La vérité commence à surgir concernant le tueur Breivik – Michel Garroté

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Oslo

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Michel Garroté – Le magazine hebdomadaire L’Illustré publie
aujourd’hui jeudi 11 août 2011 un entretien – très révélateur et très éclairant – sur la vraie personnalité et le véritable parcours du tueur norvégien Breivik.

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Robert Habel pour L’Illustré – « Au début, je ne l’ai pas
reconnu et je n’ai pas compris que c’était lui : il n’avait plus le même visage que quand on se connaissait ! J’ai vu ensuite qu’il s’était fait refaire le nez et le menton aux Etats-Unis. Mais je
reconnais encore ses yeux ; son regard est resté exactement le même ». Assise sur la terrasse d’un resto à la mode, à Oslo, Ane Hvinden essaie de comprendre. Grande et belle, avec ses cheveux
d’or, la jeune femme travaille dans la restauration. Comme cinq millions de Norvégiens, elle reste sous le choc, deux semaines après la tragédie d’Oslo et d’Utoya, qui a fait 77 victimes
innocentes le vendredi 22 juillet. Elle s’interroge sans fin : comment son pays, modèle d’harmonie sociale et de tolérance, a-t-il pu engendrer cet idéologue haineux, ce tueur froid et implacable
qu’est devenu Anders Behring Breivik, 32 ans ?

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Traumatisés, la plupart des Norvégiens préfèrent esquiver cette question qui
leur fait mal et se réfugient dans un silence gêné. Mais pour Ane Hvinden, la question est particulièrement incontournable, parce qu’elle a une dimension personnelle : elle a très bien connu le
tueur, elle l’a côtoyé sur les bancs de l’école pendant les années clés de l’adolescence. Le moment où les idées se forment, le moment où les destins s’esquissent… « Nous avons été dans la même
classe pendant trois ans, explique-t-elle, de 13 à 16 ans, l’école était dans un quartier riche. On était assis côte à côte, sur le même banc, et je me rappelle que je copiais sur lui pendant les
épreuves de maths ou d’anglais. Il était très intelligent, très bon partout. Notre classe était vraiment crazy. C’était très mélangé : il y avait des enfants de gens riches, mais aussi des
immigrés. Dans son manifeste de 1500 pages, Anders parle d’ailleurs de certains amis de l’école, mais pas de moi ; il dit que c’est là qu’il a pris conscience de certaines choses ».

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Pour les enquêteurs qui s’efforcent de retracer le parcours du tueur, ces années
constituent une source d’information d’autant plus précieuse que les traces de Breivik se perdent ensuite très vite, dès l’âge de 18 ans, dans une espèce de flou étrange : on sait qu’il a
travaillé ici ou là et qu’il habitait toujours chez sa mère, divorcée alors qu’il était petit, mais on ne sait rien de ses amis. Un tempérament secret qui, selon Ane Hvinden, était déjà
perceptible à l’école. « Personne ne le connaissait vraiment, se rappelle-t-elle, il a toujours eu quelque chose d’un peu mystérieux. Il n’était pas séduisant : il avait des boutons sur le visage,
un gros nez… Aucune fille ne voulait sortir avec lui et quand il y avait une soirée, je ne l’ai d’ailleurs jamais vu essayer de sortir avec une fille. Il était avec les geeks de la classe, il
restait dans son coin ».

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A l’époque, Anders rêve de devenir artiste. « Il voulait être dans le Taging
Team qui faisait des graffitis dans la ville, se rappelle Ane en riant. C’était à la mode ! Il avait choisi son nom d’artiste, Morg, ce qui ne veut rien dire en norvégien. Ses tableaux étaient
très bien, il avait du talent, mais il n’a pas réussi à se faire admettre dans le Taging Team. Les autres l’ont rejeté, il y avait quelque chose de bizarre chez lui. Alors il sortait pendant la
nuit, tout seul, pour faire ses tags ». Anders n’est pas un meneur. Il habite loin de l’école, dans un quartier qui n’est plus celui de la jeunesse dorée. Sa mère n’est pas privilégiée ; il dit
souvent qu’elle est malade et qu’il doit s’en occuper. Pendant les cours, il est discret et un peu terne : il répond toujours juste quand le prof l’interroge, mais ne lève jamais la main pour
répondre, il reste à l’écart. Est-il timide ? Cherche-t-il son style ? « Il voulait avoir l’air cool, reprend Ane Hvinden, mais il n’y arrivait pas. Il imitait un Pakistanais qui s’appelait
Arsenal et qui est devenu son grand copain. C’était même son seul ami et il en parle dans le manifeste. Personne ne sait ce qu’il est devenu, on ne sait même pas s’il est encore vivant ».

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Le défavorisé social qu’est Anders s’est-il alors rapproché naturellement du
défavorisé venu d’ailleurs ? Les deux jeunes ont-ils été liés par un même sentiment d’exclusion, par une même difficulté à se faire accepter ? L’immigré pakistanais, en tout cas, s’adapte mal aux
codes de la société norvégienne, à ces fameuses valeurs de respect et de tolérance que le tueur d’Oslo et d’Utoya massacrera, lui aussi, une quinzaine d’années plus tard. « Arsenal harcelait les
filles de la classe, poursuit Ane Hvinden, il était rude et il nous faisait peur. Il était déjà lié à un gang pakistanais auquel on dit qu’il a appartenu ensuite. Ses copains du gang l’amenaient
à l’école en voiture. Anders l’admirait, il imitait sa manière de parler le norvégien avec un accent pakistanais. Arsenal a été exclu de l’école après deux ans : il y avait des histoires qui
couraient sur lui, des affaires de vol, une rumeur disant qu’il avait violé une fille. Anders écrit finalement, dans le manifeste, que son ami pakistanais lui a fait comprendre le danger de
l’immigration et de l’islam ».

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Le grand thème du choc des civilisations, Anders Behring Breivik ne s’en
préoccupe pas encore. Dans la classe, il y a un garçon qui s’intéresse à la politique et qui deviendra journaliste, Peter Svaar, qui refuse toute interview. Il y a un autre garçon qui professe
des convictions d’extrême droite, mais Anders n’a aucun contact avec lui. « Je n’ai jamais entendu Anders parler de politique, se rappelle Ane Hvinden. Il ne s’y intéressait pas du tout. Son
grand truc, c’était les tags, mais il faisait aussi beaucoup de musculation et de gymnastique. Je crois qu’il en faisait avec Arsenal, ils prenaient des stéroïdes pour développer leurs muscles ».
Une indifférence à la politique, mais une grosse envie de virilité, à la limite de l’homosexualité, qui paraît annoncer déjà les photos de lui-même qu’il mettait sur Facebook ces dernières
semaines, sanglé dans un uniforme rutilant et l’air tout-puissant avec son fusil-mitrailleur. « L’une de mes amies qui était dans la classe parallèle, et qui le connaissait aussi très bien,
l’avait exclu de ses amis sur Facebook, parce qu’il n’envoyait que des musiques brutales, des photos qui la mettaient mal à l’aise. Je me rappelle que la dernière fois que j’ai revu Anders, dans
un magasin, il y a quatre ou cinq ans, j’avais eu le même sentiment de malaise ».

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Emprisonné et placé à l’isolement pour deux mois, le tueur ne sera pas fixé sur
son sort avant plusieurs semaines. S’il était reconnu responsable de ses actes, il pourrait être jugé l’année prochaine et risquerait soit un maximum de vingt et un ans de prison pour terrorisme,
soit un maximum de trente ans pour crime contre l’humanité. Mais Anders Behring Breivik est-il un criminel ou un psychopathe ? En affichant après sa première comparution au tribunal une mine
satisfaite, si injurieuse et si cruelle pour les familles de ses victimes, puis en demandant à être examiné par un psychiatre japonais, plus sensible selon lui à la notion d’honneur, le tueur
semble démontrer en tout cas, bien malgré lui, qu’il demeure enfermé dans son délire criminel, conclut Robert Habel dans L’Illustré.

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A mesure que le temps passe, les faits remontent à la surface. Et la thèse
conspirationniste d’un tueur influencé par des auteurs juifs et chrétiens s’estompe. Il était temps. Du reste, je reviendrai sur cet aspect en septembre. Car il reste quelques comptes à
régler.

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Michel Garroté

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© Michel Garroté 2011 <span style=
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Utoya

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