Euroflash juin 2011

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Euroflash juin 2011

Jean-Claude Jézéquel

La mort annoncée d’une monnaie unique

La zone euro s’épuise à tenter de sauver ses partenaires en perdition, la Grèce, le Portugal, l’Espagne, l’Italie bientôt… Le nouveau plan de soutien à la Grèce peine à trouver sa forme, tant il y a désunion au sein des leaders de la zone… La Grèce sortira à terme de la zone euro, ce qui va initier un effet « dominos ». Alors, l’euro, est-ce aujourd’hui une maladie incurable ou une thérapie qui tuera le malade ?
De fait, l’euro est devenu un fardeau intolérable. On se dit, sur le tard, à juste titre, qu’en se privant d’une monnaie nationale, on a perdu la main sur notre économie. On réalise durement ce qui était évident, à savoir que les économies des pays membres n’évoluent pas de la même façon, que les taux d’inflation divergent, que les phases conjoncturelles ne se recouvrent pas et qu’il n’y a pas de taux de change idéal et unique globalement applicable, or celui-ci détermine les exportations et les importations d’un pays. Lui-même lié aux taux d’intérêt, il pénalise l’économie d’un pays s’il celui-ci n’a pas le bon change par rapport aux conditions de son économie. En bref, la monnaie unique était en soi, mine de rien, une idée déraisonnable que l’on découvre comme telle seulement maintenant ! L’Europe a attelé la charrue avant les bœufs. Une monnaie unique n’avait de sens que si elle avait succédé à une politique d’intégration de l’Europe, ou plutôt à une Europe politique, un appareil étatique fédéral permettant une politique fiscale globale, des subventions et des transferts pour soutenir l’état en difficulté, tout en laissant à chacun des états sa marge et une fiscalité propre, à même de coller à ses besoins spécifiques. Toutefois, une Europe fédérale n’était pas non plus réaliste. Elle l’aurait été dans un contexte hégémonique avec une logique d’extension, comme ce fut le cas aux Etats-Unis au XIXe siècle, ou encore avec l’URSS au XXe siècle, or les empires éclatent, le monde se fragmente et l’on observe que des petits états, plus ouverts sur le marché extérieur, sont aujourd’hui souvent plus prospères que les grands, grâce à l’ouverture des marchés mondiaux, à la libre circulation, à l’évolution de l’information. Et l’on voit bien, même au sein de l’Europe, cette tentation pour certaines régions de jouer de leurs chances et de leur position, et de tenter de gagner en autonomie voire en indépendance, dès lors que celles-ci croient au succès à venir de leur économie propre, bien différenciée de celle de l’Etat qui les abrite (Ecosse, Flandre…), avec l’idée de ne pas en partager les bénéfices. Comment espérer en des solidarités transnationales quand en raison d’inégalités régionales, les riches ne veulent plus subvenir aux besoins des plus pauvres ?
La monnaie unique a été le moyen de contraindre les Eurosceptiques à accepter le principe d’un super-Etat. Par l’artifice technique de l’union monétaire on allait parvenir à l’union budgétaire, et donc à un Etat fédéral. La mise en œuvre de l’euro a été soutenue par des corps d’élites, politiques, administratifs et représentatifs des intérêts du grand patronat, ici parce que nos industries européennes sont souvent cartellisées, la première préoccupation d’un cartel étant de fixer les prix ensemble afin de supprimer la concurrence, d’hausser les tarifs et de dégager les meilleurs profits. L’ouverture des frontières a poussé les cartels nationaux à s’élargir au niveau européen. En supprimant les variations de change, ces cartels élargis ont trouvé le confort d’une économie nationale. Les Etats nations rendus à la situation d’une entreprise se sont trouvés dans la même situation…
L’abandon de l’euro pour revenir à une monnaie nationale majorerait le poids de la dette, c’est le premier argument qui plaide en faveur de la monnaie unique. Par ailleurs, une monnaie forte abaisse le coût des emprunts à l’étranger, quand notre monnaie nationale perdrait en garantie pour les prêteurs et renforcerait en conséquence leurs taux. Notons que cette facilité est dramatiquement pernicieuse. Ainsi, l’euro est devenu une redoutable machine à emprunter. L’Espagne qui en paie maintenant les frais illustre bien ce phénomène. Avec un taux d’intérêt fixé par la BCE à 2 % quand le taux d’inflation de leur pays était de 6 %, ménages et investisseurs immobilier ont emprunté en masse au taux réel de – 4 %. Cette course à l’investissement immobilier a non seulement défiguré les côtes espagnoles mais a provoqué un déséquilibre de l’activité nationale, dont on mesure les effets avec un chômage dramatique, et ruiné les particuliers.
Alors, la sortie de l’euro, une bonne idée ou une situation inévitable ? En toute hypothèse, elle devrait relancer la croissance. L’euro est surévalué par rapport au dollar. Les industries françaises sont pénalisées par rapport à tous les pays dont la monnaie est liée au dollar. La France est aussi surévaluée par rapport à l’Allemagne, sans pouvoir corriger son différentiel par le change. La France cumule les handicaps. Elle est mise en cause par l’Allemagne avec d’autres pays latins, réputés laxistes, pour ses « privilèges sociaux exorbitants » (congés, retraite, protections sociales), devenus ainsi plus faciles « à dénoncer » par certains acteurs de la société française… Sans croissance, la dette s’épaissit, or la capacité d’un pays à rembourser ses dettes repose de fait sur l’accroissement du revenu national. Nous sommes pris entre deux feux, rester et subir, sortir et tenter l’aventure. C’est l’avenir de la Grèce à court terme qui devrait amorcer le décrochage de l’euro, mais avant d’abandonner l’euro, une étape est nécessaire, sa dévaluation, et vite !

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