Sans Drapeau ni Fanion, sans tambour ni trompette... ... et sans association non plus !

, par  DiaOulRu , popularité : 7%

Nous sommes nés du temps des débuts de l’Aéropostale, du temps des Henri Guillaumet, Pierre Georges Latécoère, Jean Mermoz, Didier Daurat et Antoine de Saint Exupéry. Du temps des idées irréalisables où il ne restait plus qu’une chose à faire, les réaliser parce que justement elles étaient irréalisables, comme nous. A croire que nous aussi à apparaître en notre existence sur notre foutue Planète était irréalisable mais il faisait beau ce jour là et nous sommes bien arrivé à destination comme le courrier transporté par ces exceptionnels pilotes par dessus des Andes depuis Toulouse, Dakar, Natal et Rio de Janeiro, exploit faisant partie de notre éducation et donné en exemple par nos Maîtres.

En Allemagne nous chantions :‘’Ich Hatt’Einen Kameraden’’ (J’avais un Camarade), sans savoir que c’était un air de la Wehrmacht datant des années de 1940 à 1944.

Oui ! J’avais même plus qu’un bon camarade. Un vrai copain. A l’époque de notre jeunesse, nous passions plus de temps à courir après le beefsteak que de courir après les filles. Les filles, c’est venu bien plus tard... avec quelques succès, malgré une attitude de samaritains qui nous paralysait ! Lui habitait le Quartier Chinois à la limite d’Aubervilliers, quartier qui donnait son nom non pas aux chinois de Chine mais aux Manouches et aux Chineurs, les faiseurs de poubelles ramassant des chiffons, de la ferraille, du papier pour se faire des sous à la déchetterie de Saint Ouen, et moi dans ma rue près du Pont de l’Ile Saint Denis entre le canal dans lequel on pêchait et posait des balances à écrevisses pour les vendre dans les restaurants, et la Seine. Je ramassais avec une pelle et un balai, du crottin de cheval pour le vendre aux jardiniers du coin. Lorsque nous nous sommes connus, nous avions intégré les Cours Complémentaires de notre bled, après l’école primaire. Cours d’enseignement général menant aux Brevets Elémentaire puis Commerciaux. Pour ma part, je n’en avais pas fait assez puisque j’ai suivi des cours de math et de physique le soir, aux Arts et Métiers à Paris où je m’y rendais à vélo, pour me destiner aux études en dessins industriel ; mais ce n’était pas mon truc car il fallait aussi passer en atelier et moi, la mécanique… je n’étais pas aussi habile que les copains qui déculassaient et décalaminaient le moteur de leur mobylette ! Nous sommes devenus rapidement plus que bons copains, ayant le même caractère de cochon, moi l’immigré breton et lui descendant sûrement d’aristocrates espagnols étant donné sa raide fierté d’être sans paraître, le chatouillant en permanence sous sa peau ; avec tous deux le sens de la parole donnée, l’honnêteté se dressant contre toute injustice, fiers de nos origines que nous avions à défendre envers des nantis versatiles que nous n’étions pas et les cons, à coups de poings s’il le fallait contre ceux qui nous accusaient de sortir de nos quartiers merdiques dont nous étions fiers. Il faut dire que dans cette école se retrouvaient les meilleurs éléments de la Région Nord dite Zone Rouge à cause de sa couleur politique qui ne nous gênait en aucune façon, cela ne nous intéressait pas, notre préoccupation du moment portait notre attention vers des études sérieuses, afin de nous sortir de notre condition familiale et filiale ouvrière. Classé comme individualiste ne cherchant pas le contact, obstiné dans ses idées et ingouvernable il s’était fait virer d’un établissement où on enseignait des métiers qui ne lui plaisaient pas, il avait compris qu’à cet endroit là, à ces Cours Complémentaires, se trouvait la meilleure solution pour ses ambitions futures et par de là, les miennes. Ensembles, nous menions donc le combat pour y arriver. Moi je le renforçais en français, littérature, mathématiques et lui m’épaulait en comptabilité, droit commercial, économie politique. Là il était fort et en a donné la preuve. Je pense que nous nous ne sommes pas mal débrouillés comme la plupart de nos copains de banc d’école d’ailleurs, tels le fils d’un charcutier qui s’est trouvé être l’un des grossistes négociants de porc en gros à Rungis, lui qui nous avait dit qu’il ferait l’andouille tout comme son père aussi charcutier, Intel ingénieur informaticien dans une grande entreprise, Marcellin, député et maire ! En 1953, chacun avait déjà fait son bout de chemin et percé son trou, pour nous retrouver à effectuer notre temps de service militaire dans le même régiment en Sarre, et à plusieurs de la même école de surcroît ! Etant donné notre confortable bagage de savoir, nous nous sommes retrouvé à effectuer les pelotons de sous-officier. J’en suis sorti major de promotion sans le faire exprès mais lui affaibli n’a pas pu aller jusqu’au bout, ne supportant pas les piqûres afin de se rendre en Algérie passer les ‘’vacances à la mode’’ pour les appelés du contingent. Il s’est retrouvé malade à tel point qu’il avait perdu de nombreux kilos. Il avait maigrit énormément, lui qui n’avait pas besoin de ça étant de taille mince, ce qui lui permettait une certaine élégance et notre manière à nous ‘d’être pour sortir’ comme nous le disions, c’était de dépenser près d’un mois de salaire afin d’avoir sur soi un costume fait sur mesure et bien taillé, pantalon avec ceinture espagnole, chemise col 5è avenue et chaussures italiennes. Ça nous coûtait la peau des fesses. Avec mes 63 kilos je faisais presque le double de lui. Il ne mangeait plus et vomissait ce qu’il avalait jusqu’au moment où les toubibs avaient trouvé qu’il faisait une allergie au TTABT, les vaccins pour partir en Afrique du Nord, ce qui était vrai même s’il ne faisait aucun effort pour ne pas être réformé. Il le fut partiel mais rejoignit tout de même notre Corps par la suite. J’étais devenu instructeur, ayant attrapé des galons. Mon copain, néanmoins malade avait du mal à se remettre de son état. Libre dans son affectation, et avec moi sous-officier, nous sortions de la caserne assez souvent en ville et parfois, nous avions affaire a des militaires alliés qui se comportaient à leur manière. C’est-à-dire alcoolisés. Ils embêtaient tout le monde. Il ne supportait pas leur attitude de soulographe. Du haut de ses ergots, comme un coq de combat, il se rebiffait quand il trouvait que ça allait bien comme ça quand la bière se renversait sur ses godasses, même à plus fort que lui et je devais parfois rectifier le tir si l’issue se passait mal, jusqu’au jour où un américain, une sorte de grand cow-boy complètement bourré prenait le dessus et tartinait avec sa tendresse personnelle, la figure de mon copain avec les énormes battoirs du bout de ses bras. Juste avant de partir faire mon temps, j’étais passé ceinture marron et préparais les Katas, j’arrivais à porter à l’énorme un étranglement sanguin mal contrôlé car j’avais tout de même la trouille du monstrueux et le mettait au tatami pour de bon. On ne savait plus si ce GIs ne se réveillait plus à cause de son état imbibé de bière ou d’un accident vasculaire cérébral. Très sonné, nous eûmes du mal à faire revenir ce grand gaillard à lui et opportunément, la Military Police qui passait par là le ramena à son cantonnement sans ménagement à la manière américaine des plus ‘délicate’, malgré son état. L’affaire en resta là ! Un soir, il avait foutu une trempe à un de ses compagnons de chambrée qui ne se lavait pas et sentait particulièrement mauvais. Voulant les séparer, à tel point énervé, il m’avait filé une beigne au passage qu’il avait bien entendu regretté après. Il en était resté tout bête que ça l’avait calmé attendant ma réaction qui n’était pas venue, bien entendu. Puis il y eut un moment où nous ne nous voyons plus occupés en opérations. Lui sur son terrain, moi dans le mien Il fallait aussi parfaire l’éducation militaire des bleus qui nous arrivaient des bases aériennes du sud de la métropole et qui n’avaient jamais tenu une arme dans leurs mains, un contingent à instruire tous les deux mois. J’étais passé moniteur de close-combat, ce qui m’avait valu de faire partie de la section d’intervention puis du commando de chasse régimentaire à quatre sections au début du Plan Challe.

A notre retour, nous fîmes la traversée sur un vieux rafiot, vétéran d’Indochine, complètement déglingué, comme nous, nous, physiquement mais pas moralement. Le rapatriement en Métropole au bout de ce séjour s’effectua banalement sans histoire tout étonnés de se retrouver civil et sans réception avec fanfare. Tout le monde s’en foutait. Comme ceux revenus d’Indo, nous n’étions pas aimés n’ayant pas fait de guerre noble. Les associations d’anciens ne souhaitaient pas nous avoir comme adhérent ce dont nous n’en avions rien à faire. Retour chez soi avec quelques ‘merdailles’, lui avec un superbe pistolet ‘Luger’, moi avec un souvenir métallique dans une jambe, quelques asticots d’amibes dans les intestins qui me les bouffaient, une fièvre persistante due au paludisme, un tout qui m’a brisé la santé pendant une décennie avant d’en être guéri complètement, à avoir passé notre temps à imiter les coureurs professionnels de djebel, prendre des baignades boueuses et boire de l’eau pourrie par des cadavres d’animaux ou d’hommes gonflés comme des baudruches, se décomposant dans les marigots de ces lieux d’éden nord africains. Certains parmis d’autres copains n’en sont pas revenus. Ou plutôt si… les pieds devant et entre six planches comme nos copains qui gisent au carré des anciens combattants de notre bled près de leurs prédécesseurs des autres conflits.

Au retour, nous nous sommes revu. Ho ! Pas trop souvent. Seulement quelquefois suivant les aléas de la vie et du travail chez des clients communs où l’on se croisait et marquions cet évènement dans un petit bougnat d’occase. C’est comme cela que j’ai connu sa ‘Pépita’, son épouse bien aimée, ma payse des Côtes du Nord, étant arrêté à un feu rouge sur le boulevard des maréchaux à Paris. En ce temps là, nous vivions plus que le plein emploi, nos épousée au boulot et aux fourneaux, à essayer d’élever nos gosses de façon correcte, cavalant derrière une société qui nous dépassait et qui courait trop vite, sommés d’être au top niveau et d’être les meilleurs dans tous les domaines, oiseaux rares et hommes orchestre. Nos cheveux au fil du temps prenaient une couleur grise, puis blanche. Nous portions les mêmes jeans que nos jeunes qui commençaient à se sentir adultes, s’ils savaient les idiots, oscillant entre leurs crises d’ado, leur désinvolture calculée et leur introspection entre les balises repère que nous leur imposions et mettions tous moyens à leur disposition pour qu’ils s’épanouissent comme des papillons sortant de leur cocon. Au fur et à mesure au matin au réveil, l’esprit se levait encore mais le corps commençait a avoir du mal à suivre, les escaliers grimpés quatre à quatre se faisaient de plus en plus rares ; fier d’être au sommet de nos compétences, nous n’en tenions pas trop cas. L’état d’être grand père était l’habitant d’une autre planète que la notre, devenant petit à petit un monsieur d’un certain âge, mais devenant sûrement le bonhomme d’un âge certain. Dans les successives nouvelles sociétés existaient des gouffres reliés par aucun pont, rendant difficile toute complicité de concevoir que nous vivions à une autre époque de celle de nos souvenirs et de notre éducation. Nous considérions que nous n’étions pas vieux. Certitude pas simple et pas facile quand on a été élevé dans l’euphorie de l’après deuxième guerre mondiale, émergeant de la mare aux voyous, au temps du sexe sans sida, de l’explosion des nouvelles technologies rapidement évolutives, surtout moi en apprentissage constant de mon métier d’informaticien, notre positionnement dans des sociétés en mouvement montant, que l’on imaginait perpétuel. Nous croyons façonner le Monde en constante accélération alors que nous n’étions soumis qu’à sa pression énorme, sommés de réussir notre existence pour avoir une bonne estime de soi.

Forcément, à jouer constamment ce rôle, il nous est arrivé d’éprouver une certaine fatigue en cette quête perpétuelle de bien réussir notre vie, notre sphère intime dépassant le repos du guerrier. Nous avons été gâté par cette vie exigeante, néanmoins sujets à des crises existentielles nous laissant en plein désarroi parfois. Il fallait être très fort pour ne pas succomber. Personnellement, je m’en suis accommodé de ces problématiques. Lui, je ne sais pas. Il ne m’en a pas parlé mis à part sa réussite dans son job, trop fier peut-être, tourmenté perpétuel, son regard lorsque je regarde maintenant son visage sur les photos que je possède est trop souvent profondément triste parfois et cette tristesse à l’air de venir de loin du plus profond de son lui-même mystérieux. L’état récent de… depuis qu’il savait que… qu’elle avait le crabe dans la peau, qui disait ? Je ne puis le dire pour avant car nous ne nous étions pas revus depuis notre ‘mise en inactivité libre’. Ce que je pense être sûr c’est que depuis que je le connaissais, il était rongé par un mal interne, un mal être de soi, terrible douleur de désespoir de je ne sais quoi qui le tourmentait et qui devait remonter très loin ! De son enfance peut-être en plus de nos aventures blédoises sur les pistes dont il n’avait jamais vu le bout.

Un homme ne change pas ? Il vieillit essayant de se reposer un jour au soleil d’une place durement acquise. Quand cesse l’envie de faire des efforts, quand la passion s’invite, comment gérer la fuite en avant qui perd l’être. Il n’est pas sorti indemne de la douce ouate conjugale après le baroud qu’il avait vécu surtout quand les enfants issus du foyer sont partis de la maison édifier à leur tour leur vie au loin, ailleurs et quand la maladie assombrit le tableau, quand notre temps est compté, qu’il joue contre nous.

A cet instant, on peut faire le pire comme le meilleur.

Lorsqu’on m’a annoncé la mauvaise nouvelle de sa disparition, ma douleur a été immense car je ne croyais en aucune façon ce qu’il avait voulu me faire deviner la dernière fois que nous nous étions vu après avoir passé une bonne journée de retrouvailles. Cette douleur s’est vite transformée en colère. La colère est mauvaise. Elle m’a fait tenir des propos ont peut-être blessé, ce que je regrette. Je devine que l’on ne m’en a pas tenu rigueur. Oui ! J’étais en colère. Lui, qui ne craignait pas l’issue choisie de sa fin de vie, c’est-à-dire la mort, avait craint la poursuite de la vie tout court. J’étais en colère parce qu’au fil du temps, j’avais appris que l’on doit se battre tout le temps. Toute la vie on combat quelque chose, une guerre qu’on mène, dur comme le ‘Shiaï’ parmi les autres sur le Tatami, une lutte, un combat contre soi même quand on accepte d’y participer et dont on ne sort pas toujours gagnant. C’est comme ça depuis le début des temps et depuis le jour où sorti des entrailles de ta mère qui a souffert et lutté pour ça, pour la première fois l’air a claqué dans tes poumons et t’a fait hurler de douleur. Il a fallu combattre tous les jours et trouver un moyen de lutter, quand on était en panne de dynamisme, quand on avait plus la foi ou même quand on l’avait, qu’on ne croyait plus en rien où qu’on croyait furieusement. On se foutait dans la merde avec des gars un peu fous qui en avaient plus que toi quelque part. Dans le djebel, chercher, bondir, une pression du doigt, à dégager… t’en cherchais déjà un autre… t’avait plus de cœur… ou plutôt si car le tien, à cet instant, il battait la chamade… Puis venait la camaraderie de tranchée, d’assaut, de fiente, de sang dans laquelle on trouvait le réconfort pour oublier les moments difficiles. Il y avait du risque, du piment de la vie face à la mort et on était con parce qu’on se faisait mal, parce qu’on grimpait sur son piton, qu’on râlait, qu’on faisait un pas et encore un pas et un autre pas quand on en pouvait plus sur la piste, avec la vue des godasses du copain qui grimpait devant ton nez, parce qu’on coupait sa soif avec le contenu de son bidon parce que le tien était vide et qu’on se réchauffait contre son dos et ses fesses quand on avait froid, la nuit, au dehors roulé dans la même couverture, la peur aux tripes, à cent mètres du bivouac, en sonnette. Parce qu’on l’avait vu se laver, dégueuler dans son casque, chier aussi de dysenterie dedans parce que le camion en convoi ne s’arrêtait pas, parce qu’on avait ri de lui et qu’on avait engueulé les autres quand ça nous était arrivé, et qu’on ne riait plus après, de ces petites misères. La quille bordel ! Parce qu’un pauvre type un jour crevait sur ton dos, le ventre ouvert, rempli de ta chemise que l’infirmier y avait bourré pour que ses boyaux ne tombent pas par terre, serré par des ceinturons et que tu t’apercevais qu’il était mort quand sa pisse te coulait le long des reins, que tu sens encore aujourd’hui comme hier ce jus chaud comme le sang et qui colle sur ta peau jusqu’à la fin de ta vie. Tu hurlais ta révolte, tu dégageais au pinard quand tu retrouvais une lettre de la femme d’un de tes gars qui avait morflé en embuscade, avec la photo de sa petite fille, quand tu triais son fourbi. Tas à droite, à rendre au fourrier... tas à gauche... ben j’en sais rien... vous vous en occuperez, mon lieutenant ? Tu ne t’attachais plus à personne parce que c’était trop dangereux pour ton moral et tu remettais ça le lendemain en soignant ton mal de tête et en houspillant les nouveaux qui avaient remplacé les absents, perdant un peu plus de ton âme au fur et à mesure jusqu’au jour où tout s’arrête tout au bout de ta piste et que tu restes là perdu parce que t’es un grand couillon. Alors un jour, si quelqu’un t’allumait et osait te juger, il risquait de prendre un pain sur la gueule car depuis longtemps tu avais reconnu tes conneries mais dès lors tu acceptais mal le jugement des autres surtout quand tu avais choisi de la fermer car beaucoup ne savent pas, ils se moquent de ne pas savoir.

Après annoncé la mauvaise nouvelle, c’est tout ceci qui m’est revenu. J’ai tout de suite pensé avec désespoir à ses petits enfants comme s’ils étaient les miens. Alors j’avais soif, j’ai donc bu ma colère ! Trop peut être à en être enivré mais qu’est-ce qu’il te reste quand il ne te reste un jour, presque plus rien ?

Presque plus rien ! Mais riche de tous les souvenirs douloureux, à moi il me restera encore mes vieilles maisons de granit au toit d’ardoise, ma vieille chapelle où je tirerai encore la langue aux statues polychrome en bois des Saints Patrons qui ornent son entrée, comme je le faisais étant petit. Il me restera mes vieilles ruines, mes vieilles croix rongées de lichens, mes vieilles fontaines votives dans lesquelles je jetterai un sou en faisant un vœu, mes vieux chemins sablés avant qu’ils soient bitumés, le bon souvenir de mes copains que je regretterai car on ne regrette que les lieux et les gens qu’on aime. On les porte dans le cœur jusqu’au bout de la vie et bien au-delà. Nostalgie des durs moments passés et mémoire des racines, c’est le dernier refuge de la personne, qu’on cultive comme un besoin, comme un jardin secret et qu’on cache. Pour ceux qui ne sont plus, dans ma pensée, comme les miens en Bretagne, ils seront préservés comme tes Parents de l’inexorable oubli le second linceul des morts.

Quand j’ai relu ce qu’il m’avait adressé, que je n’avais pas compris et refusais de deviner ce qu’il avait voulu me faire déchiffrer, j’aurai du savoir que toujours aussi déterminé, il aurait été jusqu’au bout de ses idées après le décès de son épouse :

« Allecto, ami fidèle de longue date, des souvenirs communs, Ecole et Militaire, content de t’avoir retrouvé si vite mais si tard. Hasta la vista... Amigo »

Nous nous sommes retrouvés… bien vite et si tard, oui, trop tard. Lui dans son cercueil, sans le drapeau au trois couleurs ni le fanion d’un club d’anciens combattants, il ne l’aurait pas voulu. Je n’étais pas à ses côtés pour l’empêcher de se tirer une balle dans la tête. Son ‘Luger’ l’était lui. Il en avait eu marre de la vie, il me l’avait dit mais je n’avais pas compris…

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