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Jean Peyrelevade : Une remise en ordre profonde, difficile, douloureuse, est inéluctable Demain la rigueur
JEAN PEYRELEVADE, économiste et ancien Président du Crédit Lyonnais nous livre son analyse de la politique économique et sa projection pour les années à venir.
Ses conclusions sont sans appel : seule la rigueur pourrait nous sauver d’un endettement qui, sinon, ne cessera plus d’augmenter au fil des ans.
Chers amis,
Ci-joint article que j’ai publié récemment dans le journal Les Échos sur l’état des finances publiques françaises.
Demain, la rigueur [09/10/09]
Eh bien, nous y voilà ! A force de trouver de fausses solutions aux problèmes pendants, l’État a mis ses finances dans une situation inextricable. Ce que beaucoup d’économistes redoutaient, l’effet « boule de neige » de la dette publique, va désormais jouer à plein :
l’accroissement exponentiel des intérêts payés efface à lui seul l’amélioration spontanée du solde budgétaire. Sauf correction brutale de trajectoire, l’endettement rapporté au PIB ne cessera plus d’augmenter. L’histoire est connue, c’est celle de l’apprenti-sorcier.
La démonstration est simple.
En 2009, le déficit public sera de l’ordre de 8 % du PIB.Outre le montant exceptionnel des dépenses de relance, la raison principale en est le recul très important des recettes fiscales (notamment de l’impôt sur les bénéfices des sociétés) en conséquence de la crise profonde que nous vivons. Encore cette détérioration est-elle tempérée par un très bas niveau des taux d’intérêt qui allège artificiellement et provisoirement le service de la dette.
De ce double point de vue, on peut s’attendre à un retour progressif à la normale dans les deux années qui viennent.En 2010, le rebond des recettes l’emportera sur la hausse des taux et le déficit public pourrait se réduire d’environ un demi-point de PIB (un point et demi d’amélioration du solde primaire, hors charge de la dette, moins un demi-point d’alourdissement de cette dernière).
L’euphorie des pouvoirs publics sera de courte durée.
En 2011, en effet, la poursuite de la hausse des taux d’intérêt sur une dette accrue pèsera davantage que la progression, redevenue modérée, des recettes publiques.
Fin 2011, le déficit sera remonté à 8 % du PIB, voire plus, avec un endettement total de l’ordre de 90 % du même PIB.De ce point de départ, quelle pourrait être l’évolution ultérieure ? Supposons que le taux d’intérêt servi aux prêteurs se stabilise à 4,5 %, ce qui laisse une place raisonnable pour une probable augmentation par rapport aux niveaux actuels.
La charge croissante de la dette va représenter à l’avenir un minimum de 4 points de PIB (4,5 % 90 %) qui viendront tous les ans s’ajouter à l’encours existant. L’alourdissement régulier de la dette entraînera à son tour celui des intérêts payés.
De ce seul fait, le solde budgétaire se détériorera annuellement de 0,2 à 0,25 point de PIB.Que peut-on espérer dans l’autre sens ? Si la croissance revient, une progression des recettes de l’État et des collectivités locales qui, à fiscalité inchangée, serait un peu plus rapide que celle du PIB, mettons de trois quarts de point annuels (soit la moitié de la croissance en volume du PIB, estimée à 1,5 %, ce qui serait supérieur à notre performance moyenne depuis huit ans).
Admettons en outre, de manière optimiste au regard du passé récent, que les dépenses de l’État, hors charges d’intérêt, évoluent en valeur légèrement moins vite que le PIB, d’un quart de point par an (elles ont, en 2008, augmenté de 0,4 point de plus, sans parler bien sûr de ce qui va se passer en 2009).
Faisons enfin l’hypothèse que le déficit de la Sécurité sociale demeure stabilisé en volume et, en l’absence de grande réforme, varie comme l’inflation.Ces hypothèses de contrôle des dépenses et d’amélioration des recettes sont assez volontaristes.
Elles impliquent en effet, hors charge de la dette, une réduction du déficit primaire d’un quart de point de PIB par an, [brown]chiffre qui a été assez peu souvent atteint depuis 2001 : le solde primaire est resté sur toute la période négatif (sauf en 2006) et est retombé en 2008 en dessous de son niveau de 2002.[/brown]On voit que l’alourdissement année après année des charges de la dette suffira à annihiler l’effet positif d’une amélioration modeste du solde primaire.
D’où une première conclusion : à politique constante, le déficit public va rester, en pourcentage du PIB, à l’étiage terrifiant de la fin 2009, soit 8 %.
Dès lors, cette répétition du déficit va entraîner la dette publique, qui continuera d’augmenter, en valeur absolue comme en pourcentage du PIB.
A la fin 2017, à l’expiration du prochain quinquennat, elle sera, toutes choses égales par ailleurs, de l’ordre de 120 % du PIB.
J’espère me tromper, mais j’attends, chiffres en mains, plutôt que les commentaires, de vrais contradicteurs.Une telle évolution serait en effet clairement inacceptable pour les marchés, qui refuseront d’accompagner un tel laxisme, comme pour nos partenaires européens, dont je souhaite qu’ils sachent nous ramener à la discipline commune.
Une remise en ordre profonde, difficile, douloureuse, est inéluctable.
Elle implique à la fois réduction des dépenses (notamment fiscales) et augmentation des recettes, donc des impôts et des cotisations sociales.Cela s’appelle la rigueur, qui consiste simplement à vivre à hauteur de ses moyens.
Dans une démocratie évoluée, ce sujet devrait dominer la prochaine campagne pour l’élection présidentielle, puisqu’il s’imposera de fait tout au long du prochain quinquennat.
Je ne sais si on peut être élu en disant au peuple une vérité qui lui a été jusqu’à présent soigneusement dissimulée. Mais je suis certain qu’on ne peut pas gouverner si on lui a au préalable menti.
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Pour éponger sa dette et rejoindre l’Euro, en 1992 l’Italie avait "amputé" de 0,6% le compte en banque de chacun de ses citoyens.
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Voir en ligne : Le rôle de l’Etat (2)