Kelman et Stora se penchent ... Source MARIANNE
Comment faire croire encore et toujours à des schémas de dépendance ?
Comment perturber tout un continent en installant durablement des contre vérités historiques ?
Comment expliquer que les responsables sont les vilains colonisateurs qui auraient amenés tous les fléaux ?
N’y a-t-il plus personne en Europe ou en Afrique, pour remettre les choses en place ?
Politique Africaine : Kelman et Stora se penchent sur le cas Sarkozy
Le 04/08/2007 à 1 h 00 - par Johanna NezriL’écrivain Gaston Kelman, originaire du Cameroun, depuis son premier ouvrage « Je suis noir mais je n’aime pas le manioc » (Max Milo 2004) « veut rompre avec l’avilissante rente de la repentance que les aînés ne cessent de réclamer au Blanc ». Benjamin Stora est Professeur d’histoire contemporaine à l’INALCO (langues orientales, Paris) et a consacré son dernier ouvrage sur les Immigrances, histoire de l’immigration en France au XXe siècle, avec Emile Temime (Hachette 2007). Ils analysent pour Marianne-en-ligne le discours prononcé par Nicolas Sarkozy à Dakar, dans le cadre de sa première tournée africaine.
Marianne-en-ligne : Comment réagissez-vous à des citations comme celle-ci : « La réalité de l’Afrique, c’est celle d’un grand continent qui a tout pour réussir et qui ne réussit pas parce qu’il n’arrive pas à se libérer de ses mythes »
Gaston Kelman : Il y a un malaise profond dans le comportement des nations africaines. Ce malaise trouve-t-il son origine dans le trauma causé par l’esclavage et la colonisation ? Devrait-on rechercher dans une certaine africanité précolombienne, les causes de ces drames ? L’Afrique a-t-elle toujours connu un destin identique du Nord au Sud ? Les Africains du Sahel peuvent-ils avoir le même rapport au temps et à l’espace que ceux de la forêt équatoriale ? Alors, petit à petit se construisent des mythes africains : une fraternité et un destin coloriels, un âge d’or avant l’arrivée des Blancs, l’esclavage subi à l’identique par tous, puis la colonisation, la néo-colonisation, les termes de l’échange, la mondialisation, et enfin la chinafrique qui se profile à l’horizon… et dont on se plaindra dans cinquante ans. Mais cette quête mythologique se nourrit aussi du modèle colonial français et de ses avatars post-coloniaux que sont la repentance et la bien-pensance. « Nos pauvres amis africains ont tant souffert ». Les Africains anglophones disent qu’ils n’ont rien à prouver par rapport au passé et que tout se joue à partir d’aujourd’hui.
Benjamin Stora : Bien sûr, dans l’histoire d’une nation ou d’un continent, il faut toujours sortir des ruminations vaines du passé, de ce poids d’une histoire trop lourde qui empêche de regarder vers l’avenir. Mais précisément, pour s’extraire du ressassement, de la répétition stérile, encore faut il connaître, écrire cette histoire. Donc ne pas arracher les pages des récits antérieurs, au contraire les écrire, condition évidente pour dépasser les traumatismes. Nicolas Sarkozy n’invite pas à regarder en face une histoire, dans ses ombres et ses lumières, mais place des « mythes », qui ne sont pas définis, responsables des crises et des désastres. Invoquer des « mythes » remontant à la nuit des temps, c’est faire abstraction des processus historiques concrets, comme la place de l’Afrique dans le processus de mondialisation économique surgissant à partir des XVIe et XVIIe siècle, la nature des échanges commerciaux avec l’Europe, l’irruption coloniale. Cette dernière séquence est conçue comme une parenthèse accessoire face à la puissance de mythes…. Bref, nous sommes là dans une conception de l’histoire immuable, où tout est déjà écrit et se poursuit depuis des siècles.
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