HISTOIRE D’EAU --- ORAN
LE BARRAGE DES BENI BAHDEL
Qui d’entre nous pourrait ne pas se souvenir de cette eau saumâtre appelée « eau salée » qui coulait dans les robinets de nos habitations ?
Dès 1831, lorsque les Français débarquèrent à Oran, seul le quartier de la Marine était habitable.
C’est bien plus tard que la ville s’étendra vers le Sud, au-delà des portes
fortifiées par les Espagnols et du quartier construit par les juifs d’Oran.
Déjà, à cette époque, pour s’approvisionner en eau douce, il fallait se rendre au Ravin Raz el Aïn .
Les vendeurs d’eau allaient la puiser dans le ruisseau qui coulait de ce ravin et remplissaient les outres de cette eau potable qu’ils transportaient à dos d’âne, ou de chameau, pour la vendre aux Oranais.
Cette eau provenait de la Source Noiseux dont tous les Oranais ont entendu parler.
Descendant du Ravin, elle allait plus tard, alimenter de magnifiques lavoirs construits près de la Place des Quinconces dans le quartier de la Marine, pour le plus grand bonheur des lavandières Oranaises.
Comme ‘’l’eau minérale’’ mise en bouteille n’existait pas, elles avaient recours aux ‘’marchands d’eau’’ qui , avec tous moyens de locomotion, rapportaient l’eau depuis le ravin Raz el Aïn et vendaient les bonbonnes aux ménagères qui ne pouvaient se dispenser de cette eau douce nécessaire à toute la famille.
Une autre source - la nappe de Brédéah - se situait à Miserghin et offrait aussi son eau douce. Distante d’une douzaine de kilomètres à l’ouest d’Oran , elle servait aussi à alimenter les foyers démunis de cette eau précisieuse.
Nos mères n’avaient donc que de l’eau saumâtre disponible pour les besoins journaliers de la maisonnée.
Une anecdote - à la vie dure - raconte que, après l’alimentation en eau douce, dans la ville d’Oran, certains de nos aînés, trop habitués à boire leur café passé avec l’eau saumâtre du robinet, et ne retrouvant pas son gôut, ajoutait du sel dans l’eau des cafetières !
Mais voilà ici contée une autre histoire , une histoire d’eau …
Pendant sa campagne électorale briguant la Mairie d’ORAN, dans les années 1932 /1934, L’Abbé Lambert, alors Conseiller Général et se disant sourcier, promettait aux Oranais l’alimentation en eau douce pour tous .
Son élection au poste de Premier Magistrat de la Ville - et sa détermination à fournir cette l’eau de la vie à tous - aura été, très certainement, déterminante dans la décision que prirent les services de l’Hydraulique pour modifier le projet du barrage des Beni Bahdel qui était à l’étude.
Ce projet de barrage vit, enfin, le début de sa réalisation au cours de l’année 1934.
Edifié au pied des Monts de Tlemcen, sur l’Oued Tafna , il se situait à 25 kilomètres de Marnia.
Le projet initial , conçu pour irriguer la plaine de Marnia, portait sur une hauteur de 47 mètres.
Les services de la DHER (Direction de l’Hydraulique et de l’Equipement Rural), décidaient alors de mettre à profit ce barrage pour alimenter la ville d’Oran , dépourvue de toute nappe assez importante pour suffir à ses besoins.
Afin de répondre aux nouveaux objectifs , la hauteur du barrage prévue initialement, fut portée de 47 mètres à 54 mètres (67 mètres, selon la revue « Travaux » de 1936).
Son volume est de 63 millions de mètres cubes d’eau.
Pour rejoindre la ville d’Oran, les services de l’hydraulique devront construire quelques 170 kilomètres de canalisations.
Les travaux vont durer dix ans.
Ainsi, le mandat de M. Lambert s’achevera sans avoir vu la réalisation de ses promesses.
C’est en 1944, que se fit la mise en eau du Barrage.
Mais les Oranais devront encore patienter huit années .
Huit années, pendant lesquelless dureront les travaux de construction du réseau de raccordement à la ville.
Le 27 juillet 1952
l’eau douce coule enfin dans les chaumières .
Date mémorable pour toute la population Oranaise qui se vit offrir par le Maire de l’époque …. L’anisette à l’eau douce du robinet !!
Bien sûr, d’aucuns prendront cette manifestation comme une « galéjade » et pourtant ….
Quel cadeau plus merveilleux pouvait-on offrir ?
L’eau de la vie !
C’est à Monsieur Fouques du Parc, élu maire d’Oran cette année-là, que revint l’honneur d’inaugurer la mise en eau.
Mais les Oranais n’avaient pas oublié celui qui, quelque dix années plus tôt , en avait fait son cheval de bataille .
Ainsi, lorsque je demandai à ma mère, aujourd’hui âgée de 85 ans
A quelle époque avons-nous eu l’eau douce « au robinet » ?
elle me répondit :
C’est l’Abbé Lambert qui a tout fait pour que l’on ait l’eau et c’est seulement avec Fouques du Parc que cela s’est concrétisé !
J’aime la mémoire fidèle des Oranais pour qui la Parole :
« Rendez à César ce qui est à César » est toujours vraie.
S’il m’a fallu un peu plus de temps pour retrouver des dates précises, je sais qu’à mon exposé manque la fidèle mémoire de mon Père.
j’ai longtemps dans mon enfance été bercée par des noms aussi mystérieux que
Oued Fergoug, Beni Bahdel, Bou Hanifia, La Sebkha …
et
Mascara, Perregaux, Palikao, Frenda, Aîn sefra, Relizane …
La construction de ces barrages, batardeaux, et autres chateaux d’eau était tout son univers.
Ils m’ont souvent privée de sa présence, mais je suis fière aujourd’hui qu’il ait contribué par son travail, son intelligence et surtout ses compétences a donner du bonheur dans les endroits les plus retirés du Sud oranais.