Nous apprenons la démission du HCR de Madame Andrée Montéro.
Hommage à la Mémoire d’un patriote, le capitaine Rabah Kheliff
A Lyon on l’appelait le capitaine Rabah Kheliff. Né en Kabylie, ancien enfant de troupe, ce fils d’officier français s’engagea en 1951, à 18 ans, pour combattre pour la France en Indochine. Il est décédé le 3 novembre (2003). Il n’avait que 70 ans. Il était le créateur et le président de l’Union nationale des Anciens combattants français musulmans (UNACFM). Dès sa mise à la retraite de l’armée, il s’était consacré à la défense des droits de ses camarades de combat Français musulmans, souvent désarmés, devant une administration tatillonne et ingrate. Nous espérions le voir triompher, une fois de plus, du mal terrible qui le rongeait.
Il était sorti tant de fois sain et sauf des champs de bataille, en particulier à Dien Bien Phu, dont il revint miraculeusement, et en Algérie.
Il a été présent jusqu’à son dernier souffle aux côtés des anciens combattants et harkis qu’il a défendus de toutes ses forces et n’hésitait pas à intervenir aux plus hauts niveaux pour apaiser leurs souffrances. Il avait tenu à organiser lui-même la journée nationale du 25 septembre dernier à Lyon en hommage à leur tragique destin. Ce fut une journée mémorable à laquelle, épuisé, il n’avait pu assister. Il avait réussi à obtenir du président de la République que le 25 septembre soit célébré tous les ans et sur tout le territoire comme hommage national aux Anciens Combattants Harkis.
Le 5 juillet 1962 à Oran, un des seuls officiers français à oser le faire, il n’avait pas hésité à enfreindre les ordres prescrits. Des ordres écrits (dictés par le gouvernement français de l’époque et relayés par le général Katz, commandant la place d Oran et ainsi « co-responsable » de la tragédie qui endeuilla Oran ce jour là) enjoignaient aux soldats français de ne pas bouger de leur cantonnement quoi qu’il arrive (ordres donnés à tous les officiers qui commandaient les 12 000 soldats, gendarmes et CRS. répartis dans chaque quartier de la ville d’ORAN).
N’écoutant que son sens du devoir, il fit face à l’ALN avec sa compagnie de chasseurs, arrachant des centaines de ses compatriotes européens et musulmans à une mort certaine, sans verser une goutte de sang, juste avec sa fermeté et son courage.
Rabah Kheliff était commandeur de la Légion d’honneur et de l’Ordre national du Mérite.
Profondément croyant, il avait été un des fondateurs de la grande mosquée de Lyon dont il assurait l’indépendance dans un cadre intégralement français. Il disait à qui voulait l’entendre qu’il était français d’abord et musulman ensuite, et s’opposait à tous ceux qui, sous prétexte de double nationalité, se considèrent chez nous en simple subsistance. Nous garderons en mémoire son imposante silhouette, sa légendaire bonté, sa sagesse, son mépris du danger, son sens du devoir et son patriotisme. C’était un sage et un juste.
Le 6 novembre, une foule innombrable d’amis de toutes confessions se pressait devant son cercueil, une foule triste et digne, à l’image de celui qu’elle pleurait. Ses camarades anciens combattants étaient là, groupés derrière les drapeaux tricolores, en présence de nombreuses autorités locales et même nationales. La prière des morts fut bouleversante, elle ressemblait à toutes les prières des défunts. C’était l’entente et la concorde que Rabah Kheliff espérait et prônait à toutes occasions de son vivant. Et je me laissais aller à rêver, je nous voyais tous et toutes là-bas, à Alger, avant le 1er novembre 1954, toutes origines confondues, unis et conscients qu’il restait une grande œuvre française à terminer, une communauté à faire entrer dans ce 21e siècle qui s’annonçait.
* NB à partir de l’allocution de Boris Khan, Président du cercle algérianiste de Lyon (en novembre 2003).
Le témoignage du lieutenant Rabah KELIFF :
le 5 juillet 1962 à ORAN
voici comment Rabah Kheliff (capitaine) racontait son action le 5 Juillet 1962 à Oran, il y a quelques années sur France Culture : (extraits)
"Je commandais la 4e Compagnie du 30ème BCP (Bataillon de Chasseurs portés) et ayant des renseignements, comme tous mes camarades, alors que j’étais le seul officier FSNA
(Français de souche nord africaine), disions-nous à l’époque, dans cette unité de chasseurs.
Ayant eu des renseignements qui m’affirmaient que les membres du FLN et des fanatiques « ramassaient » dans Oran et sur les routes les Pieds-noirs et bien sûr les Musulmans qui étaient pro-français, pour les amener dans des camions et les abattre ou les égorger, avant de les jeter en masse dans le Petit Lac, qui, paraît-il, actuellement serait cimenté.
J’ai téléphoné au colonel commandant le secteur qui était mon patron hiérarchique le plus élevé et à son adjoint. Le commandant m’a dit : "Khellif je comprends très bien ce que vous ressentez, je vous laisse faire selon votre conscience, mais attention ! Je ne vous ai rien dit." J’ai considéré cette réponse comme un feu vert et un encouragement. J’ai alors embarqué la moitié de ma compagnie et je me suis dirigé vers un des points de regroupement, qui se trouvait devant l’ancienne Préfecture à Oran et là effectivement, j’ai vu, d’un part une colonne, colonne par trois ou quatre, de femmes, d’enfants, de vieillards pieds-noirs, des centaines, qui étaient gardés par la valeur d’une section du FLN et qu’on s’apprêtait à embarquer pour une destination inconnue.
Devant la Préfecture, il y avait un planton. Je demande à ce planton où se trouve le Préfet. Il m’a montré un monsieur, petit, costaud, chéchia rouge qui grimpait les escaliers de la Préfecture. J’ai donc en trois enjambées rejoint ce Préfet et je lui ai dit :’ "Monsieur le Préfet, je vous donne trois minutes pour faire libérer tous ces gens-là. Sinon, je ne réponds plus de rien." Le Préfet en question n’a pas répondu, il est redescendu avec moi et il a été voir le patron de la section du FLN. La palabre n’a pas duré longtemps. Les gars du FLN sont montés dans leur camion, sont partis.
Le Préfet est venu avec moi " c’est fait mon lieutenant ", et a dit aux gens terrorisés : " Mesdames, Messieurs vous êtes libres, vous pouvez rentrer chez vous ".
Le Préfet est venu et m’a dit : « Je reverrai toujours cette scène hallucinante de femmes d’enfants et de vieillards qui pleuraient, poussaient des cris hystériques, courant, tombant les uns sur les autres… »
Puis j’ai installé des patrouilles sur les axes routiers qui menaient au port ou à l’aéroport, car j’ai appris qu’on arrêtait les gens qui fuyaient, qu’ils soient musulmans ou européens d’ailleurs. C’était la population ou des gens armés ne faisant même pas parti de l’ALN, qui les arrêtaient, les volaient, les tuaient. J’ai donc mis des contrôles pour éviter cela et je les arrachais littéralement aux mains de la population. Au risque de ma vie, souvent, je les escortais jusqu’au port, parfois seul dans ma Jeep, avec simplement mon chauffeur et mon garde du corps. J’ai fais cela en ayant le sentiment de ne faire que mon devoir."
NB Le Capitaine Kheliff n’a jamais pu revoir son pays natal, ni les survivants de sa famille restés en kabylie.
Voir en ligne : http://www.clan-r.org/portail/Homma...