"Présumé coupable". Non, il ne s’agit pas de DSK... Mais de l’affaire d’Outreau.

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Je suis allé voir cette semaine « Présumé coupable », d’après le livre d’Alain Marécaux, huissier de justice emprisonné pendant deux ans dans l’affaire d’Outreau. Je ne vous rappelle pas l’affaire elle-même, vous en avez certainement entendu parler - au cas où vous voudriez vous rafraîchir la mémoire, il vous suffit d’aller sur internet, Wikipedia ou Agoravox, et vous en aurez un compte-rendu complet.

Je connais très bien cette affaire d’Outreau, c’est pourquoi je ne m’attendais pas à subir un tel choc. Ce film, et je pèse mes mots, est un chef-d’œuvre de cinéma politique, au sens fort du terme, qui ne peut se comparer qu’aux films des grands cinéastes italiens des années 60. Il vous prend à la gorge dès les premières images, et vous tient scotché sur votre siège, les tripes nouées, jusqu’à bien après le générique de fin.
Je ne saurais donc trop vous conseiller d’aller le voir, avant que la gangrène du politiquement correct et la bonne conscience de nos élites morales le fasse disparaître de nos écrans…

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Parce qu’il en révèle, des choses, ce film, sur la Société Française. D’abord, pris au premier degré, il vous dit, mais ça, on s’en doutait déjà, que dans notre beau pays des droits de l’Homme, il vaut mieux, lorsque vous êtes innocent, ne pas avoir affaire à la justice. Quand vous êtes coupable, pas de problème, vous bénéficierez de la sollicitude du système répressif. Ainsi la mère violeuse (Mme Badaoui, par qui le scandale arrive) est laissée en liberté, récompensée par le juge parce qu’elle a avoué, tandis que 14 innocents, contre lesquels il n’y a aucune preuve sinon les allégations de la dame, vont passer deux ans en prison, dans "l’intérêt de la justice", parce qu’ils refusent d’endosser un crime qu’ils n’ont pas commis.

Et puis, vous aurez rétrospectivement la peur de votre vie : s’il vous est arrivé par distraction de montrer de la tendresse à vos enfants, leur caresser la tête ou faire des bisous sur le ventre de votre bébé pendant que vous lui faites sa toilette, vous avez révélé vos penchants pédophiles, rien que cela. Grand-pères, grand-mères, pères, mères, oncles, tantes, et vous tous et toutes qui êtes en contact avec des enfants, un bon conseil : tenez-vous à distance respectueuse de vos enfants, petits-enfants, neveux et mineurs en général, et si vous les approchez, ne le faites qu’en présence d’un tiers ! Notre société « Big Brother », qui exhibe à tout bout de champ fesses, seins, vagins et pénis, vous crédite à priori de tous les vices, et en particulier de celui, abominable, de trop aimer les petits. !

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Aussi comment s’étonner qu’il ne soit venu à l’esprit ni des juges, ni des policiers, ni des médias, que cette histoire de viols d’enfants en réunion n’avait ni queue ni tête (si j’ose dire) ! C’était pourtant gros comme le nez au milieu de la figure : quel être doué d’un minimum de neurones pourrait gober que tout un immeuble, du rez-de-chaussée au dernier étage, jeunes et vieux, bien portants et grabataires, s’adonne aux joies de l’enfilage d’enfants… Et qu’on y ajoute voisins, créanciers et parents d’élèves de la classe du principal accusateur, le fils de Mme Badaoui, effectivement violé par sa mère (beurk !). En tout une cinquantaine de pédophiles dénoncés, dont, allez savoir pourquoi, 14 seulement poursuivis. De quoi faire mouiller de bonheur tous ceux qui avaient intérêt à faire monter la mayonnaise : juges, policiers et médias… C’est qu’il y en a eu des promotions, des records d’audiences et de ventes de journaux, grâce aux pédophiles d’Outreau. Et c’est la troisième leçon de l’affaire : face à la perspective d’un « scoop », de « l’affaire du siècle » et des bénéfices qui vont avec, la vérité n’intéresse plus grand monde, et le sort de l’innocent piétiné, on s’en soucie comme d’une guigne.

Mais l’affaire d’Outreau ne s’arrête pas à la relaxe finale des innocents par une cour d’Appel. Au-delà de l’erreur judiciaire, certes monstrueuse mais somme toute humaine, c’est ce qui s’est passé après qui me révulse : la caste des journalistes, la caste des juges, la caste des politiques, qui revendiquent à hauts cris les avantages du pouvoir, mais qui ne veulent être ni coupables, ni même, pour paraphraser Georgina Dufoix dans l’affaire du sang contaminé, responsables. Un mort en prison, des vies laminées, des enfants gâchés, des innocents emprisonnés sans la moindre preuve, sans même le moindre indice, quelles suites, quelles sanctions, quelles leçons ? Rien, trois fois rien. Ou pire, on a réuni une commission parlementaire, qui a conclu qu’il fallait encore de nouvelles lois pour protéger encore mieux les vrais malfaisants de la rigueur de la justice.

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Alors que le problème n’est pas là. Le vrai problème, qui dérange autrement nos élites, c’est que l’affaire d’Outreau a mis en lumière que les juges, les policiers, les assistantes sociales, les experts divers et variés, sans oublier les journalistes, toujours prêts à s’exonérer de tout, ceux-là, non seulement ne sont pas infaillibles, mais que parmi eux prospèrent des individus d’une légèreté et d’une incompétence crasse. On s’en doutait, hein ? Et qu’est-ce qu’on leur a fait, à tous ces incompétents-là ? Dans une société qui ne marcherait pas sur la tête, on les aurait au moins mis à la porte. En France, rien ! Quand même, le juge Burgaud a écopé d’une peine extrêmement sévère, le Conseil Supérieur de la Magistrature lui a infligé une… réprimande  ! oui, vous lisez bien, une réprimande, pourquoi pas une fessée ? Et ce type-là, qui n’a manifesté aucune compassion pour les innocents dont il a foutu la vie en l’air, se retrouve aujourd’hui promu à la Cour de Cassation. Peut-être même qu’un jour vous vous retrouverez en face de lui, vous comme justiciable, et lui vous jugeant. Oui, ce type-là peut un jour vous condamner, vous, parce que vous avez roulé à 51 km/h (vitesse retenue) sur la voie express Georges Pompidou à 2 heures du matin !

Et tout ce beau monde qui revendique le statut d’ultime rempart de la Démocratie face à toutes les velléités criminelles et liberticides, qui se pique de donner la leçon, juger, condamner, clouer au pilori, refuse obstinément de faire le ménage chez lui. Et c’est tout le problème, je vous l’ai dit, de notre pauvre France : les castes dirigeantes de notre pays ne font même plus semblant de s’appliquer à elles-mêmes les règles et les principes qu’elles nous imposent. Et en plus, elles ne manquent jamais une occasion de nous faire la morale.

Hé bien, quand on en arrive à ce degré de turpitude généralisée, on n’est pas loin de l’explosion, c’est moi qui vous le dis.

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