Maurice FAIVRE : Maurice Audin, la disparition.

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Ce documentaire de François Demerliac produit par « Chaya films et virtuel » a été diffusé une dizaine de fois entre le 19 juillet 2010 et le 13 février 2011 par la chaîne politique Public Sénat. Un débat enregistré le 4 février par Benoît Duquesne et Elise Lucet, intitulé « Guerre d’Algérie : l’éternelle déchirure » est diffusé le 12 février à 23.00, puis le 13 février à 19.00 et le 20 février à 10.00. Il réunit François Demerliac, Maurice Faivre, François Pouillot, Malika Rahal, Charles Sylvestre ( Sylvie Thénault non citée ?) .

Le documentaire a provoqué des protestations horrifiées de la part des anciens combattants, des rapatriés, harkis et EMSI qui l’ont vu. C’est en effet un film anti-colonialiste, anti-miltariste, pro-FLN et pour tout dire anti-français. A défaut d’une recension, voici un aperçu sur les protagonistes du documentaire :

  • Josette Audin, dont le mari a disparu le 21 juin 1957 après avoir été arrêté par les parachutistes le 11 juin, exprime une douleur que l’on comprend. Son mari n’était pas un terroriste, mais un universitaire, propagandiste et militant communiste. La bavure policière (attribuable sans doute à Aussaresses) est évidente, mais l’enquête a été totalement négative. 1.700 Français d’Algérie ont également disparu pendant ce conflit, dont seulement 72 corps ont été retrouvés ; la douleur des familles est comparable, mais n’a fait l’objet d’aucun documentaire [1]. Cela explique peut-être que le chef de l’Etat ne réponde pas aux lettres de madame Audin demandant la condamnation du gouvernement de 1957.
  • historien de la Grêce et militant contre la guerre d’Algérie, Vidal-Naquet a proposé une thèse [2] sur la mort d’Audin. Il imagine qu’une évasion simulée a été montée par le lieutenant Charbonnier pour camoufler la mort d’Audin sous la torture ; ce n’est qu’une hypothèse pour laquelle il n’apporte aucune preuve. Demerliac semble ignorer les recherches infructueuses effectuées par la Commission de Sauvegarde du droit et des libertés et par le Procureur Reliquet. Michel Debré, premier ministre, a alors estimé que le journal de Vidal-Naquet « Vérité-Liberté « devrait être interdit et des perquisitions ordonnées ».
  • plusieurs avocats (Braun, Borker, Nicole Dreyfus, Badinter) soutiennent la thèse de Vidal-Naquet et demandent que la vérité soit recherchée par de nouvelles enquêtes. Il faut rappeler que les avocats du FLN sont suivis dans un dossier du premier ministre [3] « les avocats félons »… « ces hommes dont le président Patin n’a cessé de dire qu’ils trahissaient ». Nicole Dreyfus se réclame des valeurs de la Révolution française ; celles de Robespierre sont en effet imitées par le FLN ; au 19ème siècle en revanche, les valeurs de la colonisation relèvent d’une idéologie républicaine (V.Hugo, J.Ferry, L.Blum).
  • plusieurs témoins ( Nallet, Rambaud, Bonnardot, Alleg, Pouillot) font état des tortures, des viols et des exécutions sommaires à grande échelle dont ils ont été témoins ou victimes. Mais suivant les errements de Patrick Rotman, aucun de ces témoignages n’est recoupé. Le cas d’Henri Alleg, en particulier, mérite d’être souligné. Massu affirme [4] qu’Alleg a reçu une paire de giffles de la part du capitaine Faulques. Me Badinter, défenseur de l’Express devant la 17ème Chambre correctionnelle (14 avril 1970), a reconnu que les sévices sur Alleg et Audin ne pouvaient être imputés à Faulques.

Quant au professeur Pierre Michaux de la faculté de médecine d’Alger, qui eut à étudier le dossier Alleg, il observe que la plainte a été retirée et il conclut : « Alors de deux choses l’une, ou Alleg a menti et n’a jamais eu de brûlures électriques ou bien, ce qui n’est pas non plus à son honneur, il aurait eu peur d’une simple petite biopsie cutanée pour faire la preuve de l’origine électrique de sa cicatrice ». Le pourvoi d’Alleg a d’ailleurs été rejeté par la Cour de Cassation le 10 août 1960.

D’autres approximations ou erreurs historiques, reprises dans le documentaire, doivent être corrigées :

- il n’y avait pas d’apartheid en Algérie, mais un certain complexe de supériorité, tempéré par des relations de confiance employeur-employé, confirmées par l’accueil que les anciens colons reçoivent aujourd’hui en Algérie,

- la scolarisation, rejetée initialement comme l’école du diable, a notablement prospéré après 1920, pour atteindre 15% en 1954, 40% en 1960 et 68% en 1961,

- les pouvoirs spéciaux, votés par le parti communiste le 12 mars 1956, donnaient des pouvoirs de maintien de l’ordre aux autorités civiles (et non militaires) et promouvaient des réformes sociales,

- l’assignation à résidence a été légalisée par la loi sur l’état d’urgence du 3 avril 1955, confirmée par l’Instruction du 7 juillet,

- la généralisation de la torture a été démentie par les délégués suisses du CICR (plus de 400 rapports) qui estiment son taux à environ 20% des internés ; quant au colonel Trinquier, il était formellement opposé à l’emploi de la torture (témoignages Messmer, professeur Dabezies et général Jacquinet)

- la liste des disparus de la bataille d’Alger établie par Paul Teitgen a été démentie par le colonel Godard et mise en doute par l’historien Pervillé ; le ministre Edmond Michelet déplore la déclaration de Teitgen au procès Jeanson, et Michel Debré constate que son récit est mensonger, sa conduite n’est pas admissible et ses propos non tolérables,

- à l’audience de 1967 qui reconnaît la mort suspecte de Maurice Audin, Edmond Michelet n’est plus Garde des sceaux depuis six ans,

- la témoignage de Pouillot sur la villa Sesini en 1961-62 est un faux ; le Commissaire Le Cornec et le commandant d’unité de Pouillot en 1962 (le capitaine Guy Hardy) le démentent totalement.

La diffusion du débat « l’éternelle déchirure » devrait susciter d’autres commentaires.

Maurice Faivre, le 12 février 2011


[1] un film « la valise ou le cercueil » serait en préparation. Souhaitons qu’il bénéficie de la même attention des médias

[2] Pierre-Vidal Naquet. L’affaire Audin. Ed.de Minuit.1958. Sous sa direction, cinq comités publient un memorandum Audin « Nous accusons », qui dénonce de multiples exactions, tortures, génocides, arrestation d’avocats. Le professeur Richet écrit que certains faits sont douloureux, mais que le memorandum contient des absurdités. Les procureurs étudient le document et concluent : aucune trace, non-lieu, classé sans suite, affaire inconnue. La Justice militaire poursuit cependant quelques affaires.

[3] fonds privé Debré 2DE 14-22. Maurice Patin préside la Commission de Sauvegarde du droit et des libertés.

[4] général Massu. La vraie bataille d’Alger. Plon, p.246. Grâce à cet interrogatoire, le secrétaire du PCA André Moine a pu être arrêté et condamné à 20 ans de réclusion pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Amnistié en 1962, il est devenu animateur de la FNACA.

Voir en ligne : http://www.clan-r.org/portail/Mauri...

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