Les apprentis bouffons de la politique

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Les apprentis bouffons de la politique

L’actuelle campagne pour la prochaine élection présidentielle semble chaque jour en passe de franchir un nouveau palier vers la politique spectacle… Que ce soient les candidats ou leurs représentants, de quelques bords qu’ils soient, tous participent, de façon de moins en moins obligée et de plus en plus obsessionnelle, à un véritable numéro de cirque… pour le plus grand bonheur des animateurs des plateaux de télévisions ou de radios qui les font ainsi tous passer sous les fourches caudines de la dérision la plus humiliante.

Les émissions purement politiques ont quasiment disparues, mais les professionnels de la politique, eux, sont partout… Et quand ils n’y sont pas, ou pas suffisamment à leur gré, toute leur énergie semble déployer à se faire inviter dans les émissions dont les taux d’audimats sont les seuls barèmes déontologiques.

Citons quelques émissions « phares » pour exemples emblématiques, soit le rendez-vous dominical de Michel Drucker « Champs-Élysées » ou chaque soir celui de Laurent Ruquier (« On n’est pas couché ») sur France 2 ou de Yann Barthès (« Le Petit Journal ») sur Canal Plus auxquelles on pourrait encore ajouter ceux de Thierry Ardisson, Marc-Olivier Fogiel, Cauet, Arthur ou Patrick Sébastien…

Le point commun de ces émissions est de mélanger sans cesse peoples, sportifs, saltimbanques et personnalités politiques – rarement (euphémisme !) scientifiques, artisans, commerçants, dirigeants de TPE ou de PME, etc. – et de les soumettre à un feu croisé de questions diverses et variées qui ne manquent jamais, invariablement, de déraper très en-dessous de la ceinture, sorte de passage désormais obligé de tout divertissement contemporain qui se respecte.

Ces émissions sont toutes calibrées de la même manière : sur fond des événements de l’actualité quotidienne ou hebdomadaire, l’animateur interroge les sportifs ou les saltimbanques sur la marche du Monde, soit quelles seraient leurs solutions, forcément miraculeuses, pour faire reculer la misère ou stopper le trou dans la couche d’ozone ou leur demandent-ils encore de dicter leurs politiques aux grands de ce monde… tandis qu’il assèneront aux personnalités moults quolibets sur leurs discours et leurs actions et les interrogeront, eux, sur « ce qui les fait marrer  », s’ils passent leur week-end à lutiner leur conjoint(e), quel sport ils pratiquent et, in fine, les obligeront à pousser la chansonnette ou à participer à quelques numéros de clowns – épreuves physiques ou examen oral de niveau cours de récréation – sensés montrer qu’ils sont « vachement cools »… Soit, plus prosaïquement, à montrer jusqu’où ils sont prêts à se ridiculiser : généralement jusqu’où il leur est demandé… voire même jusqu’où on ne leur demande pas, ce qui ne manquent jamais de déclencher des salves de rires gras et programmés.

Ainsi va la vie politique française actuelle…

Mais, et c’est là le plus extravagant, la quasi-totalité des politiques remercient toujours d’avoir été invités et assurent être prêts – et désireux– à revenir dès qu’on le leur demandera. On sent même que s’ils pouvaient devenir permanent de ces émissions, ils auraient l’impression de décrocher quelque Jack-pot miraculeux.

Succès assuré, mission remplie, il ne leur reste ensuite qu’à attendre avec gourmandise leur gain en popularité dans l’inévitable sondage publié le lendemain dès potron-minet.

La soumission aux maîtres tous puissants des médias de la part des dirigeants politiques ou de ceux qui aspirent à le devenir est assez effarante. Et effrayante !

À tel point qu’on est tout surpris lorsque dans une de ces émissions – celle de Laurent Ruquier(1) – deux saltimbanques viennent divertir l’assistance avec un sketch où la politique est totalement absente. Pas même une allusion. On n’y parle que d’amour entre une fève et une galette(2). C’est le mois pour ça, évidemment. Mais ça fait tout drôle, cette brusque et insolite bouffée d’humour pur, faits de simples jeux de mots et d’acrobaties verbales toutes empreintes de sensibilité de sentiments et de légèreté de situations. On finissait par penser que ce n’était plus possible.

Reconnaissons-le carrément : Garnier et Sentou, les deux interprètes du sketch « De la galette des Rois pour le dessert » sont doués et très professionnels. Bien davantage que les désormais apprentis bouffons de la politique.

Notes

(1) « On n’demande qu’à en rire », 4 janvier 2012.

(2) Sur Youtube : Garnier-et-Sentou-[56]-De-la-galette-des-Rois-pour-le-dessert.

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