Affaire DSK/Diallo : le socialisme est mort... Même s’il bande encore
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Vous ne serez pas surpris si cette semaine encore, je consacre ma tribune à l’affaire DSK. Non, non, rassurez-vous, je ne vous ferai pas un copier coller de tout ce qui a été rabâché depuis dimanche dernier. A quoi servirait que je répète après tout le monde que la police (et la justice) américaine a l’air de se soucier de la présomption d’innocence comme de colin tampon, que la gauche a perdu pour un certain temps ce qu’on a appelé pompeusement la « bataille de la morale », encore que, à voir et entendre pérorer les socialistes, on se demande s’ils ont vraiment compris ce qui leur arrive. Ou enfin que je m’indigne avec le bon peuple des millions de dollars étalés avec indécence par l’épouse de DSK pour tirer son mari infidèle de ce énième mauvais pas dans lequel il s’est mis tout seul. Tout cela, ce n’est pas joli, joli, mais c’est du « business as usual », comme disent les américains.
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Il y a par contre dans cette affaire DSK une dimension extraordinaire qui semble, comme d’habitude, avoir échappé à tout le monde. Parce que derrière le vaudeville tragi-comique de l’inculpation de DSK se cache ce qui est probablement pour le 21ème siècle ce qu’a été le communisme pour le siècle précédent, et je n’exagère pas.
Oui, je vous le dis tout net, l’affaire DSK, c’est la mort du socialisme, ni plus ni moins ! Avant DSK, quelques illuminés, essentiellement concentrés en France, pouvaient encore croire au grand soir. Depuis DSK, c’est fini, plus de grand soir, les ténèbres glacés du chacun pour soi et de l’argent roi ont définitivement gagné la guerre de la vraie vie !
Et voici pourquoi : pratiquer le socialisme, on nous l’a assez seriné, c’est d’abord vivre dans le respect absolu des « valeurs » de gauche. Un bon socialiste n’a qu’un but dans la vie, du moins c’est ce qu’ils proclament à longueur de journée, agir pour améliorer le sort du peuple qui, par définition, souffre. Les mots vénérés par les socialistes, en dehors de peuple et de souffrance déjà cités, sont égalité, compassion, justice, morale, droits de l’homme, service public, impôts pour les riches, Mitterrand… et les mots détestés sont argent, riches, nation, police, droite, élites (sauf de gauche), droit du plus fort, castes, sélection, mérite, Sarkozy…
Rapportés à l’affaire qui hante nos nuits, il n’y a pas trente-six possibilités : dans la mesure où la plaignante a reconnu formellement son « agresseur », il ne peut pas y avoir erreur sur la personne. Ou bien c’est la femme qui ment, ou bien c’est DSK. DSK, en se proclamant innocent de tout ce dont la femme de ménage l’accuse, en faisant appel aux avocats les plus retors d’Amérique, en se servant sans compter de la fortune de sa femme pour s’en sortir à tout prix, et les socialistes, en soutenant mordicus la présomption d’innocence de leur « ami », disent clairement que la parole d’un des leurs, qui plus est l’un des hommes les plus puissants du monde, ne saurait être mise en balance avec celle d’un des êtres humains les plus faibles de la Terre. Ils ne s’en sont pas rendu compte, du moins je l’espère pour eux, mais en faisant voler en éclat les valeurs d’égalité et de justice dont ils se proclament les défenseurs intraitables, c’est exactement comme s’ils avaient décrété urbi et orbi que les fondements même du socialisme, c’était pour la populace, et qu’il n’avait jamais été prévu de les appliquer à leur caste.
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Parce que si DSK et les socialistes français, de Martine Aubry à Robert Badinter, étaient convaincus de la prééminence des valeurs qu’ils disent défendre bec et ongles, voilà ce qu’ils auraient fait : sachant combien la justice américaine est sans pitié pour les faibles et clémente pour les forts, sachant que, innocent ou coupable, DSK n’a d’autre choix, pour s’en sortir, que de détruire une pauvre femme, seule, sans défense, immigrée, noire, bref, Nafissatou Diallo représente le symbole même du combat socialiste pour un monde « humain », le but ultime pour lequel tout homme de gauche qui se respecte est prêt à donner sa vie (je plaisante, ne vous en faites pas pour eux), DSK aurait dû se sacrifier avec joie pour la « grande cause », et les socialistes, dussent-ils être définitivement bannis du ryad de Marrakech, lui plonger eux-mêmes le couteau sacrificiel dans le cœur.
Dès son arrestation, dans un communiqué poignant de sobriété et de retenue, DSK aurait déclaré que les valeurs de gauche auxquelles il avait consacré sa vie lui interdisaient de se rendre complice d’un lynchage judiciaire, que par conséquent il ne contesterait pas la parole de la plaignante et qu’il préférait passer de longues années en prison plutôt que de renier ses convictions en portant le moindre préjudice à cette femme courageuse. Il aurait plaidé coupable de tout ce dont Nafissatou Diallo l’accusait. Ça aurait eu de la gueule, et quel destin tragique !
Quant aux socialistes Français, ils auraient fait ce qu’ils savent le mieux faire : descendre dans la rue et manifester leur soutien à la victime - je leur aurais suggéré la place Vendôme, pour le triple symbole : la colonne pour le sexe, les bijoutiers pour le fric, le Ritz pour les amours ancillaires.
Au lieu de quoi, les limiers de DSK sont à la chasse au Diallo, et les socialistes à la poursuite des primaires. Rien de neuf sous le soleil ? Oh que si ! Il y a du nouveau, du tout nouveau : les socialistes, comme les dinosaures, sont morts, mais ils ne le savent pas encore.