Le singe et la lanterne magique -C’est très bien de savoir se servir d’un clavier !! mais pour dire quoi ?

, par  Jean Claude THIODET ✞ , popularité : 39%

Le singe qui montre la lanterne magique

Messieurs les beaux esprits dont la prose et les vers

Sont d’un style pompeux et toujours admirable,

Mais que l’on n’entend point, écoutez cette fable,

Et tâchez de devenir clairs.

Un homme qui montrait la lanterne magique

Avait un singe dont les tours

Attiraient chez lui grand concours.

Jacqueau, c’était son nom, sur la corde élastique

Dansait et voltigeait au mieux,

Puis faisait le saut périlleux,

Et puis sur un cordon, sans que rien le soutienne,
Le corps droit, fixe, d’aplomb,

Notre Jacqueau fait tout du long

L’exercice à la prussienne.

Un jour qu’au cabaret son maître était resté

(C’était, je pense, un jour de fête),

Notre singe en liberté

V eut faire un coup de sa tête.

Il s’en va rassembler les divers animaux

Qu’il petit rencontrer dans la ville ;

Chiens, chats, poulets, dindons, pourceaux,

Arrivent bientôt à la file.

Entrez, entrez, messieurs, criait notre Jacqueau,

C’est ici, c’est ici qu’un spectacle nouveau

Vous charmera gratis.

Oui, messieurs, à la porte

On ne prend point d’argent ; je fais tout pour l’honneur.

A ces mots, chaque spectateur

Va se placer, et l’on apporte

La lanterne magique ;

on ferme les volets,

Et par un discours fait exprès Jacqueau prépare l’auditoire.

Ce morceau vraiment oratoire

Fit bâiller, mais on applaudit.
Content de son succès, notre singe saisit

Un verre peint qu’il met dans sa lanterne.

Il sait comment on le gouverne,

Et crie, en le poussant : Est-il rien de pareil ?

Messieurs, vous voyez le soleil,

Ses rayons et toute sa gloire.

Voici présentement la lune, et puis l’histoire

D’Adam, d’Ève et des animaux ...

Voyez, messieurs, comme ils sont beaux !

Voyez la naissance du monde ;

Voyez ...

Les spectateurs, dans une nuit profonde,

Écarquillaient leurs yeux et ne pouvaient rien voir,

L’appartement, le mur, tout était noir.

Ma foi, disait un chat, de toutes les merveilles

Dont il étourdit nos oreilles,

Le fait est que je ne vois rien.

Ni moi non plus, disait un chien.

Moi, disait un dindon, je vois bien quelque chose

Mais je ne sais pour quelle cause

Je ne distingue pas très bien.

Pendant tous ces discours, le Cicéron moderne
Parlait éloquemment, et ne se lassait point.

Il n’avait oublié qu’un point :

C’était d’éclairer sa lanterne.

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