Algérie-France : des excuses pour avoir crypté TPS !

, par  MORA , popularité : 7%

Indiqué par Jacques TORRES

Le Quotidien d’Oran

Après quatre jours de visite en Algérie, trois heures d’entretiens avec Abdelaziz Bouteflika, un dépôt de gerbe de fleurs, un tour à Djanet et un bâillement à Tipaza, le président de l’Assemblée française, Jean-Louis Debré, a compris qu’il n’y a pas mieux qu’un café indigène pris avec des autochtones pour bien comprendre.

La bonne vieille méthode du « contact » direct et du partage de l’aliment reste encore le meilleur moyen de s’informer lors d’un safari, d’une visite officielle ou d’un circuit de tourisme.

On comprendra alors que, farci d’un long discours sur le traité d’amitié, les prochaines présidentielles françaises et leur impact sur l’Algérie, la loi du 23 février et ses effets toxiques sur la mémoire, les visas et la nécessité de relancer les investissements, Debré s’est un peu senti fatigué, un peu roulé au point de décider brusquement de prendre un café au beau milieu d’Alger, dans un café algérois, avec des Algériens vivants qui ne descendent pas de la révolution mais de leur propre parents.

Loin de ce discours de musée qui fait office de négociation post-Evian qui dure entre les deux pays depuis qu’ils ne sont plus un seul pays à deux collèges et à deux niveaux, les premiers Algériens - des étudiants, selon la dépêche AFP - ont expliqué à Debré des choses simples, qui peuvent faire un peu honte de loin mais qui, de près, sont totalement compréhensibles, claires et nettement plus concrètes que ce qui a été discuté quatre jours durant et à coups de ministres, d’homologues et de dîners marathon.

Six étudiants, nés de l’indépendance mais incapables de l’arracher à leurs aînés, convertis au réel dans un pays d’histoire au forfait, parlant une langue vivante dans un pays gouverné par des morts ou de gens qui refusent de mourir, coincés dans un pays coincé et connaissant parfaitement la situation, ont expliqué à Jean-Louis Debré, l’officiel français, que ce qu’ils attendent d’abord et surtout, c’était des excuses de la France pour avoir crypté TPS.

Pendant l’heure où Debré aurait parlé de l’Islam et de l’avenir en France et en Algérie, les étudiants algériens lui ont parlé de leurs « difficultés pour poursuivre leurs études et trouver ensuite du travail en Algérie », qui elle-même n’en a pas, et surtout du cryptage de TPS qui a bouclé le pays mieux que lors d’un ratissage, fermé les cieux et éteint le spectacle pour ceux qui ne peuvent pas partir et pour qui TPS est déjà un moyen de voyager.

La plainte de ces Algériens exprime celle des millions d’autres, au point d’en être pathétique et lourdement tragique : les Algériens ne demandent même plus le visa mais seulement le droit de regarder, de loin, sans toucher ni déranger. Ils ne veulent pas être délivrés par le GIGN mais seulement aidés à ne plus vivre comme otages de l’ENTV. Ils ne demandent pas la lune mais seulement un satellite gratuit pour supporter le réel facturé.

Il y a là un véritable message dans une bouteille de naufragés coincés entre la télé-islamisme moyen-orientale et l’impossibilité de fuir la propagande nationale. C’est une question vitale, soumise à un grand officiel français et à l’occasion d’un pur hasard de son emploi du temps. Pour une fois donc, ce sont les « pirates » qui demandent de l’aide à un homme qui a traversé la mer pour prendre un café avec eux.

Pour les collectionneurs de preuves de la tragédie nationale, il y a là un plus par rapport à la dose que promène le procès de Khalifa. Les Algériens sont prêts à négocier le dossier de l’immigration clandestine, le droit au visa et le traité d’amitié, s’il se traduit pas des cartes gratuites ou des codes pirates de TPS.

Vue à travers quarante ans de discours ultra-nationaliste, une telle demande est presque une sorte d’aveu de misère et un lamentable infantilisme.

Mais analysée du point de vue de la démocratie du plus grand nombre, ces six étudiants n’ont fait qu’exprimer les attentes du plus grand parti politique algérien, celui des zappeurs.
Ce qu’ils ont demandé à Debré en fin de compte, c’est le droit de se divertir d’eux-mêmes, entre la difficulté de poursuivre des études et celle de trouver du travail ensuite.

La conclusion ? Debré aurait donc dû commencer par un café algérois pour gagner du temps !

Kamel Daoud
Le Quotidien d’Oran - 24/01/2007

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