Courrier du Président de l’ADEPT à M. l’ambassadeur de France en Tunisie

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ASSOCIATION Nle POUR LA DEFENSE DES BIENS PATRIMONIAUX FRANCAIS EN TUNISIE (A.D.E.P.T.)
110, Route de lʼEtang 78750 Mareil Marly
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Excellence,

Je vous remercie d’avoir bien voulu nous permettre de vous exposer notre point de vue sur l’état actuel du contentieux immobilier franco tunisien.

Depuis la décolonisation nous sommes exclusivement concernés par ce litige. Notre Assemblée Générale en a récemment évoqué les principales étapes dans le but de trouver une solution à notre problème.

I. Refus de la France, en vertu d’une jurisprudence remontant à Napoléon III, d’indemniser ses ressortissants qu’elle avait pourtant incités à s’expatrier et à investir dans les colonies.

Elle a modestement participé, pour certaines catégories de rapatriés, à l’indemnisation qu’elle estimait due par nos anciennes possessions, alors que ces dernières exigent, et obtiennent, de lourdes compensations pour les contraintes matérielles et morales qu’elles déclarent avoir subies.

Par contre, les autres pays ont considéré l’indemnisation de leurs rapatriés comme un devoir national. L’Allemagne en ruine de 1945 a intégré et indemnisé plus de dix millions de ses ressortissants de l’Est, soit dix fois nos rapatriés.

Notre contentieux a fait l’objet de huit accords inappliqués par la Tunisie,

II. Mise en accusation de la Tunisie par sa Constitution et la Commission Européenne des Droits de l’Homme.

  • A) L’Art. 32 de la Constitution de la République Tunisienne précise que tout traité signé par le Président de la République et ratifié par les députés a autorité sur les lois nationales. C’est donc en violation de sa Constitution que la Tunisie ignore les accords conclus pour apurer notre contentieux immobilier.

Suite à l’affaire de Bizerte et à une rupture diplomatique, la convention de 1963, promulguée en 1965, porte sur les relations économiques ainsi que la protection des investissements, biens et intérêts . Elle demeure ignorée.

En 1984 étaient conclus pour une durée de 7 ans des accords destinés à transférer nos biens aux tunisiens, par vente et OPA. Ces traités étaient inconstitutionnels et contraires aux droits de l’Homme puisque applicables dans le cadre des lois tunisiennes d’exception.

L’autorisation de vente nous fut refusée en 1984 et accordée en 1998, toujours dans le cadre des lois d’exception. Entre temps, la Tunisie avait nationalisé par OPA 6 000 patrimoines des 2O OOO propriétaires, à des prix dix fois inférieurs à ceux du marché,

Elle a ensuite décrété que nos investissements relèvent exclusivement de ces accords 1984, pourtant non reconduits.

  • B) Les A.E. n’ayant pas répondu à nos contestations, les propriétaires résidant en Tunisie reprochèrent à l’Ambassadeur de conclure des accords inconstitutionnels, inappliqués et spoliateurs. Le Président MITTERRAND en visite à Tunis leur ayant répondu qu’ils n’étaient jamais contents, ils se constituèrent en association et, en novembre 1989, chargèrent Maître LYON-CAEN de saisir le Conseil d’Etat d’une plainte contre l’Etat français.

Cet avocat concluait comme suit sa consultation de onze pages : « Il résulte de ce qui précède qu’aucune action ne me paraît en l’état susceptible d’aboutir favorablement devant les juridictions administratives françaises. En second lieu, une action devant la juridiction européenne des droits de l’homme ne me paraît pas davantage susceptible d’aboutir à un résultat favorable ».

  • C) Néanmoins, en janvier 1995, nous avons saisi la Commission Européenne des Droits de L’Homme d’une requête contre l’Etat français. Nos plaintes furent déclarées irrecevables, car «  les mesures restreignant la jouissance des biens situés en Tunisie sont le seul fait de l’Etat tunisien, Etat non partie à la Convention. Ces mesures prises en application des lois adoptées unilatéralement par le gouvernement tunisien, ne sont pas de nature à engager la responsabilité de l’Etat français sur le terrain de la Convention……. »

La Tunisie était ainsi accusée de nous spolier en violation de sa Constitution.

Il en résultait l’accord 1997 sur l’encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un échange de lettres), qui abroge les lois d’exception, restitue nationalisations et expropriations ou les indemnise à un juste prix (Art.5) avec possibilité de recours (Art.8) au « Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissements » (CIRDI)

III. Refus de la Tunisie de nous appliquer cet accord, par lettre du 24/X/97précisant que nos investissements relèvent des accords 1984, inconstitutionnels, inappliqués et non prorogés.

Cette lecture unilatérale sera appliquée au protocole d’accord 2003.

  • A) LE 6/4/2001, paraissait au JORT un Accord 1997 amputé de l’échange de lettres précisant : «  En ce qui concerne l’Art.1, le présent Accord s’applique aux investissements réalisés à partir de son entrée en vigueur, ainsi qu’aux investissements existant à cette même date, étant entendu que les dits investissements doivent être ou avoir été réalisés conformément à la législation de la Partie contractante sur le territoire ou dans la zone maritime de laquelle l’investissement est effectué. »

Ce traité concerne donc sans ambiguïté les investissements du Protectorat conformes aux lois en vigueur librement ratifiées par le Bey.

  • B) En conséquence, M. Strauss Kahn nous accorda une audience au cours de laquelle il nous fut exposé que ce traité 1997 était assorti d’un financement français de 650 MF pour la construction de logements sociaux en Tunisie. Un tiers de cette somme avait été versé à la signature, le solde ne serait débloqué qu’après apurement du contentieux immobilier, attendu depuis 4 ans.
  • C) Mais le protocole d’accord secret 2003 a réglé ce reliquat des 650 MF en échange, paraît-il, de l’application tacite de l’accord 1997.

IV. Ostracisme à notre égard des organismes français chargés des rapatriés en raison, nous dit-on, de « l’apurement » de notre contentieux par l’accord secret 2003 dans le cadre de l’accord 1997.

Conformément à l’oukase tunisien décrétant le règlement de nos investissements par l’accord 1984, nous constatons l’indemnisation de litiges mineurs à des prix OPA 1984 dix fois inférieurs à ceux du marché.

Expropriations et nationalisations importantes sont justiciables des tribunaux tunisiens. Mais comment, des propriétaires privés des revenus de leurs biens nationalisés de longue date, pourraient engager contre l’Etat tunisien des procédures longues, coûteuses et perdues d’avance en raison de leur ignorance de l’accord secret 2003 et de la dépendance de la Justice tunisienne ?

Quant aux lois xénophobes d’exception (Cf annexe I ), elles demeurent appliquées avec rigueur par l’Administration et les Tribunaux tunisiens.

Quoiqu’il en soit, le Pouvoir ne s’occupe plus de nous :

- L’Elysée transmet notre courrier à la Mission Interministérielle aux Rapatriés (MIR) qui, malgré son titre et sa mission, persiste dans l’ignorance totale de la Tunisie et ne nous répond pas.

- Pour les A.E.E. notre contentieux a été réglé par l’accord secret 2003, dans le cadre de l’accord 1997.

- Depuis 2003 l’Ambassade de France en Tunisie nous ignorait

- L’avocate de notre association n’est toujours pas inscrite sur la « Liste de Notoriété du Barreau de Tunis » et n’a plus aucune relation avec les Affaires immobilières du Consulat. Or, Me TEKAYA traite les dossiers de nos rapatriés, en étroite relation avec notre Conseil d’administration.

- AU COURS D’UNE AUDIENCE, LA SOUS DIRECTRICE DE LA PROTECTION DES BIENS FRANÇAIS A L’ETRANGER, des A.E., nous a déclaré ne pas comprendre les doléances concernant la spoliation de « biens impurs » acquis à la sueur du burnous..

Or, l’Etat a colonisé et incité nos ascendants à expatrier travail, savoir faire et capitaux. Loin d’avoir réduit en esclavage, éliminé ou parqué les tunisiens dans des réserves, nous avons respecté personnes, biens, religions et civilisations, formé des élites et donné à ce pays les bases de son émergence actuelle par des réalisations telles que : modernisation de l’agriculture ; exploitation des ressources locales ; construction de routes, chemins de fer, tramways, ports, villes, barrages, usines, hôpitaux, cliniques, dispensaires, facultés, lycées, collèges, écoles professionnelles, primaires et maternelles ; etc….


Des générations ont été ruinées pour avoir investi localement la totalité de leurs économies. Nous demeurons soumis à des lois d’exception et des nationalisations gratuites. Les biens de catégorie sociale sont bradés à leurs occupants pour des prix en rapport avec des loyers dérisoires ; entretien, travaux, procès coûteux pour dettes locatives, sous locations frauduleuses, nationalisations gratuites, etc…grèvent des revenus déjà insignifiants.

V. ENQUÊTE DU CONSEIL ECONOMIQUE ET SOCIAL . RECOURS C.I.R.D.I.

Suite à ses engagements (Cf Annexe II), le Chef de l’Etat a chargé le Conseil Economique et Social (CES) d’une enquête sur la situation des Rapatriés. Publié au JORF N°28 du 26 décembre 2007, ce rapport précise que : huit accords sur le contentieux immobilier ayant été conclus avec la Tunisie, « une négociation d’Etat à Etat pourrait permettre de rappeler l’existence de ces accords et de solder des cas délicats en suspens depuis trop longtemps…. ».

Le CES constate donc que notre contentieux n’a pas été apuré depuis 2003. Son avis est demeuré lettre morte en raison de l’accord secret 2003 qui indemnise expropriations et nationalisations à des prix OPA dix fois inférieurs à ceux du marché, et non pas conformément à l’Art 5 §2 de l’accord 1997.

Il est ainsi admis que la Tunisie traite nos investissements par l’accord 1984 non prorogé, inappliqué, et inconstitutionnel, et qu’elle confirme ses violations de sa Constitution, la Décision 1996 de la Commission Européenne des Droits de l’Homme et l’Avis 2007 du CES.

Notre dernier recours est donc l’Art.8 de l’accord 1997 selon lequel, faute d’un règlement amiable dans les six mois, tout différend sur les investissements est soumis, sur demande de l’une des Parties, à l’arbitrage du CIRDI ( Convention pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements entre un Etat et ressortissants d’un autre Etat), que France et Tunisie se sont engagées par contrat à appliquer.

Nous avons saisi cet organisme international d’une requête relative à notre différend avec l’Etat tunisien. Le Secrétaire Général de la Convention nous en a accusé réception et rappelé que les deux Parties pouvaient, à la demande de la France, lui soumettre séparément et par écrit leur différent d’ordre juridique en relation directe avec nos investissements.

C O N C L U S I O N

Selon le Chef de cabinet de l’Elysée, le Président remplira tous ses engagements au cours de son mandat. Or, le 16 avril 2007, il nous a été écrit : « Mon deuxième engagement est de construire l’amitié avec l’AFN, et non pas de négocier des concessions ou renoncements autour d’un traité d’amitié. » (Annexe II)

Mais, la Tunisie refuse toujours de régler notre contentieux dans le cadre des accords conclus à cet effet. C’est donc en violation des Art. 55 de la Constitution et 11 du Code Civil que les tunisiens résidant en France bénéficient, sans réciprocité, de ces traités et de nos droits.

Etant ainsi les victimes expiatoires de raisons d’Etat qui sont à la charge de tous les contribuables, nous demandons que, faute d’avoir recours à une sentence arbitrale du CIRDI, la France nous indemnise.

TUNIS le 16 juillet 2010

Gilbert ORRAND, Président de l’ADEPT

Voir en ligne : http://www.clan-r.org/portail/Courr...

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