"Ceux qui"... à la manière de Prévert en 1958, et complété au fil du temps.
Ceux qui ? Oui, ceux qui...
Ceux qui ont risqué leur vie au point de la perdre
Ceux qui n’ont eu comme récompense qu’une Croix de Bois
Ceux qui ont une immense gratitude pour ne pas l’avoir eu
Ceux qui y reposent dessous
Ceux qui ne croient pas que les martyrs sont à tout jamais délivrés des liens qui les attachaient aux choses et aux hommes de la Terre
Ceux qui savent que la situation de héros n’est pas de tout repos
Ceux qui sont encore, parce qu’ils ne sont pas morts
Ceux qui volontaire
Ceux qui d’office
Ceux qui campagne simple
Ceux qui campagne double
Ceux qui ont traqué
Ceux qui ont détraqué
Ceux qui ont crapahuté
Ceux qui ont pitonné
Ceux qui ont bétonné
Ceux qui ont déconné
Ceux qui ont ouvert la route
Ceux qui avaient l’Ancre au calot
Ceux qui avaient l’encre au stylo
Ceux qui donnaient les ordres
Ceux qui se demandaient comment les exécuter
Ceux qui Coloniaux avec leurs grands diables tout noirs
Ceux qui Tirailleurs Couscous avec leurs blancs burnous
Ceux qui Vitriers avec leur Cor de Chasse
Ceux qui pan pan l’Arbi, les Chacals sont par ici
Ceux qui Africains venaient de loin
Ceux qui Métropolitains venaient d’aussi loin
Ceux qui Français Musulman d’Algérie
Ceux qui Français de Souche
Ceux qui cravate verte
Ceux qui cravate noire
Ceux qui autres cravates
Ceux qui cravataient tout court
Ceux qui prenaient des armes à l’ennemi
Ceux qui faisaient les prises d’Armes entre eux
Ceux qui à l’assaut se retrouvaient tout seul
Ceux qui mouraient en héros modestes
Ceux qui n’étaient ni des héros, ni des modestes et qui ne mouraient pas
Ceux qui "En avant vous autres."
Ceux qui "Suivez-moi Messieurs !"
Ceux qui tiraient sur tout ce qu’ils voyaient
Ceux qui tiraient avant de voir
Ceux qui avaient compris et qui se couchaient en entendant tirer
Ceux qui se planquaient même si on n’entendait pas tirer
Ceux qui avaient chinoisé
Ceux qui avaient vietnamié
Ceux qui ont algérie-é
Ceux qui ont vénérienne-é
Ceux qui po-po-po-po, mon frère
Ceux qui 13 mai 1958
Ceux qui de "... Dunkerque à Tamanrasset..."
Ceux qui "Je vous ai compris !"
Ceux qui n’ont rien compris et ne comprendront jamais rien
Ceux qui 19 mars 1962 pour les uns ou 3 juillet 1962 pour les autres
Ceux qui se foutent du 19 ou du 3
Ceux qui se décorationnent et se commémorent entre eux
Ceux qui ont des chapeaux ronds,
Ceux qui le temps des cerises
Ceux qui la lutte finale
Ceux qui braves soldats du 17ème
Ceux qui La Madelon
Ceux qui Bandiera Rossa la trionferà
Ceux qui tra lala la lère, de Nantes à Montaigu la digue du cul
Ceux qui jugent les événements avec un certain recul, leur existence se déroulant toujours le lendemain et jamais le jour même pour la bonne raison que leur montre avance de vingt quatre heures
Ceux qui Euro ou bien Ecu, avec Dollar, ils l’ont dans l’cul !
Ceux qui pensent être des pions que l’on bouge au gré de décisions lointaines
Ceux qui dénoncent la porte ouverte aux grandes folies
Ceux qui ne savent pas dire à leurs enfants quel monde on construit pour eux
Ceux qui ont besoin de reconnaissance et de chaleur
Ceux qui recherchent un sens à leurs sacrifices et à leurs efforts
Ceux qui ont perdu leurs repères
Ceux qui ont perdu mère et père
Ceux qui ont perdu leur enfant
Ceux qui sourient et qui croient en celui qui est de bonne volonté
Ceux qui dont le sang rouge ruisselle de la même couleur et du même éclat que celui des autres
Ceux qui croient au Ciel et donnez-moi mon Dieu ce que les autres ne veulent pas
Ceux qui n’y croient pas
Ceux qui ne sont pas sûr de croire vraiment à rien
Ceux qui Anciens de tous les conflits civils ou militaires
Ceux qui comme moi bricolent pour passer le temps les divers objets trouvés dans leur grenier, étant seuls à croire qu’ils peuvent servir à quelque chose. Fabriquer un vélo qui ne tient pas la route pour cause de matériel hétéroclite avec une roue de vieille locomotive servant de roue avant, la roue arrière étant constituée de celle d’une brouette de cantonnier, la selle, celle d’un chameau ; une seule pédale, la droite qui contraint à garder la jambe gauche raide, celle qui sert d’écrin à un éclat de grenade fellouze, ce qui est loin d’être pratique, surtout avec un rouleau de pâtisserie en guise de guidon. Bref, c’est de la folie mais c’est moins fou qu’être sensible aux baratins et menteries à tel point qu’on nous ferait croire que des tiroirs-caisses rendus fous furieux par le bruit de la monnaie bouffent les doigts des caissières dans les supermarchés. Tout un chacun y attache peu d’importance, préférant apporter avec juste raison toute son attention à sa santé.
Ceux qui comme Cyrano de Bergerac chantent, rêvent, rient, sont libres, ont l’œil qui regarde bien et la voix qui vibre, mettent s’il leur plaît leur feutre de travers, pour un oui, pour un non, se battent ou font des vers, ne sont pas monté bien haut... peut être, mais tout seul.
Ceux qui ont lu ‘Paroles’ de Prévert
Oui, tous ceux là et beaucoup d’autres qui ont connu des lieux, célèbres pour ceux qui ne les ont fréquentés qu’à travers le communiqué ou après la bagarre, tous ceux là qui n’osaient plus crier comme autrefois "Mort aux Cons !" de peur de se retrouver tout seul sur les diguettes et les pistes de l’indifférence, tous ceux là ont tout de même fini par retrouver le sourire en clamant leur devise : "Dans le béton les plus cons !" en constatant toutefois qu’il n’existera jamais un ensemble bétonné assez important pour les y enfermer.