sur toutes les occasions manquées par Sarkozy dans la crise, un journaliste apparemment excédé lui dit « bon, on le sait, vous êtes le champion de la critique, mais vous, qu’est-ce que vous auriez fait ? ».
Roulement de tambour. Bayrou tourne autour du pot, comme d’habitude, ménage ses effets, avec circonvolutions, digressions, tacles assassins, contrepieds… Enfin arrive sa grande mesure, suspense insoutenable, attention, tenez vous bien, ça va décoiffer : « il faut inscrire dans la constitution l’interdiction des déficits publics de fonctionnement » (si vous insistez, je vous expliquerai un jour pourquoi cette mesure apparemment de bon sens ne sert strictement à rien).

Avec Bayrou, nous sommes sauvés. Plus de déficit, plus de dette, le bonheur. Merci Bayrou. Je vais lancer une pétition pour que l’on organise chaque année, dans toute la France, à la date du 25 octobre, une procession d’action de grâce en faveur de notre grand homme.

Le deuxième éclairage touche à ses enfants. Je ne tiens pas particulièrement à mêler les enfants de Bayrou à ma détestation de leur père (enfin, détestation… n’exagérons rien, j’ai autre chose à faire), mais enfin, c’est lui qui en a parlé dans le Point il y a quelque temps. Bayrou se proclame farouche défenseur de l’égalité des chances pour tout le monde, sans la moindre exception. Il trouve l’affaire Jean Sarkozy particulièrement significative de la déliquescence du pouvoir. Lui ne ferait jamais ça, on l’a bien compris. Seulement il y a un petit problème : dans l’interview au Point, se laissant aller à son contentement de soi habituel, l’ex ministre de l’Education Nationale avoue qu’il est très fier de ses six enfants, qui font ou ont tous fait des grandes écoles ! Bravo monsieur Bayrou. A qui allez-vous faire croire que c’est en leur faisant suivre le cursus de l’école de la République, en respectant scrupuleusement la carte scolaire et en ne donnant pas de-ci de-là un petit coup de pouce peu égalitaire à votre chère progéniture que vous avez réussi à hisser tous vos petits Einstein –sans exception- à ce niveau d’excellence ?

Quand je pense à Fernande, je b...e Mais quand je pense à Bayro_u, je ne b...e plus.

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