Notre Histoire est elle confuse ?

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C’est la réflexion que certains français natifs de métropole ou d’Algérie peuvent se faire. Avons nous eu en Algérie une Histoire commune ? oui sans aucun doute avec toutefois des petites divergences sans importance. Une histoire que chacun peut s’approprier dans sa globalité. Ce qui retient plus l’attention, c’est après 1962 avec pour les uns et les autres une « intégration » plus ou moins bien réussie en France suivant l’âge, le lieu d’implantation, l’accueil qui lui a été réservé et la dimension de la souffrance embarquée dans ses bagages.

Cet après 1962 semble être devenu une seconde histoire plus personnelle à chacun. Une histoire qui s’associe à la précédente pour les uns sous forme de deux tomes différents. Pour les autres c’est la continuité pure et simple d’une même histoire commune. Et là, nous nageons en pleine confusion qui met un frein à l’unité des P.N., il suffit de lire les différentes « prises de bec », dans les forums P.N. du web, en particulier en cette période d’élection présidentielle pour constater une division regrettable.

Le paragraphe le plus terrifiant de cette histoire commune, c’est celui qui met fin à un premier tome pour les uns ou à un simple chapitre pour les autres « La Mère Patrie représentée par ses différents courants politiques a participé à l’abandon de la souveraineté française en Algérie ». Et de conclure « En 1962, les Pieds Noirs et les Français Musulmans ont bien été trahis, chaque parti politique a donc sa part de responsabilité ». Cette conclusion est et restera indélébile au plus profond de la « mémoire collective Pieds Noirs » même si nous savons qu’au sein des partis politiques, une insignifiante minorité a refusé cet abandon, une minorité marginalisée qui fut chassée ou réduite au silence.

Depuis 1962, c’est une autre histoire qui s’écrit lentement avec une intégration choisie ou subie pour chacun. Elle est devenue personnelle au fil du temps incorporant une vie de famille, des engagements associatifs divers, des responsabilités professionnels, des choix syndicaux, politiques différents qui font de chacun aujourd’hui un « français intégré » ou tout au moins « un français à part entière ». C’est cette nouvelle histoire perturbante qui nous colle à la peau, le fruit d’une intégration parfaitement réussie pour certains, relative pour un grand nombre ou encore « assassine » pour d’autres. En caricaturant un peu ou beaucoup, nous avons vécu, au cours des premières années de notre arrivée en France, les mêmes stigmates de l’immigration d’aujourd’hui. Nous avions d’un côté, ceux qui refusaient une intégration gommant le passé et de l’autre, en particulier chez les plus jeunes, ceux qui se sont fondus dans le « moule » non sans affronter un pluriel de difficultés. Les premiers ont fait en sorte de poursuivre cette histoire en la qualifiant « d’inachevée » contre vents et marais, les seconds ont préféré ranger cette même histoire dans la rubrique « souvenir d’une vie antérieure » pour mieux se reconstruire. Naturellement entre ces deux orientations un fossé plus ou moins profond s’est creusé au fil de 45 années, ce qui donne la fausse impression de ne plus appartenir à la même « origine », d’où une certaine confusion dans l’histoire globale des Pieds Noirs.

En effet, chez les anciens afin de soulager cette blessure béante du déracinement, il leur a été nécessaire de « survivre moralement » et on a vu fleurir de nombreuses amicales ( près d’une centaine semble t il ) en différents lieux, de différentes tailles orientées vers l’entraide et la « sauvegarde de la culture Pieds Noirs » mais pour la plus part sans aucun lien entre elles. Au fil du temps, certaines se sont naturellement éteintes avec la disparition des membres les plus âgés et les plus combatifs. Parmi ces créations quelques-unes ont pris la forme « d’associations de défense » mais hélas pratiquement méconnues pendant de nombreuses années de la « communauté Pieds Noirs » éclatée géographiquement sur l’ensemble du territoire, à l’exception de quelques « gros contingents » installés dans des grandes villes du sud et en moins grand nombre sur Paris et sa région. Ignorées par la presse, c’est la venue du web qui va faire découvrir ces différentes associations aux Pieds Noirs dissimulés dans la France profonde.

Aujourd’hui, avec la prolifération du web dans les foyers, petit à petit cette « jeune génération des années 62 », en retraite ou presque maintenant, effectue un retour gigantesque aux sources de l’enfance en découvrant de nombreux sites P.N. sur la toile, avec en filigrane cette histoire commune qu’il faut mettre en forme, publier, diffuser… et dont chaque Pied Noir a ce devoir d’y participer, afin que la vérité soit dite, que réparation soit obtenue, que notre descendance connaisse la véritable histoire de leurs « ancêtres… Les Pieds Noirs ». Cette « histoire commune » n’appartient pas seulement aux P.N., Elle fait partie intégrante de l’Histoire de France. Elle doit donc avoir toute sa place dans les manuels scolaires avec ses faits de gloire mais aussi avec ses heures sombres.

Pour respecter la mémoire de nos ancêtres et écrire ensemble « ce livre d’histoire », je ne crois pas que nous puissions associer notre après 1962 sans y créer un désordre, car chacun à eu un parcours différent dans sa vie, dans ses choix syndicaux, politiques. Nos choix d’aujourd’hui n’ont aucun lien avec l’Algérie Terre Française. Il faut se faire à cette idée que depuis « l’arrivée en France », dans sa grande majorité, les P.N. se sont construits une nouvelle vie, c’est aussi cela la réussite de l’intégration. Défendre la mémoire de nos anciens ne veut pas dire renier nos convictions dans notre vie d’aujourd’hui, mais cela veut dire défendre notre histoire commune, là où nous nous trouvons envers et contre tous.

C’est dans le respect de notre diversité et sans renier notre vécu en « Algérie terre Française » que demain l’histoire des Pieds Noirs deviendra peut être moins confuse, plus crédible aux yeux de la jeunesse. Le Pied Noir a en lui une richesse : c’est son passé ! A quoi bon conserver une telle richesse, si on ne peut dans l’unité la faire partager ?

Jean Paul Ballester

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