Le CEMA dénonce la fragilité du lien Armée-Nation

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Le
chef d’état-major des armées (CEMA), l’amiral Guillaud, a
prononcé, le 20 mai 2011, une allocation riche et dense à l’Institut des Hautes
Etudes de la Défense Nationale (IHEDN).

En premier lieu, l’amiral Edouard Guillaud a identifié cinq
tendances qui caractérisent les évolutions géo-stratégiques en cours : « la
pertinence de l’idée de surprise stratégique », illustrée par les révolutions
arabes, la confirmation de l’arc de crise allant du Maghreb au sous-continent
indien, défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale
(LBSDN), le « piétinement d’une Europe cacophonique ou aphone
(…) incapable de se concevoir en puissance globale sur la scène internationale
 », l’intention des Etats-Unis de laisser aux Européens le soin de répondre
aux crises dans leur zone d’influence régionale en s’appuyant sur la structure
de l’OTAN, et l’affirmation des pays émergents (les
BRIC)
.

Les guerres sont devenues des guerres d’usure

Face à cette situation, le CEMA a tiré plusieurs leçons pour l’armée
française, qui a été très sollicitée au cours de ces derniers mois, avec les
interventions en Libye et en Côte d’Ivoire,
sa présence en Afghanistan et au Liban, sans
oublier son engagement au Sahel où des otages français sont
retenus par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI).

Ainsi, l’amiral Guillaud a mis en avant que l’outil militaire français est à
la fois « complet et cohérent », ce qui est indispensable pour « porter une
volonté politique » dans le monde. Seconde leçon : la qualité et la crédibilité
des forces françaises, qui a permis à ces dernières de « répondre à toutes les
sollicitations de notre pouvoir politique, dans l’urgence et avec succès ».
Enfin partant du constat que « les guerres d’aujourd’hui sont
des guerres lentes et longues, des guerres d’usure, des guerres qui
durent
 », il est nécessaire, selon lui, de « savoir durer ».

Cet outil militaire est favorisé, d’après le CEMA, par trois facteurs : la
pertinence d’une chaîne décisionnelle courte, qui serait une « caractéristique
française », un format d’armée « presque en cohérence » avec ses contrats
opérationnels, et la qualité de ses personnels, « professionnels, formés,
entraînés » et « animée par des forces morales qui font toute sa résilience »,
faites de loyauté, d’honneur, de générosité, de sens du service et du bien
commun ». Sur ce dernier point, l’amiral Guillaud estime que ces valeurs sont
un « savoir-être, un savoir donner et un savoir servir dans nos armées », ce
qui ne va pas toujours forcément de soi à notre époque.

Les réformes actuelles fragilisent nos armées

Cela étant, ce constat favorable repose sur un équilibre précaire. Sans
langue de bois, le CEMA a ainsi estimé que les armées
françaises
sont « fragilisées » par les réformes en cours
(RGPP, conclusions du LBDSN) alors que les conséquences de la
crise économique et financière de 2008 continuent à peser et rendent le
contexte budgétaire compliqué.

L’amiral Guillaud a souligné l’importance de ces réformes, qu’il a même
qualifiées de "transformations", qui remettent en cause les « structures
 », les « organisations », les « procédures » et les « modes traditionnels de
fonctionnement ».

Quant à l’équation budgétaire, le CEMA a affirmé que « les contraintes
financières » actuelles, qui « grèvent notre endurance opérationnelle » sont
susceptibles de « remettre en cause notre régénération, c’est à dire notre
aptitude à assumer les missions qui nous sont confiées ».

Toujours selon l’amiral Guillaud, il y aurait même urgence. « Aujourd’hui,
en tirant sur les cordes de la préparation opérationnelle et de la formation,
nous touchons aux équilibres de notre outil » a-t-il expliqué.

L’ignorance de la chose militaire augmente...

Ces propos ne sont pas innocents alors que se profilent les prochaines
échéances électorales. Et il est à craindre que les questions de défense, qui
font partie des prérogatives régaliennes de l’Etat, ne soient pas abordées lors
des débats qui opposeront les différents camps politiques.

Aussi, le CEMA a indiqué souhaité « que la Défense soit un
sujet ». « Notre avenir et notre sécurité l’exigent » a-t-il lancé. Mais pour
qu’il le devienne, encore faudrait-il que les électeurs lambda soient
intéressés par ces questions. Et c’est une autre fragilité soulignée par
l’amiral Guillaud, qui estime que la distance entre l’armée et
le monde civil « semble s’accroître ». Et l’officier de déplorer « l’ignorance
grandissante de la chose militaire, notamment chez les élites de notre pays
 ».

Source : Zone Militaire

* * *

Voir en ligne : http://infos.fncv.com/post/2011/05/...

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