Lettre ouverte de Raymond Cloarec au Président Sarkosy

, par  Kir , popularité : 20%

Voilà la lettre que Raymond Cloarec a adressée au Président Nicolas Sarkosy.

Elle met en exergue les intentions, à peine dissimulées, du personnage.

Mais aussi le raisonnement erroné d’un esprit manifestement dérangé. Ou manipulé par ses "nouveaux amis". Ainsi, affirme-t-il de ses compagnons d’armes :

"tous ces hommes sont morts pour rien"

Pour rien ? Ah ça non ! Jamais nous ne laisserons dire ça !

Merci aux paras, merci à tous les combattants qui nous ont défendus, nous les civils qui tombions sous les coups bas du FLN !

Merci d’avoir tout fait pour empêcher que des enfants soient déchiquetés par des bombes, des grenades ou des rafales de mitraillettes, sport favori du FLN autour du cours Bertagna, sous les arcades du marché rue Bugeaud, ou dans les brasseries comme le Lavandou, à Bône.

Mes amis avaient entre trois et dix ans, et à chacun de ces endroits, ils sont tombés.

Alors non ! ce n’est pas pour rien que les hommes qui nous défendaient sont morts.

Autre raisonnement curieux est de prétendre vouloir la réconciliation, et mettre de "l’huile sur le feu", avec une minutie proche de la maniaquerie.
Minutie du détail d’un seul côté ; la mémoire paraît pour le moins sélective chez cet homme. Pas un mot sur la sauvagerie FLN, pourtant - au minima - aussi traumatisante pour toutes les populations d’Algérie.

C’est pourquoi, presque 50 ans après, un tel acharnement à vouloir ressusciter un passé révolu est non seulement de l’anachronisme, mais surtout, et je le crois, une tentative de propagande visant à accréditer les seules thèses du gouvernement FLN algérien.

Nice, le 6 décembre 2007

Monsieur le Président,

Tout d’abord, avant toute chose, permettez-moi en ma qualité d’Ancien Combattant de vous féliciter pour votre premier pas envers l’Algérie au nom de la France. D’autant plus méritoire du fait que vous êtes la génération des 50 ans, ceux qui n’ont pas connu cette guerre.

Vous pouvez parler sans haine, donc plus qualifié que nous pour enfin concilier, coopérer avec ce peuple qui attend depuis 45 ans autant que nous « la réconciliation de nos deux pays ». C’est un devoir pressant, car à trop tarder, c’est nos enfants qui nous le demanderont et ils risqueraient de le faire à notre place et de nous le reprocher.

Mais avant toute chose, la réconciliation ne pourra jamais se faire harmonieusement entre ces deux peuples, « sans la repentance ».

Mais, entendons-nous bien, la repentance ne peut pas être individuelle mais collective de part et d’autre. Le jour où nous admettrons ça, nous aurons tout compris.

Monsieur le Président, tout en vous demandant de bien vouloir intervenir pour ma requête suivante, prenez mon cas :

Enfant, j’ai connu et survécu à la guerre 39/45. Mes parents et frère dans les FFI, une parente déportée dans les camps de concentration : Dachau, Ravensbrück, décédée.

Du côté de mon épouse, son père, pupille de la nation (son père est mort à Verdun), lui-même blessé de guerre 39/45 et pensionné à 100% suite à de graves blessures dont la dernière par le FLN, d’une rafale de mitraillette devant sa maison à Alger. Cet homme est le plus bon que j’ai connu dans ma vie, il n’aurait pas fait de mal à une mouche… ! Il est décédé.

Il aimait l’Algérie et les Algériens malgré cet attentat dont ce n’était pas lui qui était visé ; il ne leur en a jamais voulu. Il comprenait qu’ils défendaient leurs causes : « l’Indépendance ».

Pourquoi j’ai tué 92 Algériens dont 75 de mon fait, sur ordres.
Voyez mes citations (ci-jointes) : à l’ordre de l’Armée à l’ordre du Corps d’Armée à l’ordre du Régiment et la Légion d’Honneur.
« Médaille militaire" à 20 ans pour services exceptionnels par le général de Gaule

Je m’explique : aujourd’hui, 50 ans après, quand je repense à ces tueries, M. le Président, aujourd’hui, comme d’ailleurs depuis 50 ans, ces crimes me harcèlent, me donnent envie de vomir, de hurler mes remords d’avoir obéi aux ordres, d’avoir exécuté sommairement très souvent des hommes, jamais de femmes ni d’enfants. Heureusement, car je crois qu’aujourd’hui il y a longtemps que je me serais suicidé.

Monsieur le Président, je préfère m’arrêter là, mais ne croyez-vous pas que mes révélations sont une forme de repentance personnelle ?

J’ai voulu tout écrire « en 7 volumes » non pas pour les médias ou faire de l’argent, mais pour les Archives nationales – « Fond Cloarec » côte 1KT 1208 – Château de Vincennes. Cela a été pour moi une thérapie.

Et pourtant, aujourd’hui, je me sens de plus en plus traumatisé par ces souvenirs d’honneur. Plus de vieillissement avance, plus de harcèlement s’accentue, plus fortement jour et nuit. J’ai demandé une expertise médicale à l’autorité médicale militaire, 10, rue Lafon à Marseille.

Depuis un an, je passe d’expertise en expertise, le 28 janvier 2008, je vais repasser pour la 5e fois devant « un super expert » pour une super expertise. En un mot, on se fout de ma gueule… ! Ou alors, circulez il n’y a encore rien à voir !

Monsieur le Président, depuis 50 ans, pour tout cela, je perçois en tout et pour tout, « 4,75 € », par an pour médaille militaire et légion d’Honneur et depuis 5 ans, « 460 € » par an pour retraite du combattant.

Voici ma requête, M. le Président :

Je vous demanderai de bien vouloir étudier mes termes, pour concilier les deux peuples, allant dans le sens de la repentance collective comme nous avons su le faire avec les Allemandes.

Pourquoi ? Prenez mon exemple, les Algériens m’ont pardonné depuis mes révélations. Ils me l’ont prouvé.

Aujourd’hui, par exemple, plusieurs anciens FLN notoires, aujourd’hui héros algériens, sont devenus amis : Louisette Ighilahriz. Autre exemple, des parents du côté de mon épouse dont sa mère sont enterrés au cimetière de Saint-Eugène à Alger, et bien c’est une femme, héroïne nationale, combattante, résistante sur le terrain, blessée grièvement, paralysée à vie, torturée par nos paras lors de la 2e Bataille d’Alger en 57, aujourd’hui, elle est devenue une amie et c’est elle qui, après avoir restauré la tombe de la mère de mon épouse, l’entretient et y dépose des fleurs régulièrement. Et de surcroît, elle nous a fait obtenir la concession à perpétuité… !

Vous voyez, personnellement, en dévoilant mes actes, je n’ai pas voulu me racheter, trop tard, c’est fait, mais j’ai simplement voulu exorciser mes souffrances intérieures et morales, car je ne suis pas « une bête, mais un être humain » qui a le remord aujourd’hui d’avoir obéi aux ordres d’officiers, de tuer, torturer, exécuter des hommes qui, aujourd’hui, avec le recul du temps, je considère qu’ils auraient aujourd’hui autant de droit de vivre, que moi, d’autant plus que tous ces hommes sont morts pour rien. Des deux côtés d’ailleurs.

Monsieur le Président, ne croyez-vous pas qu’après mes révélations, largement diffusées en Algérie ou en France, dès 2001 (voir aussi le Nouvel Observateur n°2131 du 8 au 14 septembre 2005), qu’ils étaient en droit de me faire exécuter aussitôt ?

Et bien, au contraire, certains assurent une discrète mais efficace protection ou m’écrivent amicalement et je suis invité régulièrement par d’anciens FLN ou leurs fils à me rendre à Alger. Tout cela du fait que nous menons un combat commun, celui que de tels faits ne se reproduisent plus et afin d’inculquer à nos enfants : « PLUS JAMAIS çA ».

Voilà très certainement aussi pourquoi ils m’ont pardonné.
« Aujourd’hui, la politique doit remplacer les armes »

2e requête

Je vous demanderai s’il vous plaît, M. le Président, de bien vouloir intervenir auprès de votre ministre Alain Marleix, aux Anciens combattants, délégué, secrétaire d’Etat à la Défense, de bien vouloir suivre mon « dossier médical » pour demander de pension d’invalidité justifiée, dont il connaît très bien mon cas, mais dans ses services, ce n’est pas tout à fait ça en ce qui concerne mon propre cas qui me donne l’impression que mon dossier dérange… !

3e requête

En votre qualité de Chef des Armées, garant des Archives nationales déposées, je vous demanderai de bien vouloir intervenir auprès de l’amiral Louis de Contenson, Chef de service des Archives nationales à Vincennes, de bien vouloir veiller au respect de mon Fond privé côte 1KT 1208 (Fond Cloarec), de le laisser à la libre lecture aux chercheurs et écrivains dans son intégralité et dont le dernier dépôt, envoyé en recommandé sans et avec avis de réception comme le veut la coutume pour le Chef de service, « resté sans réponse de sa part comme le veut aussi la loi et le règlement ».

A ce jour, aux dires de certains lecteurs accrédités, certains de mes dépôts auraient été retirés, jugés gênants par certains généraux, lieutenants à l’époque, dont le dernier révélant les dessous de l’histoire du Sergent-chef René Sentenac dont vous avez eu un exemplaire très certainement, « jugé gênant » n’y figure toujours pas aujourd’hui 6 décembre 2007.

Dans l’attente, je vous prie de croire, monsieur le Président, en toute mon admiration pour votre efficacité et vos actions passées, présentes et à venir.

En particulier, votre premier pas envers l’Algérie et la libération des otagers.

« LE COURAGE ÉTANT LA VERTU MAJEURE DE TOUT MILITAIRE, LE COURAGE AUJOURD’HUI DOIT CONSISTER a DIRE CE QUE L’ON A VU ET CE QUE L’ON A FAIT MEME SI CELA EST PENIBLE ET PEU GLORIEUX. LE CACHER EST UN ACTE DE LACHETE. »

Résolution du colonel Pierre Alban Thoamas
Raymond Cloarec
Ancien du 3e RPCV – RPIMA – 5 années 1/2 « Opérationnel »
Ex-caporal – caporal chef-sergent – sergent-chef – adjudant.

Voir en ligne : Lettre ouverte au président Sarkozy : « Ma guerre d’Algérie : mon traumatisme à vie »

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