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L’énigme de Bouteflika.
De plus en plus récurrentes, les dérobades des responsables de l’Etat ont eu pour effet de nourrir de multiples rumeurs et de plonger le pays dans un climat, pour le moins délétère, qui autorise d’échafauder les scénarios les plus scabreux.
Le mutisme affiché ces dernières semaines par les plus hautes autorités du pays sur de nombreux dossiers d’actualité a complètement désarçonné l’opinion publique. Le scandale de Sonatrach, la crise entre l’Algérie et la France, la renégociation de l’Accord d’association Algérie-UE, l’assassinat du directeur général de la Sûreté nationale, les débrayages menés depuis plusieurs semaines par les syndicats de l’éducation et de la santé sont autant de sujets brûlants que les décideurs continuent à éluder sans que des raisons valables soient évoquées.
La majorité des Algériens ne comprend par ailleurs pas pourquoi le président de la République continue à garder la même équipe gouvernementale alors qu’un grand nombre de ministres en exercice vient d’être éclaboussé par de graves affaires de malversations et de corruption.
Le silence, pour ne pas dire la passivité des décideurs algériens, contraste de manière éloquente avec la vitalité et l’agressivité des partenaires traditionnels de l’Algérie et l’esprit d’imagination dont font preuve des pays voisins comme le Maroc ou la Tunisie. A côté, le pays donne l’impression, il faut bien le dire, d’être un avion sans pilote. Même avec les caisses pleines de devises, l’Algérie offre la triste image d’une nation en panne.
De plus en plus récurrentes, les dérobades des responsables de l’État ont eu pour effet de nourrir de multiples rumeurs et de plonger le pays dans un climat pour le moins délétère qui autorise d’échafauder les scénarios les plus scabreux. Un climat aggravé, qui plus est, par la détresse morale et sociale dans laquelle se débat une grande partie de la société algérienne. La majorité des Algériens ne comprend pas, par ailleurs, pourquoi le président de la République continue à garder la même équipe gouvernementale alors qu’un grand nombre de ministres en exercice viennent d’être éclaboussés par de graves affaires de malversations et de corruption.
Leur maintien au sein de l’Exécutif a concouru, ainsi qu’il fallait s’y attendre, à discréditer le discours sur la lutte contre la corruption développé par le chef de l’État et à nourrir le sentiment d’impunité et d’injustice déjà fortement ressenti dans la société. La propension du président Bouteflika à ne faire confiance qu’à des caciques du FLN, dont la plupart traînent pourtant depuis des décennies des réputations sulfureuses, et son refus d’apporter du sang neuf au sein du gouvernement ont amené la population à douter sérieusement de sa volonté de faire évoluer l’Algérie ainsi qu’il l’avait maintes fois promis durant la campagne pour la présidentielle.
Habituellement volubile, le président de la République a lui aussi déserté la scène politique depuis sa réélection à la tête du pays au mois d’avril 2009.
A l’exception de quelques apparitions publiques qui se comptent sur les doigts d’une seule main, le chef de l’État a préféré se retrancher dans un silence énigmatique et confier la lecture de ses discours à ses proches conseillers lors de certaines cérémonies officielles. Cela a été notamment le cas le 24 février dernier, date anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures. Alors que tout le monde s’attendait à ce qu’il se prononce sur la situation du pays et les scandales liés à la corruption qui venaient d’éclabousser plusieurs institutions, le chef de l’État a fini par briller par son absence. Même les traditionnels Conseils des ministres qui permettaient de soigner les formes et de donner l’illusion que l’État algérien fait son travail ne se tiennent plus aussi régulièrement. Ce nouveau « mode » de gouvernance inauguré par le président Bouteflika – qui détient depuis la révision, l’année dernière, de la Loi fondamentale des principaux leviers du pouvoir – a rajouté une grande couche d’opacité à la gestion du pays et participé, selon de nombreux observateurs, à freiner les initiatives.Cela surtout que théoriquement rien ne peut se faire sans l’aval du premier magistrat du pays.Est-il utile de rappeler que la gestion du pays est déjà régulièrement décriée par les opérateurs économiques autant que par les spécialistes pour son manque flagrant de transparence et de visibilité.
Les éclipses récurrentes du président de la République ont d’ailleurs amené l’opinion publique à s’interroger à nouveau sur son état de santé et sa capacité à gérer les affaires du pays. Il aura fallu que le chef de l’État s’affiche, la semaine dernière, aux côtés de Zineddine Zidane, l’ancienne star de l’équipe de France de football, pour que les rumeurs insistantes qui avaient circulé quelques jours auparavant à son propos s’estompent. Mais il est à parier que le répit obtenu grâce à cette brève apparition ne durera qu’un temps. Car en l’absence d’une communication officielle, efficiente, capable de donner du sens, de la cohérence et de la visibilité à l’action du gouvernement, il y a tout lieu de s’attendre à ce que la rumeur reprenne le dessus très vite.