Paroles du 5 juillet ..
... transmis par Guy Montaner ...
5 juillet 1962-5 juillet 2010. 48 ans que l’horreur est tue, que l’information est étouffée à tel point qu’il se trouve encore certains de nos compatriotes pourtant français d’Algérie pour nous dire qu’ils ne savaient pas, ou qu’ils ont appris très récemment.
Et pourtant, nous le répétons inlassablement. Racontons une fois de plus.
Les jours qui ont précédé le 5 juillet, les camions militaires sillonnaient les rues, appelant les oranais à reprendre leur travail . L’armée est là et vous protège disent-ils.
Le 5 juillet au matin, chacun vaque à ses occupations. Il y a du monde en ville . Mais un véritable guet-apens se prépare.
Vers 10h, boulevard Galliéni, centre ville, une foule énorme d’algériens défile. La tension est à son comble. Sur ce même boulevard, des familles entières d’européens venues de tout le département, fuyant les atrocités du FLN attendent depuis de longues heures, des places devant les compagnies d’aviation. A l’autre bout du boulevard, derrière les grilles fermées du Lycée Lamoricière, des militaires hilares, en attente de la quille, photographient la scène.
Le décor est planté. Les spectateurs sont prêts, les bourreaux aussi. L’horrible chasse à l’homme va alors commencer.
Vers 11H, les premiers coups de feu éclatent. La folie meurtrière se déchaîne.. Systématiquement, on tue ou on enlève tous les européens dans les rues et les bureaux. Ceux qui ne sont pas tués sur place sont emmenés dans des camions au commissariat central ou aux abattoirs municipaux, hommes, femmes, enfants. Des monceaux de cadavres sont déversés dans le petit lac. Celui-ci a en partie été comblé quelque temps après en raison disent les témoins des odeurs pestilentielles qui s’en dégageaient. De tout cela, nous sommes sûrs. Ces faits sont maintenant racontés par des témoins algériens eux-mêmes dont les langues commencent à se délier .Le principal tueur est nous a-t-on dit décédé l’an dernier et était appelé par les algériens oranais : le boucher. Il officiait paraît-il aux abattoirs. Les oranais français en surnomment un autre de la sorte, le général Katz.
Les plus hautes autorités savaient ce qu’il se passait . Mais le chef suprême de l’Elysée, celui dont on nous encore récemment rebattu les oreilles, avait donné l’ordre de ne pas intervenir quoiqu’il arrive.
Nous accusons De Gaulle, Messmer, Joxe, Katz de non assistance à personne en danger.
Nous accusons aussi tous ceux qui avaient la mission de nous défendre et qui n’ont rien fait alors qu’ils savaient et que leur devoir était de désobéir
Nous accusons ceux dont la mission était de retrouver les disparus, qui ont su et qui n’ont rien dit et en particulier la Croix Rouge.
Nous accusons tous les gouvernements qui se sont succédé en France et qui n’ont pas eu le courage de reconnaître ces faits.
Nous avons appris récemment que la mention « mort pour la France » avait été refusée aux morts du 5 juillet. Motif : cela s’est passé après l’indépendance qu’ils fixent au 2 juillet ;
Autrement dit :
ils sont restés après cette date, ils ont pris leurs responsabilités.
Ont-ils oublié qu’on nous avait conseillé de rester ?
La France avait soi-disant tout fait pour que nous puissions continuer à vivre chez nous en toute tranquillité. Les accords d’Evian les protégeaient. L’ont-ils réellement cru ou ont-ils fait semblant ?
Le Président de la République a oublié les promesse du candidat Sarkozy à Toulon, quant à la reconnaissance des souffrances des français d’Algérie.
Une de nos amis, fille de disparu ayant demandé pour son père enlevé le 5 juillet la mention « mort pour la France avait d’abord reçu une lettre d’acceptation et quelques semaines après une rectification : on s’était trompé, il n’y avait pas droit ! Je vous lis ces 2 lettres ;
Alors dans ces conditions, qu’irions-nous faire sous l’Arc de Triomphe, on nous donne un os à ronger pour nous faire oublier les vrais problèmes.
Nous devons au contraire multiplier les cérémonies dans chacune de nos villes.
Nous devons parler, parler encore, crier même.
Je demande à tous ceux qui ont été des témoins d’écrire aux élus à la presse.
Et qui sait, peut-être un jour un réalisateur ira présenter à Cannes un film relatant nos souffrances, film que nos dirigeants se feront bien sûr un devoir de financer généreusement.
L’espoir fait vivre dit-on.
En attendant, inclinons- nous devant toutes les victimes françaises d’Algérie, 26 mars, 5 juillet, harkis, tous les disparus, tous les massacrés, civils comme militaires.
Ayons aussi une pensée aujourd’hui pour les 1300 marins victimes du bombardement par les anglais de la flotte française les 3 et 6 juillet 1940, cela fait 70 ans.
Merci de m’avoir écouté(e).
Merci de votre présence.
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Ce texte est celui qui a été lu par les représentants de l’Amicale des Oraniens (AOBR)
Manuel Florentino à Marignane-
Guy Montaner à Aix en Provence
Jocelyne Quessada (auteur du texte) à Marseille