Le Malien, le Taser et les Poulagas Ne cherchez pas, c’est la faute aux flics

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Ne croyez pas que je veuille défendre la police envers et contre tout - pour tout vous dire, j’ai moi-même été dans ma jeunesse victime d’une bavure, et depuis, je ne prends pas forcément la parole de flic pour argent comptant -, mais enfin, cette affaire du Malien et du taser, vous ne croyez pas que ça dépasse les bornes de la décence ?

Parce que si l’on veut s’en tenir aux faits, que s’est-il passé exactement ? Hé bien, d’abord, les keufs, comme on les appelle plaisamment dans nos quartiers sensibles, ne sont pas intervenus sur un délit de sale gueule, comme ils ont, parait-il, la fâcheuse habitude de le faire envers les Noirs (oh pardon, les Blacks), et les Arabes, mais appelés au secours par le colocataire du défunté. Ça, c’est un fait. Même un esprit un peu faible devrait être en mesure de déduire que pour que le colocataire de la « victime » ait fait appel à la police, surtout dans une cité où on assimile le recours aux flics à une trahison qui vous vaut facilement la peine capitale, il fallait qu’il ait drôlement les chocottes, non ?

Les flics arrivent donc. Ils sont une dizaine. Oui, parce que, pour ceux qui rentrent d’un voyage sur Mars et qui l’ignoreraient encore, quand les flics interviennent dans une de nos tranquilles cités de banlieue, ils sont d’abord obligés de se protéger eux-mêmes de la population locale, avant de protéger la population en question.

Les flics se retrouvent alors face à un type dont tous les témoins ont admis, parfois malgré les questions insistantes et à peine orientées des tendeurs de micros (tel que : mais il était menaçant comment, beaucoup ou pas trop ? Vous avez vu du sang sur les policiers ? Ils étaient vraiment blessés ? authentique ), que le Malien était plutôt costaud, qu’il n’avait pas l’air commode, qu’il tenait à la main un marteau dont il semblait avoir l’air de vouloir se servir, et qu’il avait indubitablement pété les plombs, toutes conditions réunies pour en faire un élément particulièrement dangereux pour ses contemporains.

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Ces mêmes témoins estimaient pourtant dans le même temps, comme pour se faire pardonner d’admettre que le Malien était pour quelque chose dans ce qui lui était arrivé, que les flics n’auraient pas dû se mettre à plusieurs pour le maîtriser. Sans doute, à les suivre dans leur raisonnement particulièrement novateur, les flics auraient-ils dû désigner leur champion, lequel aurait affronté le Malien d’homme à homme plutôt que de lui tomber dessus en force… Un combat de boxe entre gentlemen, en quelque sorte, avec règles et fairplay, on se serre la main à la fin, comme si notre société éprise de justice était en train d’inventer un nouveau paradigme qui ferait que les représentants de l’ordre devraient offrir aux tenants du désordre une chance de leur casser la gueule, voire plus si affinité, et de recevoir en prime la coupe du vainqueur. Tout juste si ces témoins impartiaux n’exigeaient pas que le flic désigné pour se battre avec le forcené soit d’un poids équivalent à celui-ci, pour que les chances soient égales. Au fait, le flic aurait-il eu le droit de se servir d’un marteau, comme son adversaire ?

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Je poursuis : les flics commencent par essayer de raisonner le forcené. Les témoins sont là encore unanimes, le malien ne veut rien entendre, ne lâche pas le marteau, fonce sur les policiers, en blesse (peut-être, là c’est flou) plus ou moins quatre. Les flics l’arrosent aux lacrymogènes, sans succès apparent, toujours confirmé par des témoins peu enclins à servir la soupe à la police. Le forcené se sauve. Les policiers n’ont pas d’autre choix que de le poursuivre, ça fait partie de leur mission de maintien de l’ordre (que n’aurait-on pas dit ou écrit si les flics l’avaient laissé se sauver, et qu’il ait blessé ou tué deux ou trois quidams ?). Ils le rattrapent. Le Malien est toujours aussi menaçant. Quelles sont les options qui s’offrent aux policiers ? Les policiers, contrairement à ce que pensent les flicophobes patentés, ne sont payés ni pour se prendre des coups de marteau, ni pour se faire tuer, sauf s’ils ne peuvent pas faire autrement. Là, ils sont armés de tasers. Ces pistolets électriques sont prévus pour servir très exactement dans ce genre de situation. Ils s’en servent. Une fois, ça ne marche pas, deux fois. Y-a-t-il eu une troisième fois, comme le prétend un témoin, et cette troisième fois aurait-elle été aussi inutile que fatale ? Peut-être. On n’en sait rien. Un homme est mort, c’est triste. Mais quelqu’un est-il responsable de sa mort ? Ou autrement dit, y-a-t-il eu bavure ?

Hé bien, contrairement à ce que prétendent les bouffeurs de flics, l’IGS (Inspection Générale des Services), qui mène une enquête chaque fois qu’il y a mort d’homme, déterminera s’il y a eu bavure. Et si bavure il y a, l’IGS ne couvrira pas les baveux. En attendant, vouloir à tout prix vendre l’idée que des policiers ont de sang froid abattu un pauvre type qui ne méritait sans doute pas de mourir ce jour-là plutôt qu’un autre, c’est dégueulasse. Qu’est-ce qu’on veut, à la fin ? Dégouter à ce point de la police que les gens honnêtes, comme on disait naguère, ne veuillent plus servir ? Alors, là, oui, ce serait la racaille qui porterait l’uniforme et le taser. Et on serait drôlement bien servis, je vous le garantis… Parfois, je me dis que c’est tout ce qu’on mérite.

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