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La lettre d’Anne CAZAL Éliane SALLABERRY au chef du Bureau Histoire et Mémoire
ANNE CAZAL Fronton, le 18 février 2011Déléguée généraleMONSIEUR PASCAL MATRAJIChef du Bureau Histoire et MémoireDirection des affaires culturelles de Paris16 rue des Blancs Manteaux75004 PARISLETTRE OUVERTE RECOMMANDÉE
Monsieur,
Vous avez eu, hier, un long entretien téléphonique avec Mme Éliane Sallaberry, chancelière de l’armée française, aujourd’hui en retraite, au sujet de la décision, prise à l’unanimité par le Conseil Municipal de Paris, d’ériger une plaque au cimetière du Père Lachaise : « En hommage aux victimes de l’O.A.S., en Algérie et en France, civils, militaires, magistrats, fonctionnaires, élus, défenseurs des institutions et des valeurs de la République. ».
Vous avez demandé à Mme Sallaberry de vous écrire ses motifs de désapprobation devant une telle initiative. Madame Sallaberry est aveugle, elle est donc dans l’impossibilité de le faire, mais elle m’a prié de rédiger, en son nom, ce qu’elle aurait voulu écrire.Mission difficile parce que je suis aussi concernée, en tant qu’acteur et témoin des événements que je vais vous exposer ici, sous la foi du serment, et mon émotion va peut-être transparaître dans la relation que je vais vous en faire. Veuillez m’en excuser.
Oui, Monsieur, l’O.A.S., dans ses quelques mois d’existence, a manié une arme à double tranchants, frappant avec l’un et se blessant à l’autre… Mais alors, pourquoi un Maréchal de France, des Généraux français parmi les plus prestigieux et les plus décorés, de nombreux compagnons de la Résistance, le chef du premier Conseil de la Résistance, les patriotes les plus ardents se trouvaient-ils à la tête de ce mouvement de résistance française dans cette Algérie composée, alors, de départements français, depuis bien plus longtemps que Nice ou la Savoie ?
N’était-ce pas, justement parce que les institutions et les valeurs de la République étaient mises à mal par un Chef d’État se comportant en dictateur, utilisant contre ses compatriotes des polices parallèles tirées de la pègre, créant des tribunaux d’exception illégaux, agissant hors des lois morales, hors des lois constitutionnelles, et hors des lois humaines ?
Ainsi, tout un peuple, qui pendant sept années avait connu les affres du terrorisme FLN, aveugle, barbare, sanguinaire, un peuple qui, toutes ethnies confondues, avait été décimé dans les plus abominables des tortures, émasculations, éventrations, énucléations, démembrements, et j’en passe, perpétrés sur des êtres sans défense, dans les campagnes, attentats à l’explosif dans les villes responsables d’innombrables morts, de mutilations à vie, ce peuple là serait moralement condamné à vie pour avoir usé du seul droit qui lui restait, un droit fondamental et inaliénable, celui de la résistance à l’oppression ?…
Alors, à ses côtés, naquit l’O.A.S, cette résistance du parti de la France en Algérie, mais si des hommes d’honneur ont sacrifié leurs carrières, leurs familles, leur avenir pour en prendre la tête, ils n’étaient pas seuls. Oui, l’O.A.S. était soutenue par la grande majorité des Français d’Algérie de toutes confessions, lesquels se trouvaient en état de légitime défense !
Ces gens, pour lesquels l’amour de la France, chevillé au corps, était plus fort que tout, des petits travailleurs de Bab-el-Oued qui avaient toujours voté rouge aux hommes de droite, aux royalistes, et même à ces musulmans fiers d’être français qui souhaitaient le demeurer et qui avaient fait face, avec nous, au terrorisme FLN (220.000 supplétifs au moment de l’abandon que la France a désarmés et remis aux mains des égorgeurs), ces gens là ne faisaient pas de politique, mais ils luttaient, acculés au mur, pour leur survie…
D’ailleurs, Monsieur, je ne serais probablement pas en mesure de vous écrire cette lettre si l’O.A.S. n’avait pas protégé ma vie, comme celles de mes semblables, si, jusqu’au dernier moment, jusqu’à l’embarquement au port d’Alger, les hommes de l’O.A.S. n’avaient veillé, avec une constance et une vigilance au-delà des mots, à la sécurité de ces malheureux Français d’Algérie que l’hôte de l’Élysée avait espéré voir disparaître dans l’immense cataclysme de l’abandon.
Car, après que les insurgés de l’O.A.S., ces hommes d’honneur, d’abnégation et de courage, aient été totalement décimés par l’alliance des forces françaises au terrorisme FLN, on a vu, alors, des hordes qui, dans les aéroports ou dans les ports, arrachaient à leurs familles, manu militari, des jeunes femmes et des jeunes filles françaises pour les prostituer dans leurs camps…
On a vu foisonner les enlèvements, les milliers et les milliers de disparus, on a vu les massacres d’Oran le 5 juillet et les jours suivants qui ont fait, Madame Sallaberry a du vous le dire, elle qui était à cette époque au Bureau des exactions, près de 4.000 morts ou disparus français innocents…
Alors oui, l’O.A.S. a combattu les valets d’un pouvoir arbitraire, oui, ce combat a causé la mort de laquais inconditionnels et autres thuriféraires d’un pouvoir dictatorial, oui, malheureusement, comme dans tous combats, il y a eu quelques erreurs, oui la petite Delphine Renard a été blessée par quelques éclats de verre à la suite de l’explosion d’un engin devant la porte de Malraux… Savez-vous combien de jeunes enfants, de bébés à la mamelle, ont été cloués vivants sur des portes lors des massacres de familles entières dans le bled algérien ? C’était un usage courant chez les barbares du FLN…
Mais ces hommes d’honneur qui se sont rebellés par fidélité à une parole, donnée au nom de la France puis trahie, ont payé d’un lourd tribut le devoir sacré qui les a fait agir, celui de protéger des populations victimes d’une politique insensée les mettant en danger de mort.
D’une part, nombre d’entre eux ont été pourchassés et tués dans une proportions cinq fois plus élevées que les victimes qu’ils avaient pu faire, quatre d’entre eux ont été condamnés à mort par des tribunaux d’exception, qui devaient, après leurs exécutions, être déclarés illégaux, et, d’autre part, les survivants ont été humiliés, molestés, emprisonnés pendant de longues années…
Ces hommes ont bénéficié en juin 1968 d’une amnistie générale. Depuis cette date, que dit la loi à leur sujet ? « L’amnistie est l’acte qui stipule que les fautes passées devront être oubliées et qui interdit à quiconque de les évoquer sous peine de sanctions ». De plus, en 1982, un homme de gauche, mais aussi homme qui avait une conscience, fait rare de nos jours, M. François Mitterrand, alors Chef de l’Etat, a fait restituer à tous les combattants de l’Algérie française leurs grades et leurs décorations… Double amnistie, totale réhabilitation…
Voilà, à peu près, ce que vous aurait écrit Mme Éliane Sallaberry si cela lui avait été possible, nous voulions seulement vous faire observer que ces hommes illustres ont été les seuls à nous défendre alors que nous déplorions des milliers et des milliers de morts et de martyrs. Il est juste qu’aujourd’hui nous portions témoignage de leurs sacrifices et de leur héroïsme, ne serait-ce qu’au nom d’une réconciliation nationale que nous appelons de nos vœux tandis que certains, qui se reconnaîtront, œuvrent sans relâche, au nom d’on ne sait quelle rancœur ou idéologie, en faveur de la haine de l’autre...
Vouloir ériger des stèles à la mémoire des victimes de l’O.A.S. et, dans le même temps vouloir détruire les stèles à la mémoire de ceux qui sont morts pour que vive l’Algérie française, est une offense à la raison qui prolifère, aujourd’hui, chez certains idéologues et politiciens, comme a proliféré, à la basse époque du Moyen-âge, la chasse aux sorcières…
Espérant avoir été comprises,Nous vous prions de croire, Monsieur, à l’expression de nos sentiments déférents.
Anne CAZAL Éliane SALLABERRY