Témoignage de Jean-Claude DENIS
[(
)]
J’étais chef de section de la 2ème compagnie,commandée par le capitaine B...,de l’E.M.T. 1 du 5 ème R.T.A.commandé par le chef de Bataillon BAZIN.http://www.camp-francilien.org/article-34692544.html
Il se trouve que j’étais en permission de 48 heures et étais donc avec ma famille, rue Camille DOULS,à 50 mètres du Bd de CHAMPAGNE,lorsqu’a eu lieu le bouclage de Bab-El-Oued.
Nous avons eu le« droit » au mitraillage de l’immeuble par des gugus qui tiraient,à l’aveuglette,sur notre immeuble,à un point tel que nous avons dû,mes voisins de paliers et nous même,nous réfugier dans la partie basse de l’immeuble:j’habitais au 11 ème étage et les tirs venaient du toit de l’immeuble où devait habiter la jeune Georgette RODRIGUEZ .
Lorsque le quartier fût « repris » par les gendarmes mobiles et leurs blindés,je suis remonté chez moi pour m’habiller de ma tenue de sortie. J’en profitai pour voir ce qui se passait dehors.
Un grand calme était tombé sur Bab-El-Oued depuis la veille. C’est alors que j’ai vu et reconnu,dans et devant la station service du Bd de CHAMPAGNE,ma compagnie.
Je suis alors sorti pour la rejoindre et c’est alors que je me suis rendu compte du bouclage qui excluait la rue Camille DOULS.
Des barbelés étaient tendus et entouraient tout le quartier .Des C.R.S. se trouvaient derrière les barbelés et il a fallu de longues discutions avec eux,et avec les gens de ma compagnie, pour que je puisse passer.
Le P.C. De la 2ème Cie était dans le garage de la station service et la compagnie en entier était décontractée au possible,hors du bouclage. Je me souviens qu’une petite fille de 4 ou 5 ans qui nous amusait et qui,avec le major TRAM....,nous chantait les chansons en vogue du moment.
J’avais repris le commandement de ma section à mon adjoint,le Sergent chef AKE...... A.E.Kader.
Tout un tas de civils,"ramassés" par les C.R.S.était parqué,c’est le mot pour d’écrire comment étaient traités les gens du quartier,sur un terre plein.
C’est alors que je remarquais une jeune femme qui,de l’autre coté des barbelés, était en grande discution avec un C.R.S.
Je m’en approchais.
Le C.R.S. voulait m’empêcher de m’approcher des barbelés. Un échange assez vif commençait lorsque j’entendis un bruit de P.M. que l’on armait. C’était mon adjoint et deux ou trois autres hommes de ma section qui venait me« soutenir ».
Finalement j’ai pu,mon capitaine étant venu calmer tout le monde,m’approcher de la jeune femme. Elle voulait,tout simplement,donner à son père,un monsieur qui avait le liseré de la médaille militaire au revers de son veston,une petite valise contenant quelques affaires de toilette et des sous-vêtements.
Je l’a lui pris,en m’excusant de ne pas pouvoir faire plus,vu les circonstance.Je l’ai alors remise à ce pauvre homme en le prenant par l’épaule et lui répétant les mots d’excuse que je venais de dire à sa fille.
Le C.R.S. en question,tout penaud,s’est fait ,pendant ce temps ,bien « habiller »,par le capitaine B.....
Mis au courant de l’incident,la compagnie reçue l’ordre de se déplacer au pied de l’immeuble d’où étaient parties ,la veille,les rafales qui ont,chez moi,mis le feu au rideaux de la salle à manger,brisé des vitres,traversé des cloisons ;etc..
Alors que ma Cie,toujours en dehors de ce qui s’était passé dans le quartier,s’amusait au foot-ball avec un ballon prêté par un jeune de l’immeuble,une rafale de F.M.est partie du toit de l’immeuble puis une deuxième.Nous n’arrivions pas à nous faire entendre de cette pièce ;J’ai alors pris le P.M. d’un des hommes de ma section et ai vidé un chargeur entier devant le F.M.Les balles traçantes ont été vues et le tir s’arrêta. Un gradé d’un R.I.,qui est descendu du toit de l’immeuble,s’est fait traiter de tous les noms d’oiseau possible et l’incident commençait à bien « chauffer ».
Cette fois,nous fûmes rapidement retirés du secteur et avons embarqué pour nos cantonnements.
A ma permission suivante,6 ou 7 semaines plus tard,j’appris que tout notre immeuble avait été fouillé de fond en comble.Une équipe,menée par un sous-lieutenant ,est entrée dans mon appartement et a tout fouillé,les armoires,les placards,a déplacé des meubles pour voir si rien n’était caché dessous,tout cela alors que ma femme et mes enfants ne pouvaient que regarder ,malgré que la vérification d’identité ait été faite et que mon appartenance et mon grade dans l’armée aient été précisés.
Voila ce dont je peux me souvenir de ces tristes journées de MARS.
Ce n’est que quelques jours plus tard que le Commandant BAZIN a déserté plutôt que d’être arrêté car il était déjà dans l’« oeil » de la Sécurité Militaire et, certainement ,d’un autre service, non officiel celui-la........J’ai eu l’honneur, à 2 reprises, de rendre service à celui qui était resté notre commandant et je dois préciser que tous nos tirailleurs lui sont également resté fidèles.
C’est avec beaucoup d’émotions que nous avons appris sa mort,les armes à la main,attaquant ,pendant le cessez le feu,une katiba fellous.
Il avait été blessé grièvement et a demandé, supplié, qu’on l’achève car il ne voulait pas être repris par une certaine partie de ceux,parmi les militaires, qui n’était pas dans le même sens de l’histoire que beaucoup d’entre nous.
A son enterrement,nous n’étions qu’une poignée de ceux qui ne l’ont jamais abandonné,le Capitaine B....,6 sous-officiers qui,sous l’œil et la caméra de quelques « voyeurs »,ont pu soutenir Madame BAZIN qui était arrivée de FRANCE.
[bleu]NOTE DE L’AUTEUR :
Je suis natif de BLIDA où j’ai vécu jusqu’à mes 18 ans après lesquels je me suis engagé au 1er R.T.A.
En ont suivi l’INDOCHINE où,en particulier,j’ai eu l’honneur de connaitre ,pendant près d’un an,les camps de prisonniers de
l’oncle HO.......
Après cela,l’ALGERIE,naturellement,jusqu’en 1962,puis la "métropole"jusqu’à ma demande de mise à la retraite en1966.[/bleu]
Voir en ligne : Voir aussi sur l’Encyclopédie de l’AFN