Et si "Hors-la-Loi" n’était pas ce qu’on croit ? Les approximations historiques, de la poudre de perlimpimpin...
[!sommaire] Cette semaine, je suis allé voir « Hors-la-Loi ». Rassurez-vous, nous n’étions que 8 spectateurs à la projection, mon épouse, qui n’avait pas voulu me laisser affronter seul cette douloureuse épreuve, et moi compris. En plus c’était une séance « happy hour » à demi-tarif – ça m’aurait fait mal au ventre de payer plein pot, même dans le noble dessein d’informer les lecteurs de Notre Journal.
Alors je l’ai vu, ce fameux et fumeux « Hors-la-Loi », jusqu’à la dernière image. D’abord un peu estomaqué que l’on puisse avoir le culot de falsifier à ce point l’Histoire, puis peu à peu plutôt amusé par les outrances et le grotesque de certains personnages et l’alambiqué de situations abracadabrantesques de ces Zorros de série C – Debouze, la conscience des cités, en maquereau organisateur de combats de boxe, les Arabes, vivant dans un bidonville de Nanterre auprès duquel les favellas de Rio sont des hôtels 5 étoiles, mais tirés à 4 épingles et propres comme des sous neufs, des flics Français cons comme des miliciens, salauds comme des gestapistes, et des « résistants » FLN malins comme des singes, courageux comme des lions, et cruels comme des tigres… Il ne manquait pas un poncif.
A la sortie de la séance, mon épouse, qui n’est Pied-Noir ni d’Êve ni d’Adam, m’a avoué qu’elle n’avait ressenti aucune émotion – j’ai vérifié : ses yeux étaient parfaitement secs, ce qui, quand on connaît son cœur d’artichaut, est un phénomène rare -, tant ce film lui avait paru artificiel et convenu. Bref, ce film ne l’avait pas plus intéressée qu’il ne semble attirer la quasi-totalité des Français, du moins si l’on s’en rapporte aux premiers chiffres de fréquentation, et ce, malgré le tapage médiatique plus qu’assourdissant que l’on sait.
Et c’est alors que j’ai eu la révélation : si « Hors la Loi » est bien parti pour faire « pschitt… » en France, ce n’est pas ce qui va empêcher son réalisateur de dormir… Tout simplement parce que Rachid Bouchareb n’a pas fait un film pour les Français ! Il n’a pas plus fait d’ailleurs un film pour les Algériens. Et « Hors-la-Loi » n’est pas non plus, n’en déplaise à ses contempteurs, un film sur la guerre d’Algérie. De la guerre d’Algérie, Rachid Bouchareb s’en tape comme de sa première chechia. Bouchareb, sous des dehors mielleux et consensuels, est avant tout un militant de la cause arabe en France. Bouchareb est un Français qui vit mal sa francitude, comme beaucoup de Français de nationalité et de naissance qui sont restés Algériens de cœur et de racines. A ce titre, « Hors-la-Loi » est un film militant, qui parle de la France d’aujourd’hui aux habitants des cités, et qui leur dit « regardez comme les Français sont lâches, impuissants et crédules, comme leurs femmes sont des salopes, comme il est facile de les vaincre »…
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Non, ne me regardez pas comme si j’avais un entonnoir sur la tête ! Lisez la suite, et vous verrez si j’ai sombré dans le délire paranoïaque que vous semblez diagnostiquer :
« Hors-la-Loi » fait un parallèle incessant et pour le moins extravagant entre la résistance des Français aux nazis et la résistance des « Algériens » à la France coloniale. Je ne citerai que deux exemples :
le début du film, images d’archives de la libération de Paris, la fin du film, images d’archives de la « libération » de l’Algérie, le 5 juillet 62 (en omettant soigneusement au passage les massacres plutôt gênants des Pieds-Noirs d’Oran, mais ce n’est qu’un détail de l’Histoire, après tout) ;
les scènes d’action, copies conformes des innombrables films et téléfilms sur la résistance sortis en France depuis la guerre.
Le parallèle est tellement grossier qu’il ne peut échapper même au plus débile des crétins. A preuve, l’ensemble des commentateurs agréés, critiques de cinéma, historiens ou penseurs auto proclamés, sans qu’il en manque un seul, l’ont souligné.
Jusque-là, me direz-vous, je ne vous apprends rien de nouveau… Sauf que, et cela, aucun media ne l’a évoqué, « Hors-la-Loi », film prétendument sur la guerre d’Algérie, se passe, aux six premières minutes près –les fameux massacres de Sétif dont j’ai fait une tribune le 30 mai, « merci au film « Hors-la-Loi », merci à Rachid Bouchareb » - en totalité en France. Le film se passe en France, et pourtant les « résistants » sont des Arabes, et les nazis sont des policiers. Cherchez l’erreur. Nous sommes en France, et, à l’exception de la porteuse de valise de type caucasien, blondasse, pétasse et salace, ce que les arabes méprisent le plus chez les femmes, le film ne montre que des Arabes et les flics qui les pourchassent, en vain, bien entendu, et pas un seul "civil Français d’origine gauloise" - et aucun de nos penseurs patenté ne s’est ému du procédé !
Pourtant, le message est si peu subliminal qu’il en est aveuglant, et nul doute que nos cités sauront le recevoir 5/5 : les cités (les bidonvilles du film) sont le territoire, les Arabes en sont les habitants légitimes, et les Souchiens ont disparu du paysage. Quant aux policiers qui prétendent se mêler de leur business, ce sont les occupants nazis que les Zorros du film (les trois frères) vont combattre et ridiculiser, jusqu’à la victoire finale. Le vrai message de « Hors-la-Loi » est dans les tirades du leader FLN qui ne s’appelle pas par hasard Abdelkader dans le film, comme symbole de la résistance à la colonisation Française : peuple des cités, vous êtes ici chez vous. C’est votre loi qui doit être appliquée, et pas celle de la France. Avec l’aide de Dieu et la veulerie des Français, nous serons vainqueurs ! »
Alors pour ceux qui espèrent que ce film ouvrira enfin la porte de la réconciliation entre les Français et les Algériens, j’ai bien peur que ce soit raté. Mais si vous voulez encore saisir une chance de paix entre hommes de bonne volonté, aussi faible soit-elle, allez-voir « Des hommes et des dieux », c’est l’antidote absolue à cette merde.