Présentation de Tire-toi de mon Soleil

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Le roman :

Mers-el-Kébir. Guerre d’Algérie. Assassinat atroce d’une jeune femme et de ses trois enfants. Les fellaghas ! Vengeance, représailles. Pour l’inspecteur Miranda, ce n’est pas parce que les « événements d’Algérie » font chaque jour des dizaines de morts atroces, qu’à Evian le gouvernement français est en train de négocier l’abandon de l’Algérie, que tout le monde se fiche de son enquête, qu’il ne va pas faire son travail : trouver les tueurs, les arrêter, parce que c’est son boulot, de traquer des assassins, quels qu’ils soient, ceux-là comme les autres… Le récit rencontre un capitaine de paras laminé par des années de guerre sale, qui ne sait plus où est son devoir, un commandant FLN qui ne veut pas que les marsiens lui volent sa victoire, une poseuse de bombes retournée, écartelée entre son amour et sa toute jeune patrie, un lieutenant de harkis à la poursuite de l’assassin de son père, un officier de légende, traître à sa mission, mais l’est-il à son pays ?, et une galerie de petits pieds-noirs et d’arabes qui ne peuvent que subir, comme toujours.

Les « événements d’Algérie » défilent, racontés avec pudeur : massacre de pieds-noirs rue d’Isly, à Alger, massacre de harkis, dans le bled, exode des européens, 5 juillet à Oran. Une histoire méconnue des derniers mois de la guerre d’Algérie, honnête, sans idéologie, sans intérêt partisan, et un roman que vous ne quitterez pas avant la dernière page.

Sujets et intérêt de « Tire-toi de mon soleil » :

Le roman, et l’intrigue policière qui sert de fil conducteur, habillent une histoire enfin honnête et sincère de la fin de la guerre d’Algérie (des accords d’Evian à la proclamation de l’indépendance, mars à juillet 1962), telle qu’elle a été vécue par ses protagonistes, et non pas telle qu’elle a été abondamment revue et corrigée de Paris ou d’ailleurs, à travers des prismes d’idéologie ou d’intérêt. « Tire-toi de mon soleil » raconte ce qui s’est réellement passé en Algérie pendant cette période : pourquoi des dizaines de milliers de harkis ont été massacrés, pourquoi près d’un million de pieds-noirs ont quitté en quelques semaines l’Algérie, comment plus de cent mille arabes et plusieurs milliers de pieds-noirs ont été les victimes collatérales d’une guerre pour le pouvoir qui ne les concernait pas vraiment, pourquoi des responsables du FLN ont suscité, et les autorités françaises ont laissé se commettre, des atrocités qui marquent la France et l’Algérie d’une tache qui ne s’estompera que lorsqu’on voudra enfin accepter de prendre la vérité pour ce qu’elle est.

Pourquoi et comment lire « Tire-toi de mon soleil » ?

Au premier abord, « Tire-toi de mon soleil » est un roman policier, son intrigue est solide, prenante. Tous les ingrédients du genre s’y trouvent, jusqu’au rebondissement final. Vous pourrez aussi bien lire « Tire-toi de mon soleil » à la plage, dans les transports en commun, dans votre lit, au restaurant entre deux plats.

Vous pourrez aussi prendre du temps pour le lire avec plus d’attention. Le contenu de « Tire-toi de mon soleil » est suffisamment dense pour qu’on s’y arrête, qu’on approfondisse les épisodes et les personnages historiques décrits par l’auteur, qu’on complète par la lecture d’ouvrages historiques factuels ou polémiques sur la guerre d’Algérie. Même en cherchant la petite bête, vous aurez du mal à trouver dans « Tire-toi de mon soleil » des phrases ou des paragraphes inutiles.

Mais vous pourrez pousser encore un peu plus loin. L’auteur a manifestement mis dans « Tire-toi de mon soleil » beaucoup de lui-même, de son expérience et de ses expériences. Le roman apporte son lot d’interrogations qui en valent bien d’autres, et il propose aussi des réponses : jusqu’à quel point la finalité justifie-t-elle la real politique ? N’y a-t-il pas une relation entre les problèmes que l’Algérie rencontre aujourd’hui, et les conditions de son indépendance ? La France ne souffre-t-elle pas aujourd’hui plus que jamais du syndrome de la guerre d’Algérie ?… Mais aussi : l’amitié peut-elle transcender la guerre ? Qu’est-ce qui fait d’un homme normal un massacreur de femmes et d’enfants, et sa rédemption est-elle possible ?... Et encore : qu’est-ce qui fait de vous un étranger là où vous êtes né ?...

Bref, un vrai roman, du contenu, des personnages de chair, une documentation solide, un angle de vue nouveau, en tous cas en ce qui concerne cette période mal connue ( et pour cause) de la fin de la guerre d’Algérie, une approche loin des conventions sommaires ou manichéennes rebattues par les « Coup de Sirocco » et sa caricature de Pieds-Noirs, « Avoir 20 ans dans les Aurès, « Les Années de braise » ou plus récemment « l’Ennemi intime »... Et une histoire qui s’adresse à tous les Français et à tous les Algériens d’aujourd’hui.

Extraits :

Il faisait encore nuit. Le bébé dormait avec sa mère. Il s’était réveillé, s’était mis à pleurer. Il avait faim. La mère lui avait donné le sein et emmené à la cuisine pour qu’il ne réveille pas son frère et sa sœur. Elle les avait entendu approcher, chuchoter en arabe, et elle avait tout de suite compris. Elle avait réveillé avec d’infinies précautions ses deux petits et les avait aidés à sauter par la fenêtre de la chambre. Elle était restée avec le bébé – elle savait ce qui allait arriver, les journaux étaient remplis des atrocités des fells –. Courez, mes chéris, sauvez-vous. Maman vous aime très fort. Si au moins les deux petits étaient épargnés…

Kader se demanda quel âge Moïse pouvait avoir, maintenant, quinze, seize ans tout au plus ? Il essaya de lui sourire, comme il le faisait quand il le croisait dans la rue, c’était un gentil gosse, Moïse. Mais Moïse le regardait avec des yeux remplis de haine. Kader n’entendit même pas la détonation. Il mourut dans la gêne de ce regard qui n’était pas encore celui d’un homme…

Si Mers-el-Kébir était devenu un grand port, le premier port de guerre, et un des premiers ports de pêche de la Méditerranée, les arabes n’y étaient pour rien. Et maintenant il y avait un gros village, une église, et pas de mosquée, une mairie avec un cadastre et des droits de propriété, des vraies maisons et pas des gourbis, un cinéma, une salle des fêtes, des routes larges avec des trottoirs plantés d’orangers, des tractions et des 4CV, et pas de carrioles avec des bourricots, et un beau cimetière tout blanc, avec des tombes en marbre, des statues de saints souriant au bon Dieu, et vue sur la mer, tellement beau et paisible que Batiste n’imaginait même pas qu’un jour, quand son tour viendrait, il pourrait être enterré ailleurs, loin de ses morts...

Depuis Mao et les Viets, ce qui marche, c’est la guerre psychologique, l’adhésion des masses, comme on explique à l’école de guerre. Un concept bien propre, bien hypocrite pour une réalité bien dégueulasse : parce que le système le plus efficace pour faire adhérer les peuples, le plus facile à mettre en œuvre, ce n’est pas la dialectique, la persuasion, l’appel à la raison et à l’intelligence, ce serait trop long et trop compliqué. Ce qui marche, qui est à la portée du premier candidat libérateur venu, c’est la terreur, l’immonde terreur qui fait chier les masses populaires dans leur froc. Quand tu fous la trouille aux gens, et il n’y a rien de plus facile, il n’y a pas besoin d’être très doué, tu leur fais faire ce que tu veux. Les Viets ont ouvert la voie de la terreur moderne, les arabes ont perfectionné le truc...

Nous savons tous, et De Gaulle ne peut pas l’ignorer, que le FLN veut installer un régime islamiste en Algérie. Ça veut dire la charia, la prière obligatoire, tout le monde tête en bas et cul en l’air, femmes recluses, nos idéaux démocratiques et notre civilisation piétinés, cent trente ans de labeur et de souffrance balayés, et au bout, le départ inexorable des européens et des juifs. Eh bien De Gaulle a lâché sur ça aussi… Le FLN sera le maître absolu. De Gaulle a signé la fin des Pieds-Noirs, le malheur des Algériens, et la honte de la France !...

l’ALN ne s’est pas battue pour que les Français et les Juifs gardent les meilleures places, des centaines de milliers de martyrs ne sont pas morts pour que les compagnies pétrolières françaises continuent à nous voler notre pétrole, et le peuple souverain ne s’est pas sacrifié pour que la marine française de Mers-el-Kébir nous surveille comme si nous étions des enfants ! Non, non, et non. Ce n’est pas ça, l’indépendance. Moi, en tout cas, de cette indépendance-là, je n’en veux pas...

L’Algérie est une terre d’Islam. L’Algérie ne sera pas un pays libre tant que des Français et des Juifs en fouleront le sol et prieront dans leurs églises et leurs synagogues. Ils ne sont pas chez eux. Il faut qu’ils partent, et nous les chasserons… Quant aux traîtres qui se sont vendus à l’ennemi, aucun patriote n’acceptera ni qu’ils s’en aillent, ni que leurs pas continuent de souiller notre terre sacrée. Pour eux, il n’y aura que la justice du sang versé...

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