Comique éthique économique.

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La France a toujours su choisir ses Mozart de la finance parmi les élites les plus capables de jongler avec les chiffres pour leur faire dire n’importe quoi ou pour tout simplement nous bercer avec leur belle musique sensée nous endormir.

 

Cahuzac qui est Président de la Commission des Finances à l’Assemblée Nationale, peut être félicité car il a su prouver dimanche soir (Grand Jury LCI-Figaro-RTL) qu’en matière de chiffres, il maîtrisait parfaitement la langue de bois.

 

Alors qu’il venait de réitérer la promesse de son maître qu’il n’y aurait aucun dérapage des dépenses car la France ne pouvait se permettre aucun laxisme budgétaire, il a été interrogé sur le coût des 60 000 postes d’enseignants que Hollande a promis et dont le financement risque justement de poser problème.

Avec l’aisance verbale qui est la sienne, Cahuzac nous a rassurés cela ne coûtera que 386 millions d’euros par an donc moins que les 30 000 places de prison promises par Sarkozy.

Et pour que sa maîtrise des questions comptables et sa sincérité ne soient pas mises en doute il s’est retranché derrière une étude de l’Institut Montaigne dont ce sont les chiffres qu’il dit citer.

 

Ouf, on est rassuré, sauf bien sûr si on trouve étonnant que l’État puisse recruter des enseignants pour un coût moyen mensuel pour lui de 643 €, ce qui doit faire à peine 350 € de salaire net.

 

Mais qui sera assez étonné pour vérifier ce qu’a réellement dit l’Institut Montaigne  ?

 

Ceux qui l’ont fait ont vu que ce que Cahuzac vendait aux gogos comme coût annuel c’était le surcoût pour la seule première année où on ne compterait que 12 000 nouveaux postes créés (Montaigne annonce un coût de 378 millions). La 2ème année le coût serait doublé à 752 millions hors inflation, il passerait ensuite à 1 128 puis à 1 504 millions et enfin à 1 880 millions au bout des 5 ans.

Donc pour citer correctement Montaigne Cahuzac aurait dû dire que, après la montée en charge, ces postes d’enseignants coûteront finalement à l’État 1 880 millions  et non pas 386 millions chaque année et que les prisons reviendront un peu moinbs cher mais quand même 1 250 millions par an

[ NDRL : contraitement aux 60 000 enseignants dont le coût est stabilisé à son maximum au bout de 5 ans, les 30 000 places de prisons ont un coût de construction qui, dans le calcul de Montaigne, est amorti en 5 ans. Au bout de 5 ans la construction des prisons étant totalement payée, ces 30 000 places ne coûteraient plus de 730 millions par an, coût du fonctionnement. ]

Mais dans un cas comme dans l’autre, il s’agit de dépenses supplémentaires qu’il faudrait trouver le moyen de financer.

Cahuzac se trompe donc et on peut penser qu’il n’a pas lu le rapport Montaigne et qu’il a cité ce chiffre sans se rendre compte de l’absurdité de son propos.

 

Pourtant, après la bourde de Hollande qui avait annoncé que les 60 000 enseignants seraient financés simplement en supprimant le redoublement des élèves(*), on pourrait imaginer que Cahuzac a fait ses comptes.

Après tout il est également responsable du volet budget-finances-fiscalité de la campagne de Hollande. Il doit donc avoir réfléchi à la question et connaître le coût réel.

Dans ce cas peut-être aura-t-il tout simplement opté pour un silple mensonge électoral dont les politiques sont friands sinon coutumiers.

 

Quel que soit le cas réel et quelle que soit les excuses qu’on puisse trouver à Cahuzac, il est navrant que la France soit trop souvent entre les mains de tels artisans de l’information car malheureusement, Cahuzac n’est pas le premier gérant des finances publiques qui s’affranchit volontairement ou non des principes comptables les plus élémentaires. Rappelons-nous  :

 

Pécresse, ministre du budget, nous a récemment expliqué que la Règle d’Or interdisant les déficits de l’année où elle est mise en œuvre, effaçait du même coup les dettes cumulées depuis 30 ans  ! (**)

 

Mais il y a eu par le passé des perles bien plus savoureuses, par exemple  :

 

Bérégovoy quand il était ministre des finances en 1986, avait emprunté un million de francs sans intérêts à Roger-Patrice Pelat parce que, pauvre cheminot, il n’avait pas d’autre moyen pour s’acheter un appartement à Paris.

A l’époque l’intégrité de ce responsable politique en poste qui reçoit un tel cadeau (les intérêts de sa dette) n’a jamais été suspectée. Et quand il a été annoncé que cette dette serait immédiatement remboursée, peu de gens se sont demandés où et comment ce pauvre cheminot s’était procuré les livres anciens et les objets d’art valant une fortune qu’il utilisait comme remboursement en nature.

Auteur de la grande loi anti-corruption, Bérégovoy ne pouvait pas ignorer la portée morale de ses propres agissements.   

 

Alphandéry, quand il était ministre des finances en 1993, a déboursé 30 milliards de francs pour sauver le Crédit Lyonnais de la débâcle suite aux opérations douteuses que cette banque avait faites alors qu’elle agissait sous le contrôle de l’État qui en était propriétaire. Cet éminent ministre nous avait rassurés à l’époque en affirmant que ce prêt sans intérêts serait remboursé intégralement à l’État et qu’il ne coûterait donc pas un centime au contribuable.

Plusieurs interprétations peuvent éclairer cette affirmation rassurante  :

·         La France qui était déjà très endettée avait trouvé un prêteur à qui emprunter ces 30 milliards sans intérêts (ce prêteur sans intérêts n’était certainement pas Roger-Patrice Pelat car il était alors décédé).

·         Ceux qui trouveront cette première explication peu réaliste peuvent imaginer que cet universitaire, professeur d’économie, n’était pas très féru en la matière et qu’il croyait donc sincèrement ce qu’il disait.

 

 

En conclusion, Cahuzac ne fait que suivre une pratique française qui autoriserait une certaine licence verbale lorsque les serviteurs de l’État doivent convaincre les citoyens

 

 

(*)            voir François se plante pour gagner quelques voix d’enseignants

(**)          voir Règle d’or : Valérie l’a dit

 

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Voir en ligne : http://blog.francetv.fr/blogistan-a...

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