L’identité française, par Mgr Guy Bagnard,

, par  Jean Claude THIODET ✞ , popularité : 11%

Si l’on s’interroge sur l’identité nationale, c’est que l’on ne sait plus ce que l’expression recouvre exactement. La cause en est due d’abord à l’impact de l’Europe sur notre pays ! En devenant membres de l’Union européenne, les Français voient plus ou moins s’effacer le sentiment de leur appartenance à la nation. De ce fait, la notion de nationalité, sans vraiment disparaître, passe au second plan. On se dit facilement citoyen de l’Europe et même parfois, plus radicalement encore, « citoyen du monde ». Que devient alors le lien qui unit à son propre pays ?

L’une des autres causes qui entoure d’un brouillard l’identité nationale, c’est l’arrivée dans notre pays d’un grand nombre d’« étrangers ». Un seul exemple : quand l’équipe de football qui défend les couleurs de la France se présente avec une majorité de joueurs d’origine africaine dans ses rangs — ce qui n’est en rien critiquable, bien entendu ! — on se pose la question : « Que veut dire exactement l’expression : “équipe de France” ? »

Or c’est au moment où se brouille la conscience de ce que l’on croyait être jusqu’alors, que l’on s’interroge sur la réalité de ce que l’on était vraiment ! Qu’est-ce qui fait que l’on est français ?


L’histoire se reçoit

À n’en pas douter, l’un des chemins qui ouvre à l’identité nationale passe par l’histoire. C’est dans l’héritage reçu des siècles que se reflète le visage d’une nation. « Qu’avons-nous que nous n’ayons reçu ? » Que pourrions-nous dire de nous-mêmes et de notre pays si, faute de mémoire, nous ne parvenions pas à nous situer dans le prolongement d’une histoire ? Ce serait le silence ou l’arbitraire d’une parole tirée de l’immédiat !

Ainsi, comme évêque de Belley-Ars, je ne peux pas ignorer que la présence d’un évêque, identifiée avec certitude par l’histoire dans la ville de Belley, remonte à l’an 412. Il s’appelait Audax. L’évêque actuel est le centième d’une lignée qui en compte quatre-vingt-dix-neuf avant lui. Ainsi, depuis seize siècles, le christianisme est présent — de façon organisée — sur notre région. Comment, sur une aussi longue durée, l’Évangile n’aurait-il pas façonné le comportement de ses habitants, leur mode de pensée, leur culture, leur vision de l’existence ?

Une donnée de fait

On peut discuter sur le bien fondé de cet impact, mais on ne peut contester les données objectives de l’histoire. Les traces de cet héritage sont là sous nos yeux. Il suffit de voir « ce long manteau d’églises et de cathédrales qui recouvre notre pays pour comprendre que les valeurs chrétiennes ont dû quand même y jouer un rôle », déclarait Nicolas Sarkozy, le 13 décembre 2007. Pourquoi s’en excuser ? Pourquoi s’en défendre puisque nous sommes tout simplement devant une donnée de fait ?

La culture issue de cette imprégnation des siècles est si profondément enracinée qu’elle est devenue comme une seconde nature ; elle fait si bien corps avec chacun d’entre nous qu’elle a ce grave inconvénient de ne plus s’interroger sur les origines où elle a puisé sa sève.

Jean-Paul II avait justement osé dire au Bourget, le 1er juin 1980 : « On sait la place que l’idée de liberté, d’égalité et de fraternité tient dans votre culture, dans votre histoire. Au fond, ce sont là des idées chrétiennes. » S’interroger sur l’identité nationale, c’est donc retrouver le chemin des origines et les assumer comme un creuset qui, au fil des siècles, a forgé l’identité de notre pays.

Cette interrogation conduit à reconnaître que l’un des facteurs majeurs de cette identité, c’est bien le christianisme. Nicolas Sarkozy avait dit au Latran : « Les racines de la France sont essentiellement chrétiennes... Une nation qui ignore l’héritage éthique, spirituel, religieux, de son histoire commet un crime contre sa culture. Arracher la racine, c’est perdre la signification, c’est affaiblir le ciment de l’identité nationale et dessécher davantage encore les rapports sociaux qui ont tant besoin de symboles de mémoire. »

Un référentiel fondamental

Il est vrai que le siècle des Lumières a contesté cet héritage, mais il en est resté, malgré lui, profondément imprégné. Le cadre mental dans lequel il exprimait ses « idées nouvelles » continuait à s’alimenter souterrainement à la Source qu’en surface il rejetait !

Sans ce référentiel fondamental, il n’aurait pas pu élaborer la Déclaration universelle des droits de l’homme, dont l’un des principes fondamentaux est le respect dû à tout être humain. Car tous les hommes sont égaux en dignité. Chacun a donc le droit d’être reconnu pour lui-même, qu’il soit croyant, non croyant, libre penseur, etc.

Et justement, l’esprit de la laïcité s’engage à réunir les conditions permettant aux croyants et aux incroyants de vivre ensemble, la base de cette convivialité étant le respect de la conscience de chacun. Nous sommes typiquement devant la version séculière du message évangélique !


Interroger l’islam

Aussi quand, sur l’horizon qui nous est familier, surgissent d’autres cultures — issues d’autres religions — nous nous interrogeons légitimement sur leur compatibilité avec notre propre identité nationale. Et c’est aussi l’occasion d’avoir une plus claire conscience de ce que veut dire être français. Au nom de cette identité, nous interrogeons l’islam. Accepte-t-il, dans les faits, la liberté de conscience ? Intègre-t-il, dans le champ social, l’égalité entre l’homme et la femme ? Le respect des consciences va-t-il jusqu’à accueillir le changement de religion sans crainte de représailles ? Peut-on être tranquillement adepte d’une autre religion dans un pays musulman ? Si la réponse est « oui » pour tel pays, et « non » pour tel autre, alors y a-t-il un organisme officiel qui définit la juste pensée de l’islam ? Où se trouve la véritable interprétation ? Le Français a besoin de le savoir au moment où son pays accueille cette culture sur son territoire et cela au nom de l’identité nationale.

Car voici, par exemple, ce que je lis sous la plume d’un père jésuite égyptien, le Père Boulad, bon connaisseur de l’islam : « Quand un musulman me dit : l’islam est la religion de la tolérance, je lui réponds : parmi les 57 pays musulmans de la planète, cite m’en un seul où la liberté religieuse existe. Si bien que le non-musulman n’a pas sa place. Il est toléré, tout juste, comme dhimmi, mais à part ça, non. La tolérance, pour l’islam, c’est que vous êtes toléré comme citoyen de deuxième zone en tant que chrétien ou juif. Mais en dehors de ça, si vous êtes bouddhiste ou hindouiste, vous n’êtes plus toléré. Vous êtes un kafir, c’est-à-dire carrément un apostat, un impie. [...] »

N’est-ce pas le rappel de l’exigence d’un dialogue en vérité, au moment où l’on s’interroge sur l’identité nationale ? Et cette exigence dépasse largement la discussion sur la hauteur des minarets, même si celle-ci est à prendre aussi en considération.

+ Guy-Marie Bagnard,
évêque de Belley-Ars

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