Mémoire et vérité des combattants d’AFN

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Quelle image garderont nos enfants, nos petits-enfants, nos descendants, de la guerre d’Algérie 1954-1962 ?

Si le débat historique s’arrêtait avant d’avoir réellement commencé, la réponse serait déjà toute prête : elle figure d’ores et déjà dans les livres d’Histoire de la Classe Terminale de nos lycées (Éditions Bordas-Larousse, 1999, p.240) :
« ...Les succès militaires français sont incontestables, mais les moyens employés, notamment la torture, heurtent l’opinion française ...

Tout est dit, sur le mode journalistique, dans un raccourci bâclé sur le plan historique. Bâclé tout d’abord pour une raison factuelle : nous ne sommes qu’au début du bilan historique, au moment de l’ouverture de certaines archives ; mais aussi pour des motifs sociologiques et politiques liés au courant traditionnel d’un antimilitarisme français, qui tente par exemple de ternir la victoire de 1918 par l’évocation des mutineries de 1917, et qui ignore les succès militaires en Algérie en ne regardant que les excès des comportements engendrés par la lutte contre le terrorisme et le désespoir d’une population maltraitée.

Le Cercle pour la Défense des Combattants d’AFN entend participer au travail de mémoire en utilisant l’accès aux archives et en collectant les témoignages des participants qui vivent encore. C’est la raison d’être de ce Livre Blanc que d’exposer son point de vue, encadré strictement :
- par la volonté de sortir du MANICHEISME, parce qu’il ne résoudra plus rien et ne facilitera certainement pas la réconciliation franco-française et franco-algérienne ;
- par le choix de s’en tenir au domaine militaire de cette guerre, bien qu’il soit reconnu que dans cette guerre l’armée ait « tutoyé » la politique, ne serait-ce qu’en 1958 où elle a permis à la République de se remettre d’aplomb.

A l’évidence, ce point de vue, pour être sincère, doit analyser toutes les questions, y compris les plus difficiles, les plus douloureuses :

- l’abandon des harkis (pour supplétifs), soldats français dans l’esprit et la lettre, valeureux au combat, exposés par l’indépendance de l’Algérie, et toujours les plus démunis ;

- le « putsch » d’avril 1961, hérésie militaire et politique, acte vain dans ses résultats, mais portant la marque d’hommes d’honneur ;

- la torture, abominable dans l’absolu, mais conséquence d’une guerre cruelle menée par le FLN, et de la sauvagerie du terrorisme urbain, à examiner au regard de l’inconsistance du pouvoir politique de la IVème République ;

- la trahison de certains Français, communistes et porteurs de valises, au profit de l’ennemi reconnu, le FLN, aux conséquences sanglantes pour les soldats français, professionnels et appelés.

Ces questions sont abordées dans ce Livre Blanc, mais ne seront pas les seules, car se posent aussi celles de la nature de cette guerre : guerre religieuse, guerre civile, guerre Est-Ouest ?

- GUERRE RELIGIEUSE ? Certains le pensent - et non des moindres -. A l’appui de leur opinion les appels au Djihad (Guerre Sainte) proférés de l’extérieur de l’Algérie et trouvant parfois leur transcription sur le terrain, par exemple en août 1955. Mais alors comment expliquer que le nombre des soldats musulmans était plus important du côté français, et que les unités de l’armée française, composées d’appelés et de professionnels musulmans, n’ont jamais cessé de combattre, y compris pendant le Ramadan . Comment expliquer aussi la fraternisation amorcée entre une grande partie des communautés des religions musulmane, chrétienne, juive, en 1958 ? Pour le Cercle pour la défense des Combattants d’AFN, cet aspect religieux n’est pas fondamental en tant que ressort de la guerre et ne sera pas étudié.

- GUERRE CIVILE ? A l’inverse, ces mêmes raisons étayent la thèse de la guerre civile à l’intérieur de la guerre, entre ceux qui voulaient l’indépendance et faisaient confiance à la France pour l’obtenir, et ceux qui voulaient une autre indépendance obtenue par la guerre révolutionnaire sur le modèle léniniste (ce qui, au passage, explique sans l’excuser la trahison des communistes français d’Algérie). Cet aspect sera étudié dans le Livre Blanc.

- GUERRE EST-OUEST ? Le contexte international était défavorable au maintien par la force de la France en Algérie, encore plus après l’expédition en Egypte de 1956. Cependant, malgré le soutien des pays socialistes, on n’a pas assisté à une internationalisation lourde, du type de l’intervention de la Chine communiste en Corée et au Tonkin après 1950 ; en outre le général de Gaulle était respecté aussi bien par les USA que par l’URSS.

Sans être muet, le Livre Blanc sera discret sur cet aspect, non pas qu’il soit sans intérêt ni conséquences, mais parce que l’armée française n’a pratiquement pas été mêlée aux affrontements politiques internationaux, exceptées quelques escarmouches en Tunisie et au Maroc, sans danger pour la souveraineté de ces pays limitrophes.

Reste alors à s’interroger sur le rôle du général de Gaulle. Dans la conduite de la guerre, pour obtenir la paix (la pacification), son action n’a pas été militaire. Or, le Cercle pour la Défense des Combattants d’AFN a volontairement limité son propos dans ce Livre Blanc à l’aspect militaire, et ne s’en servira pas pour juger la politique du général de Gaulle, qui est une autre histoire n’entrant pas dans le cadre choisi.

En revanche, il lui est imposssible de ne pas analyser les conditions réelles d’exécution du cessez-le-feu de mars 1962 : règlements de compte sanglants par le FLN vis-à-vis des harkis, soldats français, les débordements du 5 juillet 1962 à Oran, l’exode de la communauté européenne la transformant en une foule de réfugiés et de personnes déplacées du fait de la panique devant le nouvel ordre algérien. L’ouverture des archives, notamment celles du Comité des Affaires Algériennes, permet de bien situer la responsabilité de ces conditions de retrait peu glorieuses : elle est d’ordre politique et détachable de l’action de l’armée.

On ne peut renoncer à son passé, ni faire semblant de l’ignorer. L’histoire reflète le regard qu’une communauté jette sur elle-même : elle n’a pas pour but de juger ce qui aurait pu être, mais sa capacité d’élimination (donc l’oubli volontaire des événements affreux ou-peu glorieux) ne peut être sous-estimée.

A l’historien de faire son travail. Selon une heureuse formule, l’histoire est à la fois ce qui advient, le récit qui en est fait et la science historique elle-même : elle avance sur une infinité de chemins. Elle reste, comme le soutenait Hegel, la science du malheur des hommes. L’histoire de cette guerre d’Algérie ne fait pas exception.

*Source :

Association des Anciens Combattants et Soldats Français de Québec
Association fondée en 1921
Affiliée à l’Union Nationale des Combattants

http://site.voila.fr/anciens.combat.qc/Rappel.html

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