Mémoires d’un Paysan Bas-Breton ... " J’allais voir un pays nouveau ... "
Le récit de Jean-Marie Deguignet (1834-1905), paysan miséreux du Pays Bas-Breton sous le second Empire, vacher, puis militaire par nécessité de survie, est absolument passionnant. ( Bernez Rouz . Editions An Here )
Après avoir participé à la guerre de Crimée en 1855, puis à la guerre d’Italie en 1859, et s’en être sorti sans dommage avec le grade de sergent ... il est contraint à son retour en Bretagne de rempiler à Brest en 1861, une autre fois pour ne pas mourir de faim, comme simple soldat au 63eme de ligne, régiment d’Afrique en partance pour pacifier ... l’Est Algérien.
Voici donc un extrait de ce récit d’époque qui fourmille de détails remettant en question bien des stéréotypes en vigueur de nos jours ...
Episode 1/2 : J’ALLAIS VOIR UN PAYS NOUVEAU
<< ... //... Là cependant, et contrairement aux habitudes des bureaucrates, je fus assez bien reçu, et aussitôt que j’eusse exposé mon désir de rengager, on me demanda mes papiers et, de suite, dans quel régiment je désirais être incorporé.
Je demandai un régiment d’Afrique, on me dit que le 63e de ligne venait justement de partir pour cette colonie, et qui par conséquent avait une chance d’y rester plusieurs années. Je pris donc ce régiment. Cela fut bientôt fait.
De là, j’allai à l’intendance où on me délivra un mandat de mille francs que j’allai toucher immédiatement à la trésorerie, et le soir même je m’embarquais sur le bateau à vapeur pour Châteaulin avec un rouleau de mille francs dans ma poche.
Je me trouvais plus heureux et plus content que le plus heureux roi du monde.
Maintenant, j’étais assuré d’avoir du pain pour sept ans encore et des occupations variées. J’allais voir un pays nouveau.
Au 63e, j’arrivais comme simple soldat, je n’aurais plus de responsabilités, je n’aurais à répondre que de ma personne. Comme simple soldat, je n’ai jamais fait aucune punition, pas même reçu un mot de reproche, au contraire, plus souvent cité en exemple aux camarades. Qu’est-ce que je pouvais désirer de plus ?
Pour être heureux sur ce petit globe il suffit d’avoir à manger et des occupations physiques et morales en rapport avec son organisation et avec ses facultés intellectuelles et morales.
Je déposai neuf cent francs à la Caisse d’Épargne de Quimper et je laissai mon livret au vieux tonton à qui je donnai encore quelques pièces pour le payer des quelques nuits qu’il
m’avait hébergé, puis je partis pour Poitiers où était le dépôt du 63e.
Nous avions une assez longue route à faire de Poitiers à Marseille, à traverser tout le Limousin, l’Auvergne et la Provence. Mais nous la fimes, nous quatre ...
( Déguignet a été choisi avec trois autres anciens, pour effectuer la tâche de fourrier d’étapes. Ils étaient chargés de préparer les haltes de la centaine d’hommes qui s’étaient portés volontaires pour l’Afrique et qui devaient traverser la France à pieds pour s’embarquer à Marseille . NdR)
... le plus agréablement possible, comme des touristes plutôt que comme des soldats. Nous mangions ordinairement les quatre ensemble.
Mon camarade, qui était à la fois boucher et cuisinier, se chargeait de l’ordinaire journalier et s’en acquittait admirablement bien, à la grande satisfaction de tous.
À Clermont, le lieutenant me dit qu’il était très content de moi :
"Ça marche bien", dit-il, "et pas une seule réclamation jusqu’à présent, ni de la part des hommes ni de la part des autorités civiles où nous avons passé."
"J’espère bien qu’il n’y [en] aura pas," lui dis-je. //...
Les Arabes me virent, poussèrent des cris de terreur
C’était la deuxième fois que j’avais l’honneur d’embarquer à Marseille.
Nous fûmes conduits à Stora, alors le port de Philippeville où nous eûmes bien des misères à débarquer car le temps était mauvais. De Stora, nous allâmes à Philippeville où il y avait deux bataillons de notre régiment.
Un autre bataillon, le troisième, était disséminé entre Djugilli et Collo. Ce fut dans ce dernier que je fus mis, et encore dans la deuxième compagnie, qui se trouvait justement à Collo. Il me fallut donc reprendre encore le bateau pour aller rejoindre ma compagnie. Nous étions six, désignés pour la deuxième du trois, mais aucun de mes camarades de route ne se trouva avec moi.
En arrivant à Collo, toute la compagnie vint nous chercher au port, capitaine en tête, car dans ce coin isolé, c’était un événement quand le courrier s’y arrêtait pour débarquer quelqu’un ou quelque chose.
Le capitaine de cette compagnie était un vieux à barbe grise, qui portait le nom du plus célèbre charlatan qu’il y eût alors en France, peut-être dans le monde entier, l’illustrissime Mangin. ( Louis-Eugène Mangin 1819-1867)
Ce capitaine n’était pas charlatan comme son homonyme, mais il aurait pu l’accompagner, car c’était un musicien, un violoniste mélomane.
N’ayant rien à faire dans ce trou, il passait son temps à racler les cordes de son violon.
Le lieutenant faisait de la pathologie et étudiait l’anatomie du cheval, car il avait demandé à entrer dans la gendarmerie.
Le sous-lieutenant était un ancien sergent-major passé officier après la campagne de Chine, à dix-huit ans de service, aussi ignorant que mon sous-lieutenant du 26e, mais moins faquin, moins pitre et moins méchant, à cause de son âge avancé sans doute.
Le sergent-major était un pauvre bougre déjà à moitié tué par le climat qui ne convenait pas à sa faible constitution.
En fait, personne dans cette compagnie ne paraissait s’occuper de nous, je n’en fus pas fâché pour ma part, car, de cette façon personne ne s’était aperçu que j’avais été sous-officier.
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N’ayant rien à faire là, j’allais me promener dans les environs, au bord de la mer où l’on voyait encore quelques ruines romaines, comme on en voit partout en Afrique.
Souvent je m’arrêtais à considérer le grand pic, semblable à un volcan dont les pieds s’étendent sur deux cotés, jusqu’à la mer, car Collo se trouve sur un promontoire très étroit.
Les Arabes disent que tous ceux qui montaient au sommet de ce pic y restaient, ils étaient dévorés par une bête monstrueuse qui ne quittait jamais ce sommet. Plusieurs fois, j’avais manifesté le désir d’y monter, mais les camarades disaient que c’était bien dangereux. D’abord, il était presque impossible d’arriver jusqu’au pied du pic à cause des précipices et une broussaille inextricable, et en plus impossible encore probablement de monter au sommet, qui semblait uni comme un pain de sucre.
Et puis qui sait, que cette bête monstrueuse dont parlent les Arabes n’existe pas là-haut.
Oh, dis-je, pour les bêtes monstrueuses, fabuleuses ou mythologiques, celles-là ne me font pas peur. Des bêtes naturelles, il ne doit pas y avoir non plus.
Un jour je demandai qui est-ce qui voulait venir avec moi jusque là-haut. Mais personne ne voulut. Alors je partis seul avec mon fusil, de l’eau-de-vie dans mon bidon, une petite gamelle, du sucre et du café dans ma besace.
Un Arabe parlant un peu le français m’avait déjà indiqué par où je pourrais facilement atteindre le pied du pain de sucre, mais après il me dit que je ferais bien de ne pas aller plus loin. Je pensai : je verrai quand je serai là.
J’atteignis donc facilement le pied du pain. Là, je m’arrête à considérer cette masse énorme qui de loin paraissait si petite.
Après m’être reposé un instant, car je suais, je cherchai par où commencer l’ascension. J’avais mis mon fusil en bandoulière afin d’avoir les deux mains libres pour m’accrocher aux rochers, puis me voilà allant à droite, revenir à gauche, tournant de ci, de là, montant toujours cependant. Et au bout d’un quart d’heure à peu près, j’arrivai au sommet qui était assez large pour y bâtir un château.
Je ne vis point de bête fantastique ni autres, mais il faisait joliment froid. Ayant ramassé du bois mort au pied du pain, que j’avais mis dans ma besace, je m’empressai d’allumer du feu dans un trou de rocher sur lequel je mis la gamelle dans laquelle je jetai pêle-mêle l’eau-de-vie avec de l’eau, sucre et café, et quand tout fut chaud, je l’avalai tel et me mis en devoir de descendre car je sentais le froid me saisir.
Quand je fus au pied, je restai là un moment fumer ma cigarette. Je fus de retour au camp à l’heure de la soupe. Alors tout le monde me demandait ce que j’avais vu là-haut. Ils savaient que j’avais été au sommet puisqu’ils avaient vu la fumée de mon feu.
En ce moment-là, les Arabes me virent, poussèrent des cris de terreur, voyant la fumée sur ce sommet où aucun être humain ne pouvait aller.
J’aurai pu certes, à l’exemple de tant de farceurs, menteurs et imposteurs, raconter bien des choses incroyables à tous ces gens puisque je venais d’un endroit d’où, selon les Arabes, personne n’était jamais revenu, et un endroit fabuleux, mais je n’ai jamais pu raconter les choses que telles que je les ai vues.
N’ayant rien vu là haut que des rochers nus, je ne pouvais pas dire que j’avais vu autre chose, seulement ils firent les étonnés quand je disais qu’il y faisait joliment froid. J’aurais pu leur en donner l’explication scientifique de ce phénomène météorologique comme j’en avais déjà donné là-bas sur les Apennins et sur le Mont-Cenis, mais je connaissais trop bien
l’inutilité et même le danger de parler science à des ignorants.
Nous allions aussi quelquefois la nuit à la chasse aux sangliers dans une forêt appelée la Forêt des Singes, mais dans laquelle vivaient tous les fauves de l’Afrique, depuis le roi lion jusqu’au chacal. Les officiers nous permettaient cette chasse car ils en profitaient largement en prenant toujours les meilleurs morceaux.
Une nuit nous étions allés une demi douzaine. Mais à peine étions-nous mis à l’affût au bord d’une clairière où les sangliers avaient l’habitude de venir manger des oignons sauvages, qu’un formidable rugissement de lion se fit entendre non loin de nous.
Aussitôt la panique saisit mes camarades, qui se mirent à détaler à toutes jambes. Je partis aussi, mais mes camarades étaient déjà loin.
Je marchais lentement en regardant tout autour de moi. Tout à coup, j’aperçois à dix mètres sur ma gauche les deux yeux comme deux chandelles du roi de la forêt.
L’animal m’avait vu et s’était arrêté. Moi je ne m’arrêtai pas, je continuai à marcher lentement les yeux fixés sur la bête, tenant mon fusil des deux mains, prêt à faire feu et à croiser la baïonnette en cas d’attaque. Mais je ne voulais pas attaquer.
J’avais entendu dire que le lion ne faisait jamais de mal à l’homme, à moins que celui-ci ne l’attaque le premier.
Lorsque je fus à quelque distance, je vis l’animal continuer son chemin majestueusement à pas lents, en battant ses flancs de sa longue queue, ce qui voulait dire :
"Ne me cherche pas noise, si tu veux, mon petit bonhomme, autrement je te croque."
Je pensai pourtant alors à ce fameux Gérard, le tueur de lions qui allait tout seul à la chasse de ces terribles fauves.
Il en avait tué beaucoup, mais il finit par en être victime tout de même.
J’arrivai au camp longtemps après les autres. Ceux-ci croyaient que j’étais dévoré. Quand je leur avais conté l’aventure, quelques-uns dirent que je devais être salement un ensorceleur, et ils promirent de ne plus aller à la chasse aux sangliers.
Me voilà maître d’école
À la pointe de Collo, il y avait un phare, j’y allais souvent faire des promenades. Il y avait là, comme gardien, un vieux marin décoré. Je causais souvent avec lui, car il avait fait aussi la Campagne de Crimée.
Un jour, il me demanda si je voulais donner quelques leçons à sa fillette, car lui ne savait ni lire, ni écrire et sa femme n’avait pas le temps où plutôt ne voulait pas s’occuper de ces soins ennuyeux.
Je répondis au vieux marin que je viendrais volontiers donner quelques leçons à sa fillette mais que pour cela il me faudrait la permission du capitaine.
"Oh ! trôun de ler", dit-il, "des permissions vous en aurez autant que vous voudrez, votre capitaine et moi nous sommes des grands amis, nous sommes du même pays. Et puis vous savez", dit-il, "je suis le maire de Collo, moi."
Il commanda à sa femme qui était son secrétaire de me donner un billet pour le capitaine Mangin. Celui-ci, après avoir lu le billet, me dit que je pouvais aller au phare quand je voudrais, y rester autant que je voudrais, en un mot j’étais complètement libre.
Me voilà maître d’école, mais un pauvre maître car je n’avais aucune autorité sur mon élève, qui était très capricieuse et voulait faire à sa tête.
Elle aimait mieux chanter et danser que de faire de la grammaire et de l’arithmétique ; ou quand elle voyait un navire passer au loin, à prendre la grande lunette d’approche pour y dévisager les passagers qui s’y trouvaient.
La mère du reste, qui connaissait sa fille, avait une bonne philosophie à son égard. Elle veut apprendre à chanter et à danser, qu’elle apprenne. On ne peut pas forcer les gens à apprendre ce qu’ils ne veulent pas.
De même, quand elle saura danser et chanter, elle pourra un jour peut-être chanter et danser devant son buffet quand celui ci sera vide.
Puis la mère se remettait à lire ses romans d’Alexandre Dumas et d’Eugène Sue, romans dont elle raffolait.
Le vieux marin passait son temps à défricher du terrain pour faire un jardin qu’il pouvait faire aussi grand qu’il voudrait, le terrain ne manquant pas. J’allais aussi piocher avec lui, ce qui me convenait beaucoup mieux que le métier de précepteur.
Il y avait avec lui un journalier arabe qui parlait assez bien le français. Avec celui-là, si le temps l’eût permis, j’aurais bien vite appris l’arabe, plus vite que mon élève aurait appris la grammaire française, d’autant plus facilement que l’accent arabe est le même que l’accent breton et que tous les mots de cette langue ont les mêmes terminaisons que les mots bretons.
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Mais, en revenant du phare, je trouvai un autre maître d’école assis sur l’herbe, celui-ci et ses élèves assis en rond autour de lui en tailleur breton. Ces élèves tenaient leurs cahiers sur les genoux sur lesquels ils écrivaient de droite à gauche sous la dictée du maitre, en faisant craquer leurs plumes de roseaux.
C’était l’école arabe, école de hameau sans doute, mais que j’estimais faite dans de meilleurs conditions que toutes nos écoles de français et autres. Car ce maître faisait son école partout, au soleil quand il faisait froid, à l’ombre quand il faisait trop chaud, au bord de la mer, dans le bois, sur le gazon et sur les rochers, c’est-à-dire en liberté et en présence de la nature.
Tandis que nos écoliers à nous sont renfermés, hiver comme été, dans des trous étroits, entourés de murailles où ils ne voient rien et n’apprennent rien que des mots et des phrases, aux moyens desquels ils deviennent bacheliers, imbéciles et inutiles, nuisibles à eux-mêmes et plus encore à la société.
Ce n’est pas en renfermant les oiseaux en cage qu’on leur apprend à voler et à se pourvoir de nourriture.
Et comme pour se moquer du public, on appelle chez nous écoles libres celles qui sont les mieux fermées et qui ont les plus hautes murailles.
Décréter l’instruction obligatoire dans ces conditions, comme on veut le faire aujourd’hui, c’est décréter la misère obligatoire pour beaucoup de malheureux, ou le charlatanisme et le mensonge obligatoires pour beaucoup d’autres.
Cependant les choses allaient changer pour nous. Jusque là nous n’avions encore rien vu de la vraie vie du soldat d’Afrique, c’est-à-dire les marches dans les brousses, les rochers, les montagnes, les combats, la faim, la soif et les périls à chaque instant.
Bientôt nous allions connaître cette vie, et pour longtemps.
Ce fut d’abord du côté de Tébessa que la révolte avait commencé.
Toutes les troupes de la province furent réunies dans cette immense plaine de Tébessa, dont on a tant parlé plus tard au sujet des richesses qu’elle renferme en phosphates.
Dès que toute l’armée fut réunie, nous partîmes du côté des tribus révoltées.
Nous marchâmes pendant quinze jours en tous sens jusqu’aux frontières de Tunisie où nos ennemis se retiraient quand ils se voyaient en danger.
Cependant, plusieurs tribus se soumirent, et pour mieux prouver leur parfaite soumission, nous offrirent le fameux Kouskoussou, le grand mets national des Arabes, qui consiste en viande de chèvre cuite avec des grains d’orge concassés.
Ce repas avait dû coûter cher à ces tribus : servir ainsi un grand repas à toute une division sans compter le goum, c’est-à-dire à environ dix mille bouches.
Après ça nous retournâmes à Tebessa pour des marches en zigzag.
Longue expédition
Nous partîmes en suivant toujours les frontières de la Tunisie, derrière lesquelles l’ennemi se retirait pour se soustraire à nos poursuites.
Pour éviter les surprises de cet ennemi qui joue au cache-cache, nous marchions et nous campions constamment en carré avec les bagages et l’artillerie au milieu, marche difficile et esquintante surtout dans le pays raviné, accidenté et plein de broussailles que nous avions à explorer.
C’était là en petit, comme je le disais à mon artiste, une imitation de la marche des phalanges macédoniennes. En petit assurément, puisque ces phalanges marchaient sur huit rangs serrés, de véritables murailles mouvantes, tandis que nous autres, nous ne marchions que sur cinq rangs.
Il n’aurait pas été bien difficile à des cavaliers aguerris et audacieux de percer notre carré. Il est vrai que nous étions aussi protégés par de nombreux cavaliers arabes, appelés goums qui venaient volontairement nous aider à battre leurs frères et qui formaient une grande ligne de défense mobile autour de nous.
Ces cavaliers agiles servaient encore d’éclaireurs et d’espions.
Nous ne marchions pas vite ainsi, et nous nous arrêtions souvent plusieurs jours à certains endroits. Aussi, mîmes-nous bien des semaines pour aller de Tébessa à La Calle, point terminus de l’expédition.
Là fut dissoute l’armée expéditionnaire, et chaque régiment devait gagner la garnison qui lui était assignée.
Mais si nous n’avions pas eu beaucoup de morts dans cette longue expédition, en revanche nous avions de nombreux malades par suite de grandes fatigues, de chaleur brûlante, à boire de mauvaises eaux saumâtres ou empoisonnées en coulant sur les racines des lauriers roses.
Ces malades restèrent à La Calle d’où ils furent expédiés sur les hôpitaux de Bône et de Philippeville.
Nous autres, nous remontâmes à Constantine, à notre point de départ.
Nous avions laissé beaucoup de malades à La Calle, mais à Constantine il y en avait encore. Toutes les pestes ordinaires qui s’abattent sur les troupiers à la suite des guerres, fièvres, dysenterie, choléra, typhus et autres, tombèrent sur nous comme la vermine sur les gueux.
Heureusement que notre escouade fut désignée pour aller occuper un petit poste au dessus de Constantine, là où se trouve la source qui fournit de l’eau à la ville. Sur ces hauteurs à l’air pur et où l’eau était excellente, les vilains microbes cholériques et typhiques nous abandonnèrent.
Ces bêtes-là n’aiment pas les choses pures, elles sont de la race des jésuites et des frères ignorants.
Le gardien de cette source qui était là, notre commandant, nous faisait travailler à défricher du terrain pour faire des jardins potagers et des pépinières.
Fin de l’épisode 1 ...
A paraître ... J.M. Deguignet dans " Les farouches montagnes de Kabylie"