Les oubliettes de l’Histoire ...
L’un des événements importants de la guerre d’Algérie, tant du côté français qu’algérien ou marocain, fut sans conteste « l’affaire Abane Ramdane » ... volontairement jetée aux oubliettes de l’Histoire par les parties prenantes, oubliettes du "secret-défense-ad-vitam-aeternam" pour les uns, oubliettes du "silence-radio-on-assassine" et oubliettes du « c’est-pas-nos-oignons » pour les autres ... comme pour tant d’autres affaires du même acabit ... qu’on les appelle "Si Salah","Ben Barka" ou "Tartempion".
Il est bien regrettable, en effet, que les historiens ne puissent toujours pas être libres de leurs recherches à ces sujets, alors même que nos dirigeants politiques, qui par ailleurs font tout ... en parfaits faux-culs ... pour maintenir les secrets dits d’état, nous parlent, sans vergogne, de vérité historique et font la promotion du fameux "devoir de mémoire" !
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L’assassinat d’Abane Ramdane, l’un des leaders historique du FLN, a donc été perpétré au Maroc le 27 Décembre 1957 probablement par A. Boussouf (alors commandant en chef de l’ALN algérienne au Maroc, grand ami de Ben Bella) et ses sbires, dans une ferme isolée ( appartenant à qui ? ou mise à disposition du FLN par qui ...?) quelques heures après son arrivée "VIP", sous l’oeil impuissant ou consentant (?) des deux autres leaders du FLN qui l’accompagnaient : Krim Belkacem et M. Cherif .
[violet]Récit :
<< .../... Le 22 Décembre à Tunis, Abane fut averti que des "affaires importantes" devaient être réglées au Maroc. Une katiba de Boussouf avait été désarmée par les troupes marocaines et trois membres du CCE devaient quitter Tunis pour aplanir l’affaire avec le roi Mohamed V ... /...
[violet]Le 24 Décembre Abane, Krim et Mahmoud Cherif s’embarquèrent pour Tétouan où Boussouf les attendait. Ils devaient faire escale à Rome puis à Madrid, aucun avion ne reliant directement Tunis à Tétouan ... / ...
Ils passèrent la nuit de Noel à Rome. C’est à l’escale de Madrid, le 26 Décembre, que Abane se douta de quelque chose.
L’attitude des deux colonels lui avait-elle donné l’éveil ? Toujours est-il qu’à Messaoud Boukadoum, représentant du FLN à Madrid, il confia : " Je ne sais pas pourquoi mais pour la première fois j’ai la frousse ... On ne se parle plus. C’est la crise."
[violet]Lorsqu’ils reprirent place dans l’avion le lendemain Abane regarda Krim et, le visage glacé, lui dit : "Je sens un sale coup qui vient mais tu le regretteras ..."
Ils ne devaient plus jamais s’adresser la parole.
L’avion se posa sur l’aéroport de Tétouan en fin d’après-midi.
Les trois hommes descendirent mêlés aux passagers.
Boussouf et deux de ses hommes des services spéciaux les attendaient au bas de la coupée. Ensemble ils se soumirent aux formalités de police.Tous voyageaient avec des passeports marocains et Boussouf qui connaissait bien les autorités marocaines de l’aéroport de Tétouan, leur facilita le passage.
Pendant que Mahmoud Cherif, Abane et les deux hommes de Boussouf bavardaient en attendant les bagages, un incident qui fit réfléchir Krim l’opposa à Boussouf.
[violet]< Etes-vous armés ? demanda celui-ci ...>
< ça ne te regarde pas. Mais ... qu’est-ce que tu fais ? >
Krim s’était vivement reculé.
Boussouf souriant avait amorcé le geste de le fouiller.
< Ne recommence jamais ça ! gronda Krim. Et maintenant , écoute ... [violet]>[/violet]
Il fit part à Boussouf des décisions prises à Tunis. (1)
La réponse fusa, tranchante :
< Moi , ici, je n’ai pas de prison. Et puis à ton tour de bien écouter : ici, au Maroc, je fais ce que je veux.
Abane "passera" et bien d’autres "passeront" aussi.
N’oublie pas que Hitler et Franco se sont toujours entourés d’hommes qui leurs étaient entièrement dévoués > (2)
< Attention, Boussouf, ce que tu avances est grave. Il s’agit d’un membre du CCE connu sur le plan national et international. >
< Je te dis que Abane passera et il y en a d’autres qui passeront. .../... >
Extrait de « L’Heure des Colonels » de Yves Courrière. Fayard Editeur 1970
(1) ... placer Abane Ramdane en prison au Maroc, à cause de profonds désaccords au sein du CCE (comité de coordination et d’exécution- organe central du FLN- créé lors du congrès de la Soummam dont Abane Ramdane était le principal organisateur). ndr.
(2) Ce dialogue, ainsi que les circonstances de la mort de Abane, sont tirés du seul document existant sur ce fait mystérieux révélé ici pour la première fois. Il s’agit d’un rapport ultra-secret envoyé aux membres du CCE et rédigé par l’un d’entre eux le 15 Août 1958 à Tunis.
L’auteur (Yves Courrière) a pu compléter sa documentation sur ce sujet épineux grâce aux récits recoupés de Krim, Ben Tobbal, Ouamrane, Mahmoud Cherif et Boussouf.
Il eut la possibilité de s’en faire confirmer personnellement certains points lors de ses dernières rencontres avec les survivants du CCE de l’époque. >> (note explicative de Yves Courrière.)[/violet][/violet]
++
Il faut se rappeler qu’à cette époque, le Maroc (indépendant en 1956 ) servait de base militaire au FLN et que l’administration française, et notamment la police, y était omniprésente aux côtés de leurs "homologues" marocains ...
Des membres de l’administration française intervenaient en effet à tous les niveaux, en doublure de la nouvelle administration marocaine pour la " guider "... la " conseiller " ... et la " former ".
Par exemple, nous savons que « Le Commissaire Roger Gavoury était en mission au Maroc (entre 1956 et 1959), chargé par l’État français de contribuer à l’organisation de la sûreté nationale marocaine ». (source Wikipedia)
Ce qui veut dire en clair que rien de ce qui se passait au Maroc ne lui était inconnu ...et ce jusqu’au plus haut niveau, puisque le conseiller personnel du Roi Mohamed V résidant dans l’enceinte même du palais royal ... que j’ai eu le plaisir de rencontrer ... très discret mais néanmoins très écouté ... était un français soucieux des intérêts marocains certes, mais pas seulement.
En outre, de nombreux agents du renseignement français "travaillaient sur Tanger" qui était alors un haut lieu du trafic international en tous genres et donc, une place forte de l’approvisionnement en armes du FLN algérien ... avec la tacite bénédiction de l’état marocain, souteneur de l’action de l’ALN algérienne résidant sur son sol avec armes et bagages ... aux fins de leur permettre, par delà la frontière, de combattre efficacement la France en Algérie française ...
Dans le style mélange des genres ... on ne pouvait pas mieux faire !!
< Ce fut à une époque où la France contrôlait encore le Maroc que Boussouf y construisit au départ son système dans la clandestinité. >
Du côté français, donc … on était au Maroc aux premières loges pour surveiller les faits et gestes du FLN / ALN … et on ne pouvait évidemment pas ignorer le mauvais sort réservé à Abane Ramdane … l’un des tous premiers personnages emblématique du « gouvernement de la rébellion » … à commencer par sa non sortie "VIP" du territoire marocain … tandis que ses amis qui l’accompagnaient à l’aller repartaient sans lui ... "fissa-fissa" … dès le lendemain de leur arrivée, par le même aéroport.
Dans cette ambiance de double jeu, on peut même penser que la "disparition" du corps d’Abane Ramdane a bien été "organisée" en pleine complaisance avec la police marocaine … et donc en pleine connaissance de leurs homologues français … et « qu’à cette occasion », notamment mais pas seulement, des "contacts" intéressants eurent lieu entre les chefs FLN / ALN du Maroc et les autorités policières marocaines … flanquées de leurs homologues français … et qu’à « cette occasion » des relations … même empreintes de la méfiance et de la réserve qui sied à des ennemis dument catalogués … se créèrent ou se poursuivirent, d’hommes à hommes pourrait-on dire, relations qui eurent éventuellement un développement ultérieur … lors de l’arrivée des troupes de l’ALN en Algérie par exemple ... et/ou lors des affrontements OAS / police française / FLN.
C’est là le lot commun de toute relation humaine qui se crée, quelle qu’elle soit, de se retrouver un jour, par hasard … ici ou là … dans un autre contexte.
Evidemment, du point de vue de « l’incorporé lambda sous l’uniforme » en Algérie pour y maintenir l’ordre républicain … comme ils disaient … en prenant des "pains" sur la gueule et d’innombrables coups de pieds au cul ... ce "mic-mac-moche-marocain" ressemblait fort à de la traîtrise subtilement camouflée en raison d’Etat.
Et si certains historiens fantoches, ou politiquement orientés du côté des ex-porteurs de valises, ce qui revient au même, osent aujourd’hui prétendre que ce n’est pas possible … et bien, qu’on nous le prouve … par exemple, en permettant enfin l’accès aux documents d’archives, s’ils existent encore … documents dont le classement "secret-défense-ad-vitam-aeternam" ne défend plus rien d’autre aujourd’hui que des réputations posthumes entachées de combines dont nous n’avons que faire … et, accessoirement, de continuer à nous prendre pour des cons.
Cela dit avec toutes les réserves d’usage car il arrive en effet que, quand on les découvre … les oubliettes de l’Histoire soient miraculeusement vides et muettes comme des tombes … ou bien encore, qu’elles vous sautent à la figure comme les boites de Pandore !
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[marron]Extrait du rapport de Abane Ramdane au CNRA (1956)
b. L’organisation du Maroc
L’organisation du Maroc est bien assise. L’effectif des militants est d’environ
6 000. Aucun Algérien habitant le Maroc n’échappe à notre contrôle.Tous contribuent, chacun dans la mesure de ses moyens, à l’effort de guerre. Les rentrées financières mensuelles sont de l’ordre de 20 à 25 millions.
Cette puissante organisation nous permet de faire pression dans une certaine mesure sur les autorités marocaines et l’lstiqlal qui ne sont pas aussi bien disposés que les autorités tunisiennes et le Destour, à nous aider.
L’ex-zone espagnole nous est très utile.
Elle sert de refuge à nos éléments et là se trouvent les organismes vitaux de la Wilaya n°5.
Avec un peu de bonne volonté les autorités marocaines pourraient nous faciliter l’installation de camps d’entraînement, d’écoles de cadres de tous genres, de centres de transmissions, etc.
Il est à souhaiter qu’une imposante délégation aille rendre visite au sultan et au gouvernement marocain pour lui demander de nous aider plus efficacement.
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extrait de : Bouteflika le marocain ( site : bladi.net)
Son parcours est une parabole de l’amour-haine existant entre ses "deux" pays : l’Algérie et le Maroc. Par Karim Boukhari
<< .../... Toujours en 1956 et dans les suites de l’affaire Messaadi ( ancien chef de l’ALN marocain dans le Rif, très proche et familier du clan oujdi algériens : Ben Bella, Boumedienne, Benjedid, Boutéflika etc ... assassiné probablement par la police de Mohamed V et l’Istiqlal ... première brèche dans la solidarité maroco-algérienne, jusqu’alors bien établie à tous les niveaux) un autre incident allait changer le cours des relations maroco-algériennes et l’avenir même de la future Algérie indépendante.
Cette année-là, les services du SDECE français invitent, par le biais d’intermédiaires marocains, la section oujdie du FLN à entamer des négociations pour l’indépendance.
( Comment est-ce possible sans des contacts réguliers ? ... NDR )
Pratiquement, toute la direction du FLN à Oujda (les Ben Bella, Boudiaf, Aït Ahmed, Khider) se déplace à Rabat et décide, à la fin de la rencontre avec les émissaires de la police française ... de s’envoler pour Tunis ... officiellement pour un sommet maghrébin, concrètement pour se concerter avec la branche tunisienne du FLN.
L’avion affrété par le Maroc décolle de Rabat à destination de Tunis.
A l’atterrissage ... surprise !! Le "commando" algérien se retrouve… à Alger.
Le piège s’est bien refermé et la direction du FLN à Oujda, pratiquement livrée sur un plateau aux autorités françaises, se retrouve ... en (confortable ... je vous rassure ... ! ) prison.
Elle n’en sortira, par la grande porte et avec les honneurs dus à son rang, qu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962.
[marron]La photo prise à leur descente d’avion est très expressive. Boudiaf, Aït-Ahmed, Khider et Lacheraf s’agitent et regardent dans tous les sens, ne comprenant pas encore ce qui leur arrive. Alors que Ben Bella reste droit, immobile, au garde-à-vous fixant l’objectif du photographe comme s’il savait exactement ce qui se passait.
(... c’était sans doute plus pratique de les avoirs sous la main ... NDR )[/marron] [/marron]
Selon le "Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie" on n’avait pas prêté grande attention aux propos accusateurs de la veuve de Abane Ramdane qui avait déclaré à la presse que Ben Bella a été fabriqué par les Français :
« Naturellement, ce sont les Français qui lui ont fait cette propagande pour lui donner un nom. C’est à partir de là que les Français ont préparé un président pour l’Algérie … La France voulait donner un chef à la Révolution algérienne, le plus bête des chefs. C’est la dernière farce que la France nous a faite. » (Liberté du 8-11-2002)