Où sont passées les images du 5 juillet 1962 à Oran ?

, par  Kir , popularité : 34%

Cet article paru sur le n° 205 de décembre 1996 de la revue « Ensemble » relate un éditorial de Mme G. de Ternant.

Il ajoute à la documentation des événements du 5 juillet 1962, mais soulève surtout maintes interrogations, dont je ne formulerai que celles relevant des questions pratiques :

- qui détient le (ou les) film de cette tragédie ?

Le téléfilm des frères Pérez en dévoile quelques séquences.

La Télévision algéroise et radio Alger ont-elles couvert ces évènements ?

Les a-t-on empéchées de les diffuser ?

D’autres média étaient-ils sur place ?

Editorial de Mme Geneviève de Ternant dans sa revue « L’echo de l’Oranie » (n° 246 de septembre-octobre 1996) :

« Je remercie du fond du cœur tous les lecteurs qui nous ont envoyé leurs souvenirs de la journée tragique du 5 juillet 1962 à Oran ? Je sais combien fut douloureux ce retour dans leur mémoire et s’ils ont fait cet effort, comme je le fais aussi dans la peine sans cesse renouvelée et dans l’indignation qui m’habite depuis trente-quatre ans, c’est pour que la vérité éclate enfin aux yeux de tous et que soit lavé l’affreux soupçon que l’on a fait volontairement peser sur nous, d’avoir provoqué le massacre par « un tireur européen OAS » d’un toit. Nous avons toujours réfuté cette histoire idiote, mais nous sommes en mesure aujourd’hui d’apporter la preuve que ce « génocide » - le mot est choisi avec soin – fut l’œuvre du FLN , auquel De Gaulle avait donné carte blanche pour « faire peur aux européens » restant encore en Algérie. Ben Bella ne pouvait tolérer une minorité agissante, dynamique et très attachée à sa terre natale.

Les archives étrangères, puisque les archives françaises sont fermées aux chercheurs, sont formelles sur ce point et De Gaulle était d’accord. D’ailleurs, ses ordres à l’armée le prouvent. Mais Ben Bella ne fut qu’un instrument entre les mains criminelles de Boumedienne qui tirait les ficelles du Maroc, où ses troupes piétinaient sans avoir jamais combattu. Il fallait déconsidérer le GPRA, et le coup a fort bien réussi. Mais l’ALN d’Oudjda n’a passé la frontière du Maroc que le 6 juillet 1962, « pour ramener l’ordre » en Algérie.

Le « commandant Bakhti » (Djelloul Nemiche de son vrai nom) a lui-même réfuté la thèse d’un tireur isolé européen, dès le lendemain, dans la presse locale. Nous l’avons signalé dans « L’agonie d’Oran », tome 1, et Ferhat Abbas dans son livre « L’indépendance confisquée » parle de coups de feu partis du toit des maisons (et qui ont tués un scout musulman) tirés par « des inconnus en uniforme » et ajoute : « Affaire troublante après le cessez-le-feu du 19 mars, des voyous ont pris l’uniforme de l’ALN et se sont conduits comme des bandits de grand chemin » et ne l’oublions pas, ne l’oublions jamais, ils étaient aidés et secondés par des barbouzes et les gardes rouges de De Gaulle et consorts…

Mais, vous vous en souvenez comme moi, entre le 19 mars et le 1° juillet 1962, jour du vote de l’indépendance algérienne, aucun Arabe ni en civil ni en uniforme ne pénétrait en ville européenne, et ceci grâce à la vigilance de l’OAS, qui a empêché les massacres systématiques des Pieds-Noirs, sauf aux abords de la ville nouvelle et du village nègre où régnaient les gaullo-barbouzes. Vous vous en souvenez : pas un ! Cela est très important.

En effet, vous avez probablement entendu parler (ou vu) du film en deux cassettes vidéo intitulé « La guerre d’Algérie » réalisé par Yves Courrière et Philippe Monnier et qui porte au surplus cette précision en toute modestie : « Le film-document de référence ! » (Point d’exclamation compris). Je vous transcris la lettre courtoise que j’ai adressée le 17 jui 1996 à M. Yves Courrière par l’intermédiaire des Editions Montparnasse qui ont commis ce comprimé de désinformation systématique :

Monsieur,

J’avais lu en leur temps les quatre tomes que vous avez consacrés à la guerre d’Algérie et vous ne serez pas étonné que je désapprouve la vision très orientée que vous en donnez. A chacun ses opinions et là n’est pas mon propos. Lorsque vous avez fait passer à la télévision les films tirés de ces livres, je n’ai pas voulu les voir. Or j’ai été alertée par de nombreux coups de fil et lettres concernant une séquence, en sorte que j’ai dû me rendre compte par moi-même. En effet, vous situez à Oran et, d’après le contexte, avant le 17 juin 1962, la séquence où l’ont voit des Européens emmenés par des civils arabes armés et des ATO, et des coups de feu partant des toits et du sol. Or cette séquence, pour tout Oranais connaissant sa ville, ne peut avoir été tournée à l’époque donnée et même à une autre date que le 5 juillet 1962. Certains passages peuvent d’ailleurs provenir d’autres endroits ou d’autres dates, mais les images reconnues par plusieurs personnes ne peuvent provenir que d’Oran, le 5 juillet 1962, à midi vingt-cinq.

On nous avait toujours dit qu’il n’existait pas de film ni de photos de ce jour maudit. Vous administrez la preuve qu’il y avait un cameraman et aussi un photographe (vu de dos en chemise à carreaux). Plus de trente ans ont passés, mais la douleur des familles traumatisées est toujours là. Je vous demande, par humanité et sans souci de politique ou de polémique, de bien vouloir me dire où vous avez trouvé ces images et s’il est possible de voir le film et (ou) les photos prises ce jour-là. Si vous avez un peu de cœur, vous me répondrez.

Bien entendu, à ce jour, je n’ai aucune réponse. Voici donc les renseignements que l’on peut tirer de cette séquence :

On voit avec netteté le magasin « Ninon Nouveauté » qui appartenait à M. Joseph Mouchnino et était situé 2 boulevard Marceau, près du boulevard Clémenceau et de la rue de Mostaganem. Pas d’Arabes à cette époque dans ce secteur puisque tenu par le Réseau Bonaparte dirigé par « Président », le boulanger Jean-Paul Reliaud, aujourd’hui décédé.
Le cinéma Century se trouvait à l’angle de la rue Schneider et de la rue Jacques, soit entre le boulevard Galliéni et la rue de la Paix, donc en plein centre ville, au-dessous de la rue d’Alsace-Lorraine. Aucun Arabe ne s’est aventuré dans cet endroit avant le 5 juillet. Même les défilés des 3 et 4 juillet en voitures et en armes de la foule arabe ne sont pas passés par là.
On voit aussi le magasin fermé de M. Auguste Juan : « Au meuble massif » situé au 8 boulevard de Sébastopol, entre les boulevards maréchal Joffre et Magenta, près de la place Kargentah. Là, des enlèvements ponctuels avaient eu lieu avant l’indépendance mais, autant que nous ayons pu le savoir, le magasin de M. Juan n’était pas fermé à la mi-juin.

Il est tout à fait évident qu’aucun Arabe en uniforme de l’ALN ou en civil armé comme on en voit dans cette séquence n’a pu se trouver dans ces endroits à la date qui est suggérée (mais non dite) mais qui, puisque le film est censé être chronologique, se situe avant le 17 juin 1962 qui est cité après.

De plus, l’horloge carrée montre l’heure du forfait : 12 H 25, ce qui correspond à tous les témoignages. On nous montre des civils européens. Deux hommes, deux femmes, un petit garçon et deux fillettes, les bras en l’air, emmenés par ces ATO et civils arabes armés.
Ces images ont forcément été prises le 5 juillet 1962 à Oran. Il existe donc, contrairement à ce qui nous a toujours été affirmé, au moins un film et des photos de ce jour maudit. Ces documents, M. Courrière a pu en disposer et effectuer avec Mme Sylvie Blanc un montage mensonger. Passé au ralenti et dans cette optique, des personnes ont pu reconnaître les leurs emmenés vers la mort sans nul doute ou, pour les femmes et les fillettes, pire encore.

Le montage tend aussi à faire croire que le tueur sur le toit vise les soldats de l’ALN qui sont en bas, dans la rue et regardent en l’air. Or l’homme sur la terrasse a une ombre portée très longue et donc n’a pu être filmé que le matin tôt ou le soir. Très probablement, un Arabe et non un Européen. En bas, les soldats ont été filmés vers le milieu de la journée : leur ombre est courte. Il n’y a donc pas entre les deux images le lien de causalité que les auteurs veulent faire accroire.

Donc les auteurs de ces films mentent et dissimulent des preuves irréfutables du massacre du 5 juillet à Oran, car le film doit contenir d’autres éléments où les familles de disparus pourraient reconnaître les leurs. Et, si d’une séquence de quelques secondes, une telle accumulation de mensonges peut être relevée, je demande quel crédit peut être fait à l’ensemble de ce film « Document de référence » ?
C’est pourtant cela que passe la télévision, c’est cela que les Français et même peut-être certains de nos enfants croient. C’est comme cela qu’est racontée l’histoire, toute l’histoire, depuis très longtemps. M. Courrière n’est que le méprisable continuateur d’une désinformation systématique et dirigée dans un seul but d’avilissement que nous ne connaissons que trop. »

Geneviève de Ternant

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