L’affaire BELLOUNIS (2eme partie)
Réponse de BELLOUNIS à la lettre de COMBETTE (voir 1ère partie) :
"Je me rallie à la France" ;
- mais à la condition que votre pays ne traitera jamais avec le F.L.N. »
BELLOUNIS n’attendait que cela, car après une tentative de rencontre le 19 avril qui avait échoué, l’action de COMBETTE porte enfin ses fruits. Ce dernier va au rendez-vous fixé par BELLOUNIS, en hélicoptère et accompagné de plusieurs soldats.
Dès son atterrissage, le jeune officier français est accueilli par un émissaire de BELLOUNIS.
Le « général » BELLOUNIS t’attend a deux kilomètres d’ici, lui dit-il... COMBETTE se précipite à la suite de l’émissaire et peu après, il se trouve face au célèbre chef messaliste ; Le « Général ».
Le,jeune capitaine découvre un homme de haute taille en tenue militaire, deux ’étoiles d’argent à l’épaule, un calot incliné sur, l’orelle et un pistolet allemand a la ceinture. Il do !t avoir environ 40 ans ; son visage barré par une grosse moustache est perpétuellement en mouvement ; il a le regard vif et intelligent, et s’exprime à grand renfort de gestes.
"Après le massacre de Melouza, déclare BELLOUNIS. moi et mes hommes acceptons de nous rallier à la France, mais à la condition formelle que votre pays ne traitera jamais avec le F.L.N, ni avec les communistes".
Je ne suis qu’un intermédiaire et ne peux prendre seul cette décision. Je vais en référer à mes supérieurs et vous transmettrai la réponse dans trois jours.
ALORS COMMENCE L’OPERATION OLIVIER
A Alger, le M.N.A. est assez bien vu dans les milieux de l’armée.
Il rassure tous ceux qu’inquiètent les violences du F.L.N. On prend donc vite parti, on s’enthousiasme même pour cette affaire.
Le 31 mai, SALAN charge le capitaine PINEAU de rencontrer le« général » afin de convenir des conditions de son ralliement officiel.
La rencontre a donc lieu au P.C. de BELLOUNIS.
PINEAU expose au « général » les bases du futur accord :
"Vous devez bien entendu ,vous battre contre le F.L.N., nous fournir tous les renseignements qu’il vous sera possible d’obtenir et enfin respecter la population.
En échange, nous vous donnerons toute l’aide matérielle dont vous avez besoin, mais qui sera toutefois proportionnée à vos résultats.
Par ailleurs, étant donné que vous allez opérer sur le territoire du général ALLARD, celui-ci dispose sur vous d’un droit de regard.
Enfin, que tout ceci reste dans le plus grand secret".
BELLOUNIS adhère aux termes de cette coopération et
la véritable opération Ollivier commence.
LES COLERES DU GENERAL PARLANGE
Une zone d’action a été impartie au « général », mais très vite celui-ci s’en écarte sous divers motifs : poursuite de rebelles, recherche de renseignements, etc.., Tous les prétextes lui sont bons.
En réalité, les raisons inavouées de ces débordements de territoire sont tout à fait différentes : BELLOUNIS cherche en fait à reprendre des contacts avec les anciens militants M.N.A. et surtout il collecte abusivement des fonds.
Ç’est un homme dévoré d’ambitions personnelles, atteint même de mégalomanie - il s’est attribué lui même le titre de général et a appelé sa bande... " L’Armée Nationale du Peuple Algérien "
Si BELLOUNIS étend son territoire, il accroît également ses effectif et !es 300 hommes du départ sont maintenant 3600 répartis sur 60000 kilomètres carrés.
Ils sont bien habillés, brandissent le drapeau algérien et prennent l’apparence d’une troupe régulière afin de s’imposer auprès de la population.
Cette situation déplait profondément aux autorités locales, notamment au préfet de l’Aurès, le Général PARLANGE
l .
Cet officier de tradition qui supporte très mal les extravagances de ce chef de bande, harcèle les autorités d’Alger pour qu’on mette fin aux empiètements de BELLOUNIS.
BELLOUNIS EN LIBERTE SURVEILLEE
Au mois d’août, SALAN décide donc qu’il faut mieux « canaliser l’action de BELLOUNIS » et organise, le 4 septembre à Alger, une grande réunion à laquelle participent les spécialistes de l’Action psychologique.
Dès le lendemain de cette réunion, LACOSTE met en application les décisions prises la veille : on confie la surveillance de BELLOUNIS au 11e Choc, régiment spécialisé dans la guérilla et dirigé par le capitaine ROCOLLE, qui commandait jusqu’à présent, une unité d’instruction à Mont-Louis.
C’est un jeune officier dynamique de taille moyenne, au visage doux et ouvert, portant d’épaisses lunettes cerclées de fer. Le personnage dégage une impression de force et de dureté. Sa voix, volontaire, a un débit sec et rapide. Il impose une discipline draconienne à ses hommes. Ce qui n’empêche guère ces derniers de lui porter une admiration sans bornes.
Le régiment est donc chargé d’encadrer très étroitement BELLOUNIS et de mettre fin à ses "extravagances".
Le 11° doit aussi contrôler l’armement et assurer les liaisons radio.
Il se rend sur le territoire de BELLOUNIS en septembre 1957.
Par ailleurs, on place directement auprès du « général » un jeune lieutenant des services secrets, le .lieutenant de HESMES qui sera en quelque sorte l’officier de liaison entre BELLOUNIS et Alger.
Il s’agit de laisser croire au chef messaliste qu’il est un allié indépendant et privilégié de la France tout en le manœuvrant à son insu.
Enfin, le colonel VERNIERES à la tête du 11e Choc est délégué sur place pour coiffer l’ensemb !e de l’opérations et rappeler à BELLOUNIS les termes de la décision ministèrielle.
Il est surtout chargé d’agir auprès du générai pour que ce dernier cesse les collectes de fond qui indisposent profondément la population.
Mais BELLOUNIS se révèle un « rallié » difficile à manier. Il réagit très mal à ce qu’il considère comme un " ultimatum"
Pour marquer son mécontentement, il décide de rompre le contact.
Sur le terrain où l’intégration du 11e Choc aux troupes bellounistes ne se déroule pas dans les meilleures conditions, les rebelles alliés acceptent mal cette intervention qui les gêne.
Les commandos, quant à eux, restent sur leurs gardes.
Pour s’opposer à ROCOLLE qui l’importune, BELLOUNIS réclame une nouvelle fois la reconnaissance officielle de son armée.
Les autorités d’Alger, après bien des hésitations, finissent par accéder au souhait du « général ».
l’A.N.P.A. arbore cette fois officiellement son drapeau vert et blanc.
" On ne pouvait pas faire autrement", nous dit notre témoin, le capitaine ROYER.
Nous pensions que le ralliement allait en entraîner d’autres. C’est pourquoi nous avons été contraints de payer le prix en faisant des concessions de prestige à BELLOUNIS " .