loi N°2005-158 du 23 février 2005

, par  MORA , popularité : 18%
Je vous prie de bien vouloir mettre en ligne sur votre site le document
élaboré par Monsieur LEVEQUE (Association des anciens des affaires
algériennes et sahariennes - Les SAS).
 
Ce document est très important : il peut intéresser certaines personnes
qui ont eu leur demande d’allocation de reconnaissance rejetée par la
Mission Interministérielle aux Rapatriés (MIR).
 
Restant à votre disposition pour toute information complémentaire, je
vous prie de croire en mon total soutien.
 
Serge AMORICH
 
Délégué national de la Fédération Nationale des Rapatriés (FNR) pour
les questions de retraite

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EVOLUTION DE LA LEGISLATION CONCERNANT UNE CIRCULAIRE DE LA DELEGATION AUX RAPATRIES EN DATE DU 30 JANVIER 1989

Généralement un ensemble composé d’une loi, d’un décret et
d’une circulaire d’application se suffit à lui-même pour être
clairement interprété. Mais tel n’est pas le cas de la loi N°2005-158
du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution
nationale en faveur des français rapatriés, complétée par le décret
N° 2005-477 du 17 mai 2005 pris pour application des articles 6, 7 et 9 de
la dite loi ainsi que par la circulaire d’application des mesures prises
en faveur des anciens membres des formations supplétives et assimilés en
date du 16 août 2005, circulaire diffusée sur papier à en tête de la
Mission Interministérielles aux Rapatriés par les soins de cette
dernière. En effet reniant sa participation prépondérante à
l’élaboration de ces textes et à leur diffusion, la Mission
Interministérielle rejette l’application de l’annexe I 2° de la
circulaire au motif qu’elle ne figurait ni dans la loi ni dans le décret
et que de ce fait elle ne pouvait leur ajouter des dispositions nouvelles.
Cela oblige à se reporter à la législation antérieure afin de
démontrer que cette annexe I 2° ne faisait que reprendre un texte
remontant à 1989 et ne constituait donc pas une innovation.

Il a fallu attendre 1987 pour que la France se soucie enfin d’accorder
quelque chose aux harkis rapatriés en métropole à partir de 1962.
L’article 9 de la loi N° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au
règlement de l’indemnisation des rapatriés accordait une allocation de
60 000 francs aux anciens harkis et personnels des diverses formations
supplétives ayant servi en Algérie, ayant conservé la nationalité
française en application de l’article 2 de l’ordonnance N°62-825 du
21 juillet 1962 et ayant fixé leur domicile en France. La liste des
bénéficiaires figurait dans une circulaire du 25 janvier1988 reprenant
celle qui avait été fixée par un arrêté du 11 février 1975 qui semble
être le document le plus ancien de toute cette affaire.

Mais à la page 89 du rapport N°882 du 24 juin 1987, le député Claude
BARATE écrivait notamment :

- « Le projet laisse subsister une injustice. Votre rapporteur regrette
cependant que le projet crée une grande injustice en prévoyant
l’indemnisation des seuls personnels des forces supplétives ayant servi
en Algérie, à l’exclusion donc des français d’origine musulmane
ayant servi dans les forces régulières françaises mais qui n’ont pas
bénéficié d’une pension militaire faute d’avoir servi au moins
quinze ans. Une telle discrimination parait pour le moins injuste ».

De son côté, le sénateur Jean FRANCOU dans son rapport N°259,
soulignait à la page 45 que :
« La rédaction de cet article est susceptible d’introduire une
discrimination à l’égard des français d’origine nord-africaine ayant
servi dans des formations régulières, exclues du bénéfice de
l’article 8 » du projet devenu l’article 9 de la loi.

C’est une circulaire de la Délégation aux Rapatriés en date du 30
janvier 1989 qui a étendu l’application de l’article 9 de la loi N°
87-549 du 16 juillet 1987, d’une part aux nombreux supplétifs
réintégrés par décret dans la nationalité française antérieurement
au 10 janvier 1973 et d’autre part à diverses catégories d’assimilés
dont les français rapatriés originaires d’Afrique du Nord, anciens
militaires ayant appartenu aux forces régulières françaises, mais ayant
quitté l’armée avant quinze ans de services, à l’exclusion de ceux
qui ont effectué leur seul service militaire obligatoire dans les unités
régulières. Indéniablement cette circulaire du 30 janvier 1989 ajoutait
de nouvelles catégories de personnes bénéficiant des dispositions de
l’article 9 de la loi du 16 juillet 1987, mais la Mission
Interministérielle aux Rapatriés n’en a jamais soulevé
l’illégalité notamment au sujet des nombreux supplétifs réintégrés
avant le 10 janvier 1973.

De toute façon, cette illégalité a été couverte par la loi N°
94-488 du 11 juin 1994 relative aux rapatriés anciens membres des
formations supplétives et assimilés. Son article 1er témoigne la
reconnaissance de la République française envers les rapatriés anciens
membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la
captivité en Algérie pour les sacrifices qu’ils ont consentis.
L’article 2 accorde une allocation complémentaire de 110 000 francs à
chacun des bénéficiaires du premier alinéa de l’article 9 de la loi du
16 juillet 1987, tandis qu’à la page 6 d’une circulaire signée en
1994 par Monsieur ROMANI, Ministre délégué aux relations avec le Sénat
chargé des rapatriés, il était précisé que les bénéficiaires de
cette allocation étaient les anciens des formations supplétives et
assimilés. Le décret N°94-648 du 22 juillet 1994 visait les personnes
sollicitant le bénéfice de l’allocation prévue à l’article 2 de la
loi du 11 janvier 1994. Ces différents textes ne précisaient pas quels
étaient les assimilés ; il convenait à l’évidence de se reporter à
la circulaire du 30 janvier 1989 pour en connaitre la liste.

L’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002
(N°2002-1576 du 30 décembre 2002) accordait une allocation de
reconnaissance aux rapatriés anciens membres des formations supplétives
et assimilés ou aux victimes de la captivité en Algérie.

On en vient maintenant à la loi N° 2005-158 du 23 février 2005, dont
la principale innovation fût d’étendre différents avantages aux harkis
réintégrés après le 10 janvier 1973, lesquels jusqu’alors n’avaient
rien perçu. Ni le rapport DIEFENBACHER, ni les deux propositions de loi
SOISSON et VERCAMER ne s’étaient préoccupés de cette catégorie de
harkis. Alerté par des harkis membres de la section rouennaise de la
FNACITA, le lieutenant LEVEQUE, ancien officier des Affaires Algériennes,
avait soulevé le problème dans une lettre adressée le 29 octobre 2003
au Président de la Mission Interministérielle aux Rapatriés, lettre à
laquelle était jointe une note de 12 pages datée du 21 octobre 2003.
Cette note du lieutenant LEVEQUE fut reprise par plusieurs parlementaires
lors des débats sur les rapatriés à l’Assemblée Nationale le 2
décembre 2003 et au Sénat le 17 décembre 2003, ce qui amena le
Gouvernement à répondre (Compte-rendu analytique officiel de la séance
du 17 décembre 2003, page 20) :

« La question de la réintégration dans la nationalité française
m’a été posée par le président FISCHER. IL existe en effet des
personnes, essentiellement des harkis et des veuves mal informés, qui
ayant conservé la nationalité algérienne, faute de maitriser les
démarches administratives, ne peuvent bénéficier de l’ensemble des
mesures prises en leur faveur. Le Gouvernement étudie quelles mesures
dérogatoires pourraient leur permettre de bénéficier de la plénitude de
leurs droits. »

Lors d’une audience accordée au lieutenant LEVEQUE le 7 janvier 2004,
Monsieur DUBOURDIEU, président de la Mission Interministérielle aux
Rapatriés avança la date du 1er janvier 1994 avant laquelle les harkis
avaient dû être réintégrés dans leur nationalité française pour
pouvoir prétendre aux avantages de la future loi. Monsieur LEVEQUE fût
ensuite reçu le 26 février 2004 par Monsieur MEKACHERA, Secrétaire
d’Etat aux Anciens Combattants. Lors du Conseil des Ministres du 10 mars
2004, le projet de loi fut adopté avec la date du 1er janvier 1995 dans
l’article 4 du projet devenu l’article 9 de la loi du 23 février 2005.
En faisant référence à l’article 67 de la loi de finances N°2002-1576
du 30 décembre 2002, l’article 2 du projet de loi devenu l’article 6
de la loi incluait les assimilés à côté des harkis. Le projet de loi
dans son commentaire de l’article 2 donnait la liste des différentes
catégories bénéficiaires : dans un a) cette liste reprenait celle des
unités supplétives de l’arrêté du 11 février 1975 et dans un b)
celle des différents assimilés de la circulaire du 30 janvier 1989. Par
contre, l’article 4 du projet de loi devenu l’article 9 de la loi ne
citait que les anciens harkis et membres des formations supplétives, sans
y ajouter les assimilés.

Dans son rapport N°1660 du 5 juin 2004, Monsieur Christian KERT, à la
page 29, donne les listes des formations supplétives et des assimilés,
dont les anciens militaires ayant appartenu aux forces régulières
françaises et participé aux opérations militaires de maintien de
l’ordre en Algérie, mais ayant quitté l’armée avant quinze ans de
services. A la page 37 concernant l’article 4 du projet devenu
l’article 9 de la loi, Monsieur KERT écrit :

« L’article 4 du présent projet remédie à cette injustice en
offrant aux harkis, anciens membres des formations supplétives ou
ASSIMILES , ou à leurs veuves, et qui ont acquis la nationalité
française avant le 1er janvier 1995 la possibilité de leur accorder le
bénéfice des mesures définies aux articles 2 et 3 du projet de loi. »

Ainsi le rapport de Monsieur KERT prouve-t-il que même si les
assimilés ne sont pas mentionnés dans le texte de l’article 4 du projet
devenu l’article 9 de la loi, le législateur avait clairement exprimé
sa volonté qu’ils bénéficient du dit article au même titre que les
harkis.

De même que l’article 6 de la loi N°2005-158 du 23 février 2005, le
décret N°2005-477 du 17 mai 2005, article 1er , fait référence à
l’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2002, pour
désigner les bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance.
L’article 3 du décret visant les conditions d’application de
l’article 9 de la loi donne la liste des formations supplétives de
l’arrêté du 11 février 1975 et pas celle de la circulaire du 30
janvier 1989. Cette omission est contraire elle aussi à la volonté du
législateur exprimée à la page 37 du rapport de Monsieur KERT
mentionnant les assimilés à côté des harkis.
La circulaire interministérielle du 16 août 2005, à la page 7,
précise que les bénéficiaires de l’allocation de reconnaissance
doivent avoir servi dans une unité supplétive ou être assimilés (cf
liste annexe I). A la page 9, il est écrit que pour la dérogation de
l’article 9 de la loi, cette dérogation s’adresse aux anciens
supplétifs ou à leurs conjoints qui n’ont pas souscrit la déclaration
recognitive avant le 10 janvier 1973. Les assimilés ne sont pas
mentionnés, mais nous avons démontré ci-dessus que le législateur les
avait inclus à côté des harkis. L’annexe I se trouve aussitôt après
la page 30 de la circulaire. Cette annexe comprend deux parties : en 1er
la liste des unités supplétives de l’arrêté du 11 février 1975 et en
2° la liste des assimilés de la circulaire du 30 janvier 1989, dont les
militaires des forces régulières françaises ayant quitté l’armée
avant quinze ans de services.

Ainsi apparait-il que le rapport de Monsieur KERT supplée au silence de
la loi et du décret au sujet du droit à l’allocation de reconnaissance
pour les assimilés réintégrés après le 10 janvier 1973. Si la Mission
Interministérielle aux Rapatriés refusait de reconnaitre cette évidence,
il serait très facile à titre subsidiaire de lui répondre que la
question ne se pose même pas puisque nous avons démontré que
l’éventuelle illégalité de la circulaire du 30 janvier 1989
mentionnant pour la première fois la liste des assimilés, avait été
couverte par la loi N° 94-488 du 11 juin 1994, visée par l’article 67
de la loi de finances N° 2002-1576 du 30 décembre 2002, visé lui même
par l’article 6 I de la loi N° 2005-158 du 23 février 2005 et que de ce
fait la liste de l’annexe I 2° de la circulaire interministérielle du
16 août 2005 ne faisait que reprendre la liste de la circulaire du 30
janvier 1989 et ne constituait donc en aucun cas une innovation et de ce
fait, n’ajoutait rien à la loi N° 2005-158 du 23 février 2005
contrairement à ce que prétendait le jugement du Tribunal Administratif
de Chalons en Champagne en date du 30 juillet 2010 dans l’affaire
TOUATI.

Par ailleurs et à titre très subsidiaire, il convient de souligner avec
force que la différence entre l’article 6 et l’article 9 de la loi du
23 février 2005 repose uniquement sur la date à laquelle les harkis et
assimilés ont effectué une déclaration de nationalité française ou ont
été réintégrés dans la nationalité française. Il s’agit donc
uniquement d’une question de nationalité française. Or le Conseil
d’Etat depuis 2005, reprenant une jurisprudence européenne, a écarté
toute référence à la nationalité française pour l’application de la
loi N°2005-158 du 23 février 2005. Cette nouvelle jurisprudence du
Conseil d’Etat vient d’être confirmée par une décision du Conseil
Constitutionnel en date du 4 février 2011. Il n’y a donc plus lieu de
distinguer les conditions de l’article 6 de celles de l’article 9.
L’article 9 n’a plus aucune justification : tous les harkis et
assimilés ont droit au bénéfice de l’allocation de reconnaissance à
la condition d’être installés en France avant le 10 janvier 1973 et de
façon continue depuis cette date, sans aucune exigence de nationalité
française.

Jacques LEVEQUE

Ancien Officier des Affaires Algériennes

Membre du Comité

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