LES ÉTATS D´ÂME DU MAIRE DE NICE CHRISTIAN ESTROSI

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LES ÉTATS D´ÂME DU MAIRE DE NICE CHRISTIAN ESTROSI

Le maire de Nice déplore la tenue à Nice par la LDH et par quelques autres associations (dont celle des pieds-noirs progressistes), du colloque Algérie 1962. Pourquoi une fin de guerre si tragique ?

Et son opposition trouve dans un article du Monde un écho médiatique.

Il compte sur l´esprit de sagesse et d´apaisement pour que la LDH renonce à ce colloque.

Mots en l´air quand il sait pertinemment que la LDH est animée par tout le contraire d´un esprit d´apaisement et de sagesse, il suffit d´en consulter le site qui est d´un extrémisme consternant et bête :

- on n y pense pas, on y prie les dieux au front bas.

J´avoue ne pas comprendre. Nous sommes en période électorale, présidentielle et probablement législative, et monsieur Estrosi n´aurait rien déploré si des associations de pieds-noirs véritables (je dis véritables parce que les ” pieds-noirs progressistes” sont en réalité des pieds-bots rouges ou verts) n´avaient manifesté une opposition résolue à un colloque placé dans le droit fil d´une idéologie totalitaire.

La chèvre et le choux

Cela dit, si nous laissons de côté la cuisine électorale. Si nous nous plaçons sur le plan de l´histoire, je ne vois guère de différence entre les positions de la LDH et celles de monsieur Estrosi, sinon que la LDH est fidèle à elle-même dans son catéchisme de haine et de bêtise et que monsieur le maire, en essayant de ménager la chèvre et le choux se retrouve en porte-à-faux.

Essayons d´y voir un peu clair.

Et pour cela il convient de noter deux initiatives remarquables du maire de Nice, celle d´ériger à la gloire du grand homme une statue en plein Nice et celle, disons complémentairement électoraliste, d´élever un monument-souvenir de l´exode des pieds-noirs en bord de mer, du côté de la Promenade des Anglais.

Nous avons eu droit à un certain nombre de messages symboliques ou de discours et le maire de Nice n´est pas le seul à pratiquer ce genre d´exercice qui consiste à ménager la chèvre et le choux.

Par exemple : nous avons un Président de la République qui, il y a quelque temps, accomplissait aussi médiatiquement que pieusement le pélérinage de Colombey, action de grâce qui trouve un parfait écho dans l´érection gaullienne de Nice.

Et puis, dans une tonalité moins charmante : il y a quelque temps, monsieur Gaudin de Marseille serrait sur son cœur Zorah Drif :

- Savez-vous qui elle est ? Vice-présidente du Sénat algérien. Mais encore ? Celle-là même qui déposait des bombes dans les cafés d´Alger en 1956, tuant indistinctement des civils innocents.

Et qu´a-t-il, répondu aux protestations, entre autres de Nicole Guiraud que la terroriste Zorah Drif mutila le 30 septembre 1956 au Milk Bar ? Elle parmi tant d´autres civils innocents ?

Qu´il ne se souvenait pas très bien, et qu´après tout cinquante avaient passé...

Il est des Français qui ont la mémoire qui flanche.

Est-ce là le langage de l´apaisement ou de la provocation ?

Enfin nous avons un ministre de la Défense et des Anciens Combattants, Gérard Longuet, qui s´invite fin janvier 2012 au Congrès national de l´Algérianiste à Perpignan et qui nous dit que La France n´a pas respecté sa parole, et il s´agit bien entendu du dégagement c´est-dire de l´abandon de l´Algérie.

Il fait l´erreur de nommer (une fois mais pas deux) le nom de l´innommable sous les huées des plus de deux mille participants présents ce jour-là mais se rattrape fort bien en entonnant le Chant des Africains, exercice vocal qui lui rapporta une salve d´applaudissements.

Un hic pourtant : lorsque le ministre dit La France n´a pas respecté sa parole, il convient de rectifier. Il convient de lui apprendre, à lui et à sa majorité à qui et à quoi ils érigent un monument. S´il s´agit de la France ou d´un usurpateur.

L´imposteur

L´imposteur est l´homme que nous avons porté au pouvoir. Non seulement il n´a pas respecté sa parole, mais c´est l´homme qui en parlant au nom de la France a commis une imposture. Oui, Monsieur Estrosi, tel est le sens de l´imposture : pardonnez la déformation professionnelle de l´universitaire pour qui les mots ont un sens précis, et pour éviter tout malentendu je rapporte la définition du Petit Robert :

- Celui qui abuse de la confiance, de la crédulité d´autrui par des discours mensongers, dans le dessein d´en tirer profit. V. charlatan, menteur.

Je renvoie pour des détails éclairants, entre autres, à l´ouvrage de Georges-Marc Benhamou : Un mensonge français.

Ne confondons pas la France avec celui qui en fut la négation.

La forfaiture : avec ce mot nous retombons dans le champ sémantique de la félonie et de la trahison, cette fois sous la forme d´infractions aux devoirs d´une charge, en l´espèce celle de Président de la République Française.

Inutile donc de vous rappeler l´article de la Constitution faisant obligation au Chef de l´État de défendre l´intégrité du territoire qui comprend à l´époque les 15 départements de la province algérienne.

Il n´était pas le seul coupable : la liste est longue de ses complices, des gaullistes alimentaires aux gaullistes barbouzards, et des barbouzards aux ambitieux, d´un Michel Debré à un Messmer et d´un Foccard à un Joxe.

Le crime : mais nous n´avons pas encore évoqué les conséquences dramatiques pour ceux qui furent ses victimes. Vous parlez de sagesse et d´apaisement, monsieur le maire ? De qui vous moquez-vous ? Ce que vous appelez sagesse a le sens pour nous de silence, ce silence que vous, votre parti et vos adversaires veulent nous imposer depuis des décennies ! Si vous voulez un apaisement, que le chef de l´État, au lieu de célébrer une grande messe médiatique dans le village aux deux clochers, fasse repentance des crimes du gaullisme, qu´il en égrène la liste, et elle est longue, et elle ne concerne pas seulement le 26 mars ou le 5 juillet 1962, le massacre des harkis que cet homme avait fait désarmer pour qu´il fûssent martyrisés plus commodément.

Cette capitulation dans la jactance, pour reprendre le mot de Raoul Girardet dans son bel ouvrage Le tombeau d´un capitaine, cette capitulation sanctionne non pas une défaite mais une victoire par les armes. L´armée française fut ainsi une autre victime de la trahison des politiques. Je renvoie volontiers sur ce sujet à l´ouvrage de Georges Kayanakis : Algérie 1960 : La victoire trahie.

Il y a les morts, les blessés, les disparus, les mutilés, les torturés, les vies défaites, l´exode dont le pouvoir gaulliste présent qui, quand il se prévaut du gaullisme d´hier (voir le pélerinage de Nicolas Sarkozy), devra bien rendre compte un jour. Le reste n´est que bavardage. Et ne me parlez pas davantage de tendre la main aux voyous et aux assassins qui, depuis décennies, de Ben Bella à Bouteflika, ont emprisonné leur peuple dans un colonialisme dont ce même peuple ne voit d´issue que dans la Harraga, l´exil rêvé vers le nord.

Quelle hécatombe nous connaîtrions si nous étions assez stupides et assez lâches pour l´abandonner.

Savez-vous qui prononça cette parole ? Précisément l´homme qui fut assez stupide et assez lâche pour l´abandonner. L´Algérie. Mais là encore, de même que dans les propos de Gérard Longuet, nous sommes confrontés à un glissement sémantique qu´il convient de rectifier. Le pluriel de majesté n´étant pas de mise, rendons à ce César ce qui lui appartient : la lâcheté et la stupidité. De sucroît, puisqu´il les revendique.

Ass. prof. emérite SDU Gérard Lehmann

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