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Nostalgérie
Un mythe douloureux
J’ai eu connaissance d’un article de "Ouest-France" relatant des Rencontres récentes réunissant des intellectuels natifs ou fils de natifs d’Algérie.
Je me retrouve énormément dans ces déclarations que ce soit sur l’apparition du terme " Pieds-noirs" que sur l’accueil en Métropole ou sur l’amalgame avec les riches colons.
2 remarques préalables :
Tout d’abord, j’ai l’impression que l’atterrissage a été plus dur pour ces Français d’origine Espagnole qui ne connaissaient pas la Métropole et n’y avaient pas d’attaches familiales donc aucune entraide. Par ailleurs, à Oran on parlait plus l’espagnol que le français, même si la scolarité était en français. J’ai connu plusieurs rapatriés qui sont restés parqués plusieurs mois dans des camps, à Gémenos par exemple, avant d’être dispatchés.
J’ai le même sentiment sur l’absorption des rapatriés. Cependant, je suis toujours étonné qu’à chaque occasion ou l’on cherche à récupérer des voix "extrémistes" on flatte les régions entourant la Méditerranée.
« Les pieds-noirs, mémoire politique »L’écrivain Alain Vircondelet cite volontiers Albert Camus. Photo Thierry David
Le mot « pied-noir », qui est apparu dans le langage courant autour de 1962, est devenu l’appellation dans laquelle se reconnaissent tous ceux qui ont vécu le traumatisme du rapatriement à cette époque, mais aussi leurs enfants et descendants.
C’est pourquoi les Rencontres IEP-« Sud Ouest » qui se tenaient hier à Pessac sur le thème « Les pieds-noirs, mémoire politique » (elles étaient animées par Hélène Valeins, journaliste à « Sud Ouest ») ont fait le plein d’une audience attentive, émue à l’évocation de moments particulièrement douloureux. Ainsi, quand l’écrivain Alain Vircondelet a évoqué une interview terrible de Gaston Defferre, maire de Marseille, dans laquelle il faisait référence aux rapatriés de 1962 : « Qu’ils partent, qu’ils traversent à nouveau la mer, mais qu’ils ne viennent pas chez nous », la réprobation était encore palpable quarante-huit ans plus tard.
Les lauriers-rosesLe cinéaste Gilles Perez, fils de rapatriés, né en métropole, n’avait pas jugé utile de s’intéresser à la question jusqu’à ce qu’il réalise un documentaire qui lui a fait comprendre pourquoi le sujet n’avait jamais été abordé dans sa famille : « En 1962, ils ont eu conscience qu’il fallait partir en France, mais ils se sont dit aussi qu’ici il leur faudrait raser les murs. »
Pour tous, quitter l’Algérie pour une métropole dont ils n’avaient souvent aucune connaissance directe a été vécu comme un traumatisme. Celui-ci a été loin d’être adouci par l’accueil réservé : « Retournez chez vous ! » proclamait une banderole de la CGT à l’arrivée du « Ville d’Alger », d’où débarquaient Alain Vircondelet et sa famille, en 1962, à Marseille.
Vécue comme un mythique paradis perdu, l’Algérie, où ils avaient « tout perdu », n’était pourtant pas pour eux un pays de nababs, expliqua l’historien Jean-Jacques Jordi : « Tout, c’était très souvent fort peu de choses, des senteurs, la nature, les lauriers-roses. »
Pour Gilles Perez, en effet, le mythe des grands colons propriétaires terriens a fait beaucoup de mal aux pieds-noirs : « Quand j’ai proposé aux chaînes de télévision mon documentaire sur le plus grand exode qu’ait connu la France depuis la Seconde Guerre mondiale, on m’a très vite demandé combien d’hectares nous avions là-bas, alors que ma famille n’y a jamais rien possédé. »
Emmanuelle Comtat, elle aussi fille de rapatriés d’Algérie, professeur à Sciences Po Grenoble, a également précisé que ce traumatisme a été d’autant plus douloureux que les pieds-noirs se sentaient profondément français, au point de « redouter qu’on ne les prenne pas comme assez français ».
Le prix du sangSouvent venus directement d’Espagne ou d’autres pays européens, ils avaient dû se fondre dans ce « melting-pot », et chaque famille avait payé pour cela le prix du sang dans les guerres mondiales.
Finalement, expliquait Alain Vircondelet, l’amertume des rapatriés s’est davantage tournée contre les métropolitains que contre les Arabes musulmans, « qui eux aussi ont subi la terreur et qui eux aussi, en 1962 ne savaient pas où ils allaient ».
Malgré tout cela, expliquait Emmanuelle Comtat, parlant d’expérience, le fait d’être pied-noir n’a pas traversé les générations : « Les enfants de ceux qui ont subi l’exode ne se sentent pas pieds-noirs ; déjà, ils se revendiquent d’une région de métropole où ils ont vécu. L’identité ne se transmet pas aux enfants. »
Restent des pages admirables d’Albert Camus, que cite volontiers Alain Vircondelet, pour rêver sur un pays devenu mythique.
Voir en ligne : http://patawet.hautetfort.com/archi...