Pour prendre le pouls militant de La Plaine, un quartier populaire et bigarré du centre-ville, indécrottable bastion des forts en gueule, il faut se rendre à son décapant carnaval annuel. Pas au sage défilé officiel organisé par la Mairie de secteur, non. Mais à la manifestation alternative, foutraque et insolente, qui, dans la tradition brésilienne, désigne chaque année une cible censée cristalliser les rancoeurs des "Plainards".

En mars, sans surprise, le Caramantran honni avait pris la forme d’un oeil géant, vulgaire et visqueux. À la demande de la foule, quelques centaines d’habitants, majoritairement des trentenaires, le symbole de la vidéosurveillance a été projetée dans les flammes. Autour du feu, place Jean-Jaurès, chants de joie et slogans frondeurs : "Des caméras, on n’en veut pas !" Auparavant, ces mêmes carnavaliers, dont certains portaient le masque des "Anonymous", s’étaient rendus devant chacune des nouvelles caméras qui ont poussé en quelques mois. Avant de les recouvrir méthodiquement, sous les vivats, par des caches en cartons prenant différentes formes grotesques...