Scénario de Hors La Loi par le Général Maurice Faivre

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"Je n’ai pas vu le film, mais j’ai analysé le scénario. Contrairement à ce que disent les historiens cités dans le Monde du 5 mai, il ne s’agit pas d’une guerre des mémoires, mais d’erreurs historiques grossières, conformes à la vérité historique du pouvoir algérien." Maurice Faivre, historien

Le Film HORS LA LOI

Scénario de Olivier Lorelle et Rachid Bouchareb

Cette version du scénario comprend 134 séquences qui se suivent dans un ordre plus ou moins chronologique, et dont l’histoire peut se résumer comme suit :

  • Période 1935-1945.

Propriétaire dans la région de Sétif, M. Souni a trois fils qui sont les héros de cette histoire :

- Messaoud, 15 ans, transpire en bèchant les terres paternelles,

- Abdelkader, 14 ans, lycéen studieux, rédige contre un pourboire les rédactions de Gimenez, un riche pied noir bien habillé mais paresseux et cancre,

- Saïd, 13 ans, cireur de chaussures, est rabroué par les commerçants de Sétif.

Le caïd arrive en jeep et présente une ordonnance du tribunal les expulsant de leur terre au profit d’un colon. Ils se réfugient en banlieue de Sétif.

Le 8 mai 1945, les colons tirent par les fenêtres sur les manifestants, la mitrailleuse des gendarmes fauche des dizaines d’Arabes ; accompagnés du caïd, les sénégalais fouillent les mechtas et tuent Souni et ses filles.

Abdelkader est fait prisonnier par le lieutenant Gimenez, son ancien camarade ; il est interné à la prison de la Santé. Saïd venge la famille ; il tue le caïd à l’arme blanche et lui vole son argent.

Ces crimes de 1945 sont illustrés par des images d’archives : soldats en France et en Algérie, de Gaulle signant l’armistice !, bombardement des villages, tir sur des Arabes devant une raïma et dans une maison, morts alignés sur la route, puis jetés dans les gorges de Kherrata.

  • Période 1945- 1954

- Saïd amène sa mère au bidonville de Nanterre et se reconvertit dans la prostitution à Pigalle ; il élimine ses concurrents corses et monte une salle d’entraînement à la boxe,

- Messaoud s’engage ; il est parachuté au Vietnam où il incendie des paillotes ; prisonnier à Dien Bien Phu, il assiste au camp 113 à l’autocritique du colonel Mattei. Les images d’archives célébrent la victoire d’Ho Chi Minh.

- Abdelkader est endoctriné en prison ; rallié au FLN (avant que celui-ci n’existe), il est libéré, devient collecteur de fonds et responsable de zone 1 à Paris.


  • Période 1955-1962

Messaoud est rapatrié du Vietnam, il rejoint Paris et travaille chez Renault avec Abd el Kader ; il se rallie au FLN et devient chef de commando, il entraîne ses équipiers au stand de tir de Pigalle, étrangle un responsable MNA et un réfractaire à la cotisation FLN ; marié à Zohra, il éprouve quelques remords.

- le colonel Mattei, affecté au SDECE, conseille le préfet Papon, il crée une cellule Main rouge qui noie les suspects dans le canal ou les livre pour exécution aux harkis de Paris ; les policiers fouillent et cassent ;>

- Abd el Kader refuse l’amour d’Hélène, costumière de théâtre et porteuse de valise ; grâce à un policier musulman, il pénètre dans un commissariat et tue le tortionnaire Picot ; Messaoud lui fait rencontrer le colonel Mattei ; ils essaient de se convertir l’un l’autre (sic) ; Mattei ferme le cabaret de Saïd,

- Messaoud pénètre dans une caserne des harkis et élimine toute une unité,

- le FLN incendie les dépôts d’essence en métropole,

- Saïd, qui hésite à rallier le FLN, recrute le Kid d’Alger, un boxeur qui met KO le champion de France-Nord ; il faut qu’il batte les Français et les nègres (sic), mais Abd el Kader refuse qu’il participe au championnat de France, il le réserve pour le championnat de l’Algérie indépendante ; il contraint Saïd à l’éliminer.

- après une nuit d’amour avec Abd el Kader, Hélène est tuée dans l’explosion de sa voiture piègée par Mattei.

- Abd el Kader et Messaoud se rendent dans une usine allemande d’armements, ils ramènent dans un port français deux bus chargés d’armes, ils sont surpris par Mattei au moment où ils vont charger un cargo tchèque ; une bagarre dans un entrepôt se termine par la mort de Messaoud, qu’un docteur français bienveillant ne peut sauver ; la mère des garçons se griffe le visage de douleur,

- lors de la manifestation du 17 octobre 1961, Abd el Kader est tué dans le métro par un policier ; Mattei s’exclame : tu as gagné !.

- en 1962, Saîd ramène sa mère et Zohra dans leur maison de Sétif, à moitié détruite. Ils regardent les photos de famille abandonnées par les colons.


COMMENTAIRES

La lecture du scénario inspire des réactions de rejet, que la vision des images pourra éventuellement corriger. Mais il ne fait pas de doute que les séquences décrites présentent une vision anticolonialiste et antimilitariste des évènements. Un certain nombre de faits sont réels, mais ils sont généralement instrumentalisés sous une forme antifrançaise. On peut comprendre l’idéologie nationaliste des frères algériens de Bouchareb, à condition de ne pas masquer son aboutissement : l’anarchie de l’été 1962, l’échec du combat pour la démocratie, la mise en place d’une dictature militaire diffusant une culture de guerre, la corruption de certaines élites, la révolte des kabyles et le terrorisme des islamistes radicaux.

D’autre part, la vérité historique est gravement malmenée. Voici quelques exemples :

    • la spoliation des terres a été pratiquée au 19ème siècle, mais à partir des années 1920, ce sont plutôt les Algériens qui achètent des propriétés agricoles ; les notaires de Sétif n’ont enregistré aucune expropriation, sauf pour cause d’intérêt public (barrage de Kherrata),
    • la jeep n’existait pas en 1935 ; le FLN et le MNA sont nés en 1954, et non en 1945,
    • les images d’archives sont falsifiées (films de 1955 transposés en 1945 - bombardements aériens et maritimes non filmés en Algérie - de Gaulle signant l’armistice (sic) de 1945 avec Churchill, Roosevelt et Staline)
    • les premières victimes à Sétif ont été des Européens ( 28 morts et 42 blessés graves) ; selon le général Tubert, chargé de l’enquête officielle, il y eut moins de 40 morts algériens ; tout était terminé le 8 mai à midi ; il n’y a pas eu à Sétif de tirs des colons par les fenêtres, ni de tirs de gendarmes à la mitrailleuse,
    • le film épargne les tirailleurs algériens, qui sont cependant intervenus à Sétif ; la mise en scène des Sénégalais ne peut qu’encourager le racisme anti-noir, or les Sénégalais ne sont pas intervenus en ville de Sétif où résidaient les héros du film
    • la répression du 8 mai fut rapide et sans doute trop brutale, mais ce n’est pas un génocide ; 45.000 est à peu près le nombre des manifestants ; les historiens compétents font une estimation de 3.000 à 6.000 victimes musulmanes,
    • les suspects arrêtés en mai 1945 n’ont pas été transférés à Paris et ont bénéficié de l’amnistie de 1946,
    • Messaoud, affecté au 3ème RTA, ne pouvait pas être parachutiste ; après 10 ans de service, il aurait dû être au moins sergent,
    • le SDECE était chargé de la lutte contre le FLN hors de France, où la DST était compétente ; les cartes d’identité ne révélaient pas l’appartenance à un service secret,
    • de Gaulle en 1954 n’était pas aux affaires
    • des harkis de Paris ont été tués au combat, mais leurs casernes n’ont pas été prises par le FLN ; en revanche les harkis de Paris ont démantelé la plupart des commandos de choc du FLN à Paris (réf. Rémy Valat)
    • la Main Rouge est une organisation de contre-terroristes qui a sévi en Tunisie ; en métropole, il s’est agi d’un canular monté par le commandant Garder (rapport de la S/direction des Affaires criminelles du 6 août 1961),
    • c’est le FLN et le MNA qui ont pratiqué des noyades dans la Seine tout au long de l’année 1961 ; la responsabilité de la police n’est signalée que dans un seul cas, qui reste d’ailleurs à confirmer ; la police ne s’est pas livrée à des explosions de voiture en métropole,
    • le passage d’autobus américains de RFA en France n’est pas vraisemblable, il y avait des ports en Allemagne pour charger l’armement. AEK et Messaoud avaient-ils le permis de conduire des cars ?

DOCUMENTS D’ARCHIVES

Des documents officiels contredisent la thèse du génocide de 1945. Ils sont ignorés de Bouchareb :

    • Message du général de Gaulle au Gouverneur général : « Prendre toutes mesures nécessaires pour réprimer tous les agissements anti-français d’une minorité d’agitateurs »
    • dans son Testament (1994), Ferhat Abbas condamne « les organisateurs d’émeutes, ceux qui avaient poussé à la violence des paysans désarmés…ceux qui tels des chiens sauvages se sont jetés sur Albert Denier, secrétaire de la section communiste, auquel un salaud sectionna les mains à coup de hache »
    • la délégation du parti communiste auprès du GG, composée de Joannes, Ouzegane et Caballero, dénonce le 10 mai « les provocations des agents hitlériens du PPA… »,

(référence probable au CARNA)

    • le colonel Bourdilla, commandant la Subdivision de Sétif, donne l’ordre formel ( le 8 mai à 9.00h) de ne pas tirer, sauf cas de légitime défense.

D’autre part, le colonel Montaner, qui commandait la Force de Police auxiliaire, dément la thèse du massacre massif et des dizaines de corps jetés dans la Seine le 17 octobre 1961 (revue Guerres mondiales et conflits contemporains, n°206/2002).

Faut-il rappeler qu’au 19ème siècle, la colonisation n’est pas considérée comme un crime ; c’est même une idéologie républicaine que célèbre Victor Hugo : « un peuple éclairé va trouver un peuple dans la nuit ». Albert Sarraut et Léon Blum expriment les mêmes sentiments.

On reste ébahi, écrit le préfet Ben M., devant tant d’erreurs d’ordre historique, matériel, chronologique et même intellectuel, et tant d’amalgames…Le peu de vraisemblance historique apparaîtra au plus naïf des spectateurs français, mais il faut se rendre compte que ce scénario a été écrit pour un autre public, algérien et populaire…Il en résulte la conclusion que le film est mauvais, mais aussi que le cinéaste est mauvais et infantile…En fait c’est une provocation, très volontaire, qu’ont voulue les producteurs et les sélectionneurs, à la fois dans un but commercial pour les uns, politique pour les autres.

Ce film n’est donc pas de nature à apaiser les relations franco-algériennes, ni la haine des jeunes instrumentalisés par le radicalisme politique.

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H.L.L par Maurice Faivre

Voir en ligne : http://www.clan-r.org/portail/Scena...

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