La commission Kaspi : enquête sur les commémorations

, par  Kir , popularité : 14%

La présidence de La République a demandé un rapport sur l’opportunité des différentes commémorations dans notre pays. Le Ministère de La Défense s’en est chargé, via le Secrétariat d’État aux Anciens Combattants et sous la présidence du professeur André Kaspi.

Vous trouverez en lien, en bas de cet article, l’intégralité de ce rapport.

En voici des extraits qui nous intéressent plus particulièrement.

Le rapport KASPI

Les commémorations ont une histoire. De nouvelles peuvent être
créées ; d’autres, supprimées. Aucune d’elles n’a vocation à l’éternité.

Or, une commémoration nationale est, avant tout, comme l’adjectif le rappelle,
l’occasion d’un rassemblement de la nation. C’est une communion
qui se distingue de la communion religieuse, dans la mesure où
elle est décidée par le pouvoir politique et qu’elle repose, non pas
sur des croyances, mais sur la mémoire collective.

Elle donne à tous les citoyens l’occasion de vivre ensemble, de plonger
ensemble dans le passé pour mieux affronter l’avenir.
Elle doit susciter la réunion, que ce soit dans la joie ou dans le
recueillement.

Ce n’est pas ce qui se passe au début du XXIème
siècle. Les familles ont cessé, dans la plupart des cas, de créer et
d’entretenir la mémoire nationale. La mémoire nationale a perdu
de son intensité.

Les commémorations peuvent être classées en deux catégories.

Les unes évoquent des faits militaires, la fin des guerres mondiales,
alors que notre pays échappe à la guerre, sur son territoire,
depuis plus de 60 ans.

Les autres honorent à juste titre les victimes d’hier, mais n’ont-elles pas tendance à nous entraîner dans « la repentance », comme si la France vivait dans l’obsession des crimes qui auraient été commis au cours de sa longue histoire, comme si elle n’aspirait plus qu’à la rédemption pour expier les
fautes d’hier et d’avant-hier.

Du coup, bon nombre de commémorations vont à l’encontre de
leurs objectifs. Elles ne rassemblent plus. En conséquence des
changements qui affectent la composition de la population, des
groupes de pression se constituent, qui ne manquent pas de
réclamer de la nation la reconnaissance de leur existence, donc
de leurs spécificités et de leurs souffrances.

Des choix contestables brouillent les cartes.

Le 5 décembre, par exemple, est rejeté par la majorité des anciens combattants d’Algérie qui s’en tiennent avec fermeté à la date du 19 mars. Il faut reconnaître que le choix du 5 décembre (date de l’inauguration du
monument du Quai Branly aux morts d’Algérie, du Maroc et de
Tunisie) relève à la fois de l’arbitraire et de la fantaisie. Rien ne le
justifie du point de vue historique. Plutôt que trancher entre les
partisans du 19 mars et ceux du 16 octobre 1962 (date de
l’inhumation du premier soldat inconnu d’Algérie inhumé à
Notre-Dame de Lorette), il a été commode de prendre une voie
complètement différente.

Encore faut-il que la commémoration soit liée à un événement historique. Sinon, elle perd sa raison d’être et ne peut pas susciter une large adhésion.

La presse

[*En revanche, les médias sont silencieux sur les commémorations qui rappellent l’histoire coloniale de la France, que ce soit le 5 décembre, le 8 juin ou le 25 septembre.*]

Ils sont plus prolixes lorsqu’il s’agit de « faire acte de repentance ».

Les médias font des choix qui nous semblent parfois fort contestables,
mais ce sont leurs choix qui répondent à leur place dans la société.

A vrai dire, on n’obtiendra rien de la presse, si l’on ne met pas en
avant un événement hors du commun, une nouvelle spectaculaire,
une cérémonie originale.

On est ici dans le domaine du storytelling,
de la communication qui, à l’exemple des langues d’Esope, peut
donner le pire ou le meilleur. Il ne sert à rien d’imposer, dans le
cahier des charges des médias publics, des contraintes qui
apparaîtront pour ce qu’elles sont et surtout n’atteindront pas
l’objectif que l’on poursuit...

L’Etat, les collectivités territoriales, les associations d’anciens combattants doivent entrer de plain pied dans la modernité.

Il leur revient de proposer de bons sujets au
bon moment, de préparer avec soin, longtemps à l’avance, la
commémoration qu’ils entendent promouvoir, de constituer de
solides dossiers de presse et de faire jouer la concurrence entre les
médias.

Les uns et les autres sont tenus de mettre en scène un
spectacle, même si le terme peut choquer. C’est l’une des exigences
de notre société et de notre temps. Il faut qu’ils fassent preuve
d’imagination, qu’ils se dotent d’efficaces services de communication,
qu’ils entretiennent des relations, étroites et suivies, avec les milieux
de la presse.

L’Etat le sait depuis longtemps. Les associations
d’anciens combattants l’ignorent trop souvent. Beaucoup de
collectivités territoriales n’en sont pas conscientes ou ne disposent
pas des moyens nécessaires...

L’école

Il n’empêche que l’école fait déjà beaucoup, et beaucoup plus que
l’opinion ne le croit.

Elle peut s’appuyer sur la DMPA, sur les
délégués mémoire de l’ONAC, sur l’Ecpad (Etablissement de
communication et de production audiovisuelle de la Défense).

Ces trois organismes fournissent des documents écrits, des mises
au point, des images qui aident les enseignants.

Peut-être serait-il bon qu’ils se fassent encore mieux connaître, qu’ils utilisent
davantage le courrier électronique, que leur site soit plus vivant et
plus interactif. Les Centres régionaux de documentation pédagogique
et les archives départementales peuvent, eux aussi, apporter
un précieux concours.

Voici un exemple de cette coopération.

En mai 2008, la revue mensuelle de la DMPA, Les chemins de la mémoire, publie une étude sur les travaux pédagogiques qui touchent à la mémoire des
conflits contemporains. Elle suggère des recherches, au niveau local, sur les combattants de la Grande Guerre.

Une enquête sur les « morts pour la France » du monument aux morts, sur les
plaques commémoratives de la commune, sur les nécropoles militaires, sur les lettres des « poilus », sur la littérature que le conflit a inspirée, sur les mouvements artistiques qui l’ont suivi, sur les bouleversements scientifiques et techniques qui l’ont accompagné, voilà autant de suggestions qui intéresseront les historiens, les géographes, les littéraires, les physiciens et les chimistes, les
biologistes et les plasticiens.

Ces suggestions sont particulièrement bienvenues.

Elles pourraient, elles devraient inspirer les collectivités territoriales à la recherche d’idées nouvelles.

Il est possible également de solliciter le concours des survivants, des
témoins et des acteurs des événements que l’on évoque, à condition
que le témoignage soit de bonne qualité et qu’il ne déforme pas
la réalité historique

L’histoire est une discipline qui repose sur des règles rigoureuses.

Elle exige l’indépendance. Elle ne peut pas être ballottée au gré des
idéologies ou, plus simplement, des inclinations politiques. Elle
sert à éclairer. On ne s’en sert pas...

Il n’est pas admissible que la nation
cède aux intérêts communautaristes et que l’on multiplie les journées de « repentance » pour satisfaire un groupe de victimes, car ce serait affaiblir la conscience nationale, susciter d’autres demandes et diluer la portée des commémorations.

Il faut combattre l’inflation commémorative, même si cela coûte quelques
voix aux candidats à des fonctions électives.

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Gageons que l’agitation fébrile de la FNACA autour de la commémoration du 19 mars, date non répertoriée dans le calendrier du Ministère, est en prise directe avec ce rapport publié en novembre 2008.

réponse ;[*Cet article est très intéressant et se trouve en prise directe avec "a propos des remous…..etc". Il semble donc que nous soyons au bon moment pour initier l’action proposée dans l’article sus-cité. Chib*]

Voir en ligne : http://www.defense.gouv.fr/sga/cont...

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