Alain R. PEREZ confirme son témoignage
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Après plusieurs échanges de mails complétés par deux ou trois longues conversations téléphoniques entre Alain R. PEREZ et moi, ce dernier confirme et complète son témoignage.
Bonjour mesdames, bonjour messieurs
De grâce ne m’appelez plus Robert. Ce prénom est celui qui suit mon prénom réel : Alain.
En découvrant ce site je constate que mon ami André Trivès s’y est manifesté et cela est une bonne chose.
Tout d’abord je maintiens avec la plus grande vigueur que mon propos est le reflet scrupuleux des évènements qui ont marqué cette terrible journée.
Ensuite je reprends l’intervention du dr Thiodet qui tendrait à souligner une inexactitude de ma part. En fait, il n’y a aucune erreur de frappe ou autre dans mon texte. Au plus y ai-je laissé traîner quelques fautes d’orthographe (monsieur Foletti, mon instituteur du cours moyen de l’école Lelièvre ne s’en étonnerait pas).
Le convoi dont il est question n’a été visible par moi que lorsqu’il s’est avancé au début de la rue Montaigne. Il était donc venu de la rue Suffren. Venait-il du bas de cette rue comme cela aurait du se faire si l’on se réfère au sens obligatoire ? Ou bien du haut vers le bas ?
Mon angle de vue ne m’a pas permis de m’en rendre compte.
Je rappelle que je me trouvais alors à l’angle général Verneau et Montaigne à l’abri de véhicule en stationnement. Je ne portais personnellement aucune arme sur moi, du reste comme la plupart des gens tout autour de moi.
Le convoi s’est avancé sur cette rue en sens interdit. Arrivé au croisement Montaigne et général Verneau (mon "poste" d’observation se situait à leur droite) les véhicules de gendarmes ont viré sur leur gauche allant ainsi sur l’avenue de la Bouzaréa
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Pour leur malheur les appelés du corps des zouaves occupant les deux GMC, eux ont bien tourné vers la droite.
Ils sont ainsi passés devant moi et n’ont pas tardé à être arrêtés par un groupe de gens. Certains s’étaient positionnés sur le marche pied pour exiger que les militaires déposent les armes.
Refus de ces dernier et fuite vers une petite rue au delà de la place Desaix (qu’après entretient téléphonique avec Jean-Claude Thiodet nous avons estimé être la rue Christophe Colomb). Au passage, le rideau de la fabrique de cigarettes Bastos a essuyé quelques tirs provenant selon toute probabilité des camions.
C’est comme cela que j’ai perçu la chose.
Dés la disparition des véhicules militaires de mon angle de vue j’ai constaté que les hommes du commando qui de toute évidence étaient sur place dans un but précis, se sont positionnés dans l’angle Livingstone (il me semble que cette rue est celle dans laquelle se trouvait le cinéma « La perle ») et la rue Christophe Colomb.
Des tirs d’armes automatiques ont suivi. D’où je me trouvais je voyais les membres du commando vider leur chargeurs en direction de la dite rue. A voir les mouvements de retrait de leurs bustes par instants, je parle des hommes du commando, il était loisible de constater que les militaires ripostaient.
Au total la fusillade n’a duré que quelques minutes.
Ma curiosité m’a amené à venir regarder ce que me cachait l’immeuble dans lequel était comprise la boulangerie. Et là, toute sorte de qualificatifs peuvent désigner ce que mon regard a rencontré : La désolation, la mort, l’absurdité, l’incompréhension.
Cela c’est le sentiment profond que j’ai éprouvé et qui m’est resté. Devrais-je formuler les choses autrement ? Etant qui je suis, non ! D’autres présenteraient l’évènement à leur manière, sans doute, mais pas moi. Je parle de ce que j’ai vu et de l’émotion que cela a provoqué en moi.
Ceci étant, je tiens à rappeler que mes convictions de l’époque, à savoir que le gouvernement d’alors était composé d’aventuriers de haut vol prêts à tout, même au pire pour arriver à leurs fins, n’ont pas changé.
Pour autant, sommes-nous capables actuellement de procéder à une autocritique de certains comportements ou de quelques épisodes malheureux de cette époque mouvementée ?
Bien entendu que ce sont les individus immondes qui se sont portés au pouvoir s’appuyant sur notre désarroi en nous promettant durablement une Algérie française.
Qui peut le contester ?
Ce faisant, en trahissant leur parole mais non pas leurs intentions ils ont provoqué notre indignation, notre colère et notre violence.
De la sorte, ils sont les véritables responsables des horreurs que leur machiavélisme a déclenchées.
Un sinistre ministre de l’époque passant un jour à la télévision dans le cadre d’un débat sur la guerre d’Algérie a prononcé ces mots
"Nous avions à faire à de véritables psychopathes" parlant des gens de l’OAS.
J’aurais donné cher pour être sur le plateau à cet instant et lui rétorquer que cet état de fait nous le devions à son oeuvre ainsi qu’au plus maudit d’entre tous dans ce gouvernement d’imposteurs et d’imposture.
Mon cher André Trivès, si tu lis cette intervention, tu comprendras que je sais faire mienne la causalité (la loi de cause à effet) et que cela ne m’empêche pas de pointer du doigt ce qui ne fut pas propre dans notre camp. C’est ce qui doit nous différencier de ceux qui ont choisi le mensonge, le crime et le déshonneur afin d’assouvir leur soif de pouvoir.
Il va sans dire que pour moi, les généraux du putsch et d’autres qui ont suivi sont les gens vers qui va mon éternel respect.
Pour ce qui est de notre sport favori, le judo, j’en garde un excellent souvenir "d’ici et de là-bas".
Pourtant, malgré les succès que j’ai pu rencontrer
dans l’hexagone, il n’est rien de comparable à ce que j’ai connu à Alger.
La chaleur humaine que l’on trouvait au cours des entraînements et des compétitions avait un goût de grande aventure. Une sorte d’option vers un avenir prometteur.
Quel plaisir de « combattre » devant un public qui nous connaît et qui nous porte !
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Les amis du SABO demeurent à jamais dans mon coeur.
Alain Robert PEREZ