Le Front Algérien D’Action Démocratique et Matignon

, par  Jean Claude THIODET ✞ , popularité : 11%

Article communiqué par le docteur J.C.PEREZ

Comme tous les écrits de J.C. PEREZ ce document est instructif et documenté.

On apprend les pourparlers engagés dès 1958 entre l’Elysée et Matignon, dans le but de larguer l’Algérie après avoir éradiqué les opposants au GPRA, seuls interlocuteurs valables. On comprend pourquoi l’épisode Si Salah, la paix des braves a eu l’épilogue que nous savons.

Il fallait en fait, anéantir l’ OAS et les forces intérieures du FLN et faire rester le maximum de Pieds Noirs.

Contribution à l’étude du pourquoi et du comment de l’assassinat de la France Sud Méditerranéenne (Evian 18-19 mars 1962)

A PROPOS DE TRAITRES, CONSCIENTS OU NON :
JE PENSE A CEUX QUI NOUS REPROCHENT D’AVOIR REFUSE L’ALLIANCE AVEC LE F.A.A.D

(Front Algérien d’Action Démocratique, « mouvement » qui a pris la suite du MNA, de Messali Hadj, Mouvement National Algérien)

TOUT D’ABORD,

un rappel sur la mouvance Messali Hadj

1. Le PPA, Parti du Peuple Algérien, dissous en 1939, réapparu en 1943 grâce à De Gaulle, dissous en 1945 après le 8 mai, date des évènements de Sétif.

2. Le MTLD, Mouvement pour le Triomphe des Libertés Démocratiques, à partir de 1946 jusqu’en 1954. Dissous après la Toussaint Rouge.

3. Le MNA, Mouvement National Algérien, clandestin, théoriquement concurrent du FLN.
Tous ces mouvements, sans exception, furent constamment contrôlés par les services secrets français et les différentes polices françaises. Messali était tenu en mains par l’ensemble de nos services et polices, compte tenu de ses relations avec l’hitlérisme, tout particulièrement pendant la guerre de 1939/1945. Compte tenu de ses accointances avec Otto Abetz et la Commission d’Armistice germano-italienne qui exerçait son contrôle à Alger, à partir de 1940 jusqu’à 1942.

4. Le FAAD (Front Algérien d’Action Démocratique), est apparu « sur le marché » comme par enchantement, en 1961. Force dite d’opposition au FLN dans le but de faire échapper théoriquement l’Algérie à la « dictature » du FLN.

Le FAAD était dirigé en théorie, depuis le Cabinet du premier ministre. En réalité, il était commandé par le chef, en Algérie, de la Sécurité Militaire gaulliste qui agissait en étroite collaboration avec le commandant FLN de la ZAA.


ENSUITE,

lorsque l’on se penche, en s’efforçant de rester sérieux, sur cet organisme appelé Front Algérien d’Action Démocratique, on est frappé par quelque chose d’assez inattendu.

Par le rôle que l’Hôtel Matignon a tenu, comme s’il avait voulu donner l’impression qu’il jouait contre l’Elysée à propos du devenir ultime de l’Algérie française.

On est frappé aussi du rôle qui fut celui de l’Elysée : tout s’est passé comme si on avait voulu laisser s’amuser les gens de Matignon.

Car on était convaincu à la Présidence de la République, que les états d’âme et les desiderata de Matignon, à supposer qu’ils fussent sincères, n’auraient pas la plus petite influence sur le cap rigoureux que suivait la politique élyséenne : l’abandon de l’Algérie française, en soumission au GPRA, avec comme préalable la destruction de toutes les organisations du FLN de l’intérieur, ainsi que les structures militaires ou paramilitaires françaises qui pourraient gêner l’action du GPRA.

Car pour l’Elysée c’est en faveur du GPRA et du FLN de l’extérieur, qu’il fallait agir exclusivement.

Le cap était rigoureux : abandonner l’Algérie : Oui. Mais, avant tout, éradiquer les opposants au GPRA d’où qu’ils vinssent.

Anéantir l’OAS en toute priorité. Et surtout, faire rester le maximum de Pieds Noirs en Algérie.

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Il semble, selon toute apparence, exagérément entretenue, que l’existence du FAAD ait été ignorée jusqu’au 19 mars 1962, parmi ceux qui étaient chargés de rendre effective la mort de l’Algérie française. Citons, parmi les principaux :

-  Louis JOXE, ministre d’État, chargé des affaires algériennes, qui ne dépendait que du général De Gaulle.
-  Abderrhamane Farès,

(document provenant de l’INA partie publique)

président de l’Exécutif Provisoire qui dépendait de Louis JOXE d’une part et du GPRA d’autre part. Farès avait manifesté son adhésion au GPRA dès la naissance officielle de ce dernier, le 18 septembre 1958. C’était lors de sa présentation à la presse internationale, au Caire, par Ferhat Abbas le 18 septembre 1958.

Il ne faut jamais oublier que Farès était présent, comme représentant officieux de De Gaulle, à l’entrée en fonction officielle du GPRA. 18/09/58, 10 jours avant le référendum maudit.

Farès était aussi le porte-parole officieux de Georges Pompidou, alors que celui-ci occupait les fonctions de Chef du Cabinet du Général De Gaulle.

Georges Pompidou, le rédacteur du DOCUMENT : le très important document Pompidou qui regroupait tout l’échelonnement des manœuvres qui allait permettre d’aboutir à des négociations avec l’ennemi, c’est-à-dire le FLN. Négociations entre l’Elysée et l’Organisation Extérieure de la Rébellion Algérienne d’abord, et le GPRA ensuite.

Cette deuxième partie des négociations s’effectuant par l’intermédiaire du chargé de mission clandestin qu’était Farès, le pèlerin de Montreux. Document Pompidou qui était déjà préparé dès le début de l’été 1958 comme un guide de la liquidation de l’Algérie française.

En réalité, ce « vecteur négociation-abandon » partait de l’Élysée vers l’organisation extérieure de la rébellion, puis vers le GPRA. Son sens, au sens le plus mécanique du terme, était rigoureux.
Le Matignon de Michel Debré n’était pas situé sur son trajet : nous précisions encore, sur le trajet, c’est-à-dire sur le vecteur qui de De Gaulle était orienté vers le GPRA, via Farès.

Il ne faut pas s’étonner outre mesure si Matignon a pu se laisser aller, en apparence, à donner vie à quelques états d’âme, à quelques fantasmes, sous la forme de certains projets supposés, qui semblaient pouvoir contrecarrer la politique élyséenne.

Projets qui cependant, ne gênaient en rien l’Élysée qui s’est contentée de les surveiller et de les contrer en temps voulu par le biais de décisions qui passèrent, théoriquement, par-dessus la tête des hommes de Matignon.

En ce qui concerne le FAAD, et tout particulièrement ses contacts avec un secteur faisandé de l’OAS, ce que nous venons de dire fut couronné, en dernière étape, par l’arrestation du Général Salan, le Vendredi Saint 1962.

Arrestation dont la responsabilité doit être imputée, sans nuances, à Lavanceau, Géronimi et deux responsables de l’OAS. Ces deux derniers, étant très proches du général Salan.

Ils avaient cru, nous dit-on, s’être incorporés à une conjuration « matignonaise », contre l’entreprise élyséenne.

La naïveté, dans cet épisode tragique, est tellement invraisemblable, que j’affirme une certitude : elle constitue en réalité un camouflage très efficace de la trahison. Celle qui naît de traîtres qui s’ignorent, du moins en apparence.

En réalité, une attitude mise en pratique par ceux qui étaient prêts à tout accepter, pourvu que le combat s’arrêtât et qu’une possibilité de sauvegarde fut offerte aux partisans de cette conjuration.
Les pseudo-conjurés qui prétendaient s’allier au FAAD, ne pensaient qu’à une chose : sauver leur peau et participer à l’élimination des gêneurs.

Ceux qui nous reprochent, parfois aujourd’hui encore, d’avoir refusé la main que nous tendait en apparence le FAAD, la main que nous tendait le messalisme à travers le FAAD, s’identifient dans le meilleur des cas, à des ignares, dont on ne peut dire qu’ils étaient bien intentionnés.

Ils étaient prêts, à n’importe quel prix, à vivre dans une Algérie indépendante, dans une Algérie où l’on méprise la France.

La France qui, officiellement, a subi à la face du monde, la victoire du FLN.

Une France gaulliste, qui aurait accepté le cœur léger que quelques centaines de milliers de Pieds Noirs, fussent réduits à la plus odieuse des dhimmitudes. Après avoir accepté la liquidation physique ou plutôt le lynchage de ceux de l’OAS qui ont refusé de s’inclure dans un dispositif qui ne prétendait qu’à garder en Algérie un cheptel de Pieds Noirs, utiles à la vie de l’Algérie.

Je rappelle en synthèse, que le FAAD fonctionnait en Algérie sous le contrôle de celui qui commandait la Sécurité Militaire. C’est-à-dire l’ensemble des services spéciaux qui fonctionnaient sous contrôle exclusif de l’Élysée.

Et surtout, qui agissaient en collaboration étroite, dans le cadre le la lutte anti-OAS, avec le nouveau chef de la ZAA mis en place à Alger après la capitulation du 19 mars 1962.

Un responsable qui n’a pas hésité à déclarer lors d’une interview radiophonique qu’il avait entrepris un noyautage d’une certaine fraction de l’OAS.

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