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Sans aucun commentaire, je vous livre le texte de la proposition de loi, en un article unique, déposée le 29 avril 2010 à la Présidence de l’Assemblée nationale.
Elle a été cosignée par les Députés Thierry Mariani, Michel Voisin,Lionnel Luca, Claude Goasguen et Thierry Aboud, cette proposition de Loi est la suivante :
[bleu marine]"La France reconnaît les souffrances subies par les citoyens français d’Algérie, victimes de crimes contre l’humanité commis du 19 mars 1962 au 31 décembre 1963, du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique".[/bleu marine]
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N° 2477
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
TREIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 29 avril 2010.
PROPOSITION DE LOI
visant à établir la reconnaissance par la France
des souffrances subies par les citoyens français d’Algérie,
victimes de crimes contre l’humanité du fait
de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique,
(Renvoyée à la commission de la défense nationale et des forces armées, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)
présentée par Messieurs
Thierry MARIANI, Michel VOISIN, Lionnel LUCA,
Claude GOASGUEN et Élie ABOUD,
députés.
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EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 19 mars 1962, le Gouvernement français signait avec le FLN seul, et non avec les représentants des différentes communautés algériennes ou avec ceux des autres partis, autonomistes ou indépendantistes, un cessez-le-feu dit « accords d’Évian ».
Ces « accords » prévoyaient :
– L’indépendance
– Le retrait des autorités françaises des trois départements français, Alger, Oran et Constantine.
En réalité, il ne s’agissait pas d’accords au sens juridique du terme, le mot ne figurant nulle part dans le texte.
Il ne s’agissait que d’une déclaration d’intention qui ne définissait pas les droits et obligations des deux parties ni ne prévoyait de sanction si les « intentions » n’étaient pas suivies des faits.
D’ailleurs, le GPRA (Gouvernement provisoire de la République d’Algérie), réuni à Tripoli, refusa d’entériner le texte.
Dès la fin du mois de mars 1962, les fonctionnaires et représentants de l’État (police, gendarmerie, postes, administration fiscale, etc.) commencèrent à se retirer des villes et villages de l’intérieur du pays.
Face à ce vide administratif et en l’absence de forces de l’ordre, le pouvoir dans chaque ville ou village évacué par les autorités françaises fut pris soit par des groupes de l’ALN, soit par des groupes souvent violents se réclamant la plupart du temps du FLN.
Les musulmans, notables, anciens combattants et en général ceux qui avaient participé d’une façon ou d’une autre à l’administration du pays, par exemple comme fonctionnaires, furent rackettés, arrêtés, torturés, forcés de céder leurs biens, le plus souvent tués et leurs filles violées ou mariées de force.
Il en alla de même pour les européens habitant à l’intérieur du pays, soumis dès lors à la terreur et notamment à la pratique systématique de l’enlèvement. Les hommes, femmes et enfants enlevés qui ne firent pas l’objet de rançons étaient systématiquement tués.
Ceux qui étaient enlevés lors des attaques menées par les groupes se réclamant du FLN étaient souvent enfermés dans des camps tenus par des responsables du FLN où ils étaient l’objet de mauvais traitements et tortures, soumis au travail forcé pour les hommes, violées et transformées en esclaves sexuels pour les femmes et les jeunes filles ; les survivants de ces camps sont peu nombreux, la plupart furent assassinés.
À noter que ces camps de détention furent installés dès avril 1962 sur un territoire qui était français sous les yeux des autorités françaises.
Ces enlèvements, tortures, viols, meurtres pillages constituent des crimes contre l’humanité au sens :
– Du code pénal français :
« La déportation, la réduction en esclavage ou la pratique massive et systématique d’exécutions sommaires, d’enlèvements de personnes suivis de leur disparition, de la torture ou d’actes inhumains, inspirées par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux et organisées en exécution d’un plan concerté à l’encontre d’un groupe de population civile sont punies de la réclusion criminelle à perpétuité. Les deux premiers alinéas de l’article 132-23 relatif à la période de sûreté sont applicables aux crimes prévus par le présent article ». (Article 212-1)
– Du Traité de Rome instituant la Cour Pénale Internationale :
L’article 7 définit onze actes constitutifs de crimes contre l’humanité, lorsqu’ils sont commis « dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique dirigée contre toute population civile et en connaissance de l’attaque » : meurtre ; extermination ; réduction en esclavage ; déportation ou transfert forcé de population ; emprisonnement ou autre forme de privation grave de liberté physique en violation des dispositions fondamentales du droit international ; torture ; viol, esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable ; persécution de tout groupe ou de toute collectivité identifiable pour des motifs d’ordre politique, racial, national, ethnique, culturel, religieux ou sexiste, ou en fonction d’autres critères universellement reconnus comme inadmissibles en droit international, en corrélation avec tout acte visé dans le présent paragraphe ou tout crime relevant de la compétence de la Cour ; disparition forcée de personnes ; crime d’apartheid ; autres actes inhumains de caractère analogue causant intentionnellement de grandes souffrances ou des atteintes graves à l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale ».
– Des Traités et Conventions signées sous l’égide des Nations Unies depuis 1945 :
– L’article 6-C du statut du Tribunal militaire international de Nuremberg (Charte de Londres, 8 août 1945, résolution de l’ONU du 13 février 1946), dans le droit positif français, définit crimes contre l’humanité comme : « L’assassinat, l’extermination, la réduction en esclavage, la déportation et tout autre acte inhumain commis contre toutes populations civiles, avant ou pendant la guerre ; ou bien les persécutions pour des motifs politiques, raciaux ou religieux, lorsque ces actes ou persécutions, qu’ils aient constitué ou non une violation du droit interne du pays où ils ont été perpétrés, ont été commis à la suite de tout crime rentrant dans la compétence du tribunal ou en liaison avec ce crime. »
– En 1948, une résolution des Nations unies est votée « confirmant les principes du droit international reconnus par le statut de la Cour de Nuremberg ».
– En 1968, la Convention sur l’imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité déclare solennellement l’imprescriptibilité des crimes les plus graves.
– La résolution de l’ONU créant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY Résolution 827) reprend en 1993 la définition du crime contre l’humanité du Statut du tribunal de Nuremberg.
– La même démarche est suivie le 8 novembre 1994 lors de la création du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR – Résolution 955).
– La Convention contre les disparitions forcées, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies le 20 mars 2006 dispose dans son article 5 que « la pratique généralisée ou systématique de la disparition forcée constitue un crime contre l’humanité, tel qu’il est défini dans le droit international applicable, et entraîne les conséquences prévues par ce droit ».
La France est signataire de tous ces instruments juridiques et les a ratifiés.
Il y eut dans l’année suivant le cessez-le-feu du 19 mars 1962, plus d’enlèvements et d’assassinats de musulmans pro-français, de juifs ou civils européens que durant toutes les années de guerre précédentes.
Un mouvement d’exode des européens, des non-arabes et non-musulmans (notamment des membres des communautés juive ou berbère chrétienne) commença.
Dans les zones côtières et notamment autour des villes peuplées en grande partie d’européens (Oran : 230 000 européens ; Alger), les forces de l’ordre françaises restèrent présentes mais n’intervinrent plus pour protéger les populations civiles, indigène (musulmans, chrétiens ou juifs) ou européenne.
Les autorités françaises, tant en Algérie qu’en France, tant militaires que civiles, étaient au courant de ces exactions et persécutions que subissaient les citoyens français du fait de leur appartenance à telle ou telle communauté, notamment définie par la religion (menaces, persécutions, enlèvements, meurtres subis par les chrétiens – européens ou berbères – par les juifs etc.) mais aussi par l’origine ethnique ou l’appartenance politique.
Rien n’a jamais été fait pour protéger les citoyens français habitant en Algérie à l’époque.
Rien n’a jamais été fait pour rétablir la loi et l’ordre.
Rien n’a jamais été fait pour rechercher, arrêter, juger et punir les assassins et violeurs.
Au contraire, des ordres stricts ont été donnés aux forces de l’ordre et à l’armée française pour ne pas intervenir.
Ces exactions, pillages, viols, meurtres, répondaient à une politique concertée visant notamment à faire partir toute la population non-musulmane d’Algérie. Cette politique fut décidée au plus haut niveau de l’appareil du FLN et mise en œuvre partout sur le territoire algérien au fur et à mesure que les représentants du FLN prenaient le pouvoir dans les villes et villages.
L’établissement de camps s’inscrit dans cette logique.
Les massacres d’Oran s’inscrivent aussi dans cette logique.
Ils commencèrent dans la matinée du 5 juillet 1962, le jour officiel même de l’indépendance. Ils prirent fin officiellement le soir, mais dans les centres de détention où avait été rassemblée la population européenne, les tueries continuèrent pendant plusieurs jours.
Une fois obtenue la neutralité des forces françaises qui étaient cantonnées dans les casernes de la ville et dans le port, des unités militaires du FLN accompagnées de civils venant de l’intérieur du pays se répandirent dans tous les quartiers d’Oran, entrant dans les lieux publics (postes, restaurants, etc.), pillant les magasins et entrepôts, forçant les portes des appartements, rassemblant les habitants non-musulmans désarmés, les emmenant dans des commissariats ou d’autres centres de détention (comme les Abattoirs d’Oran), les tuèrent ou les livrèrent à la foule qui lyncha, après les avoir torturés, ceux qui lui étaient livrés.
Policiers et soldats français observaient les tueries, qui avaient lieu parfois à quelques mètres de leur casernement, sans qu’aucun d’entre eux ne soit intervenu.
Les jours qui suivirent, la population d’Oran – qui était en majorité européenne – s’exila et quitta le pays, abandonnant tous ses biens.
Le nombre de victimes du massacre d’Oran se compte en milliers de morts, hommes, femmes et enfants.
Il s’agissait de terroriser et faire fuir du pays les habitants de la plus grande ville européenne après Alger.
De la même manière, les massacres, moins spectaculaires, commis dans l’Algérois et le Constantinois aboutirent à l’exil des populations non musulmanes, le gouvernement français s’étant opposé au rapatriement des harkis et de leurs familles.
Les européens, prêts à vivre sur le territoire d’une Algérie indépendante, renoncèrent alors.
En quelques semaines, ce sont plus d’un million de non-musulmans qui fuirent le pays victimes de la stratégie d’épuration ethnique pratiquée par le FLN. Cette politique, fondée sur le programme nationaliste des années 30, qui consistait à prôner une Algérie indépendante et uniquement arabo-musulmane, fut mise en œuvre sciemment par une politique de terreur systématique (attentats visant des civils dans des lieux publics, enlèvements, massacres, etc.).
Ces exactions ont eu lieu dans un pays qui n’était plus en guerre depuis les accords d’Évian : au cours de cette période, il n’y a plus aucun combat signalé entre forces françaises et troupes du FLN.
En revanche, les forces françaises s’attèlent à désarmer les groupes d’auto-défense harkis ou européens constitués pour parer les attaques menées depuis des années contre les civils
Les musulmans pro-français restés sur place, soit parce qu’ils avaient confiance dans les déclarations de fraternité des nouvelles autorités, soit parce que les autorités françaises les avaient empêchés de fuir, furent massacrés dans une vaste opération d’élimination qui commença après les accords d’Évian et se poursuivit longtemps après l’indépendance.
Les spécialistes estiment à cent mille les victimes de ces massacres commis sur des populations désarmées, hommes, femmes et enfants, tous assassinés dans des circonstances atroces, torturés, énuclées, émasculés, amputés, déchiquetés, brulés vifs.
Le caractère réfléchi et prémédité d’une telle politique d’élimination fondée sur des critères religieux, ethniques et politiques ressort aussi du fait que les persécutions continuèrent pendants des mois après l’indépendance proclamée le 5 juillet 1962, jusqu’à la disparition complète de la population européenne, de la population juive et des populations berbères ou arabes chrétiennes, leurs biens confisqués, leurs cimetières détruits, les traces historiques de leur présences anéanties, y compris les temples juifs, protestants et les églises.
Les massacres, enlèvements, viols et assassinats continuèrent jusqu’au départ des derniers juifs et européens, au moins jusqu’en décembre 1963.
Les dépouilles des victimes se trouvent dans des charniers situés à l’emplacement des camps et des lieux de détention.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
La France reconnait les souffrances subies par les citoyens français d’Algérie victimes de crimes contre l’humanité commis du 19 mars 1962 au 31 décembre 1963 du fait de leur appartenance ethnique, religieuse ou politique.
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