Les ERS tués par le politiquement correct L’art de faire échouer une bonne idée

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[!sommaire] Ce n’est pas parce que quelques pensionnaires d’un Etablissement de Réinsertion Scolaire (ERS) ont cassé les vitres de la voiture d’un de leurs « éducateurs » ou que d’autre se sont bagarré avec des élèves « normaux » que les ERS ne sont pas une bonne idée. Ces incidents ne valent que pour ce qu’ils sont, et les gonfler artificiellement est une démarche intellectuelle pas très honnête.

Non, si les ERS sont condamnés à l’échec, c’est pour une bonne raison : parce que les crânes d’œuf qui ont pondu le texte d’application (voir : http://www.education.gouv.fr/cid52474/mene1015823c.htm), que ce soit par naïveté, ce que je ne crois pas de leur part, ou plutôt par peur panique du politiquement incorrect, n’ont laissé à l’idée même de l’ERS aucune chance de réussir.

D’ailleurs je vous fiche mon billet que dans quelques mois, une année maximum, les ERS passeront en pertes et profits, comme beaucoup de ces idées aussi sottes que grenues dont notre bonne République est coutumière…

Alors qu’est-ce qui ne va pas dans les ERS - après tout, sortir les trublions du système scolaire, c’est une mesure réclamée par à peu près tout le monde ? Eh bien tout simplement les ERS, dans leur mode d’accès et dans leur contenu, sont une machine à faire de petits apprentis caïds des vrais caïds, des purs, des durs, des tatoués.

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Démonstration en deux temps : si vous lisez la circulaire ministérielle, il ne vous échappera pas que d’infinies précautions ont été prises pour que « l’élève en difficulté » éligible à l’ERS, en clair le fouteur de bordel congénital, qui pourrit depuis des années la vie de ses profs et empêche les autres élèves de sa classe de travailler, bénéficie de toutes les garanties que la France, patrie des Droits de l’Homme, se doit de respecter vis-à-vis de tous nos frères humains, y compris ceux qui ne respectent pas les droits des autres. Quand l’administration envoie un élève en ERS, ce sont des dizaines d’autorités et d’experts qui se sont penchés sur son cas et qui ont donné leur aval, aval qui n’aura d’effet que si le futur ERSiste lui-même ou ses parents acceptent la décision.

C’est dire que ça commence mal : le petit caïd qui emmerde tout le monde, plutôt que de se prendre les baffes qu’il mérite, se voit traiter avec le respect dû à un « pezzo novante » (surnom des parrains de la mafia). Mauvais début pour leur apprendre l’humilité, pourtant si nécessaire, dit-on, à l’acquisition du savoir.

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Et puis il y a le contenu et la méthode pédagogiques : au début on nous rassure. Discipline, valeur, rigueur, vous allez voir ce que vous allez voir, on va les mater, scrongneuneu ! Bravo ! Admirable ! Enfin, l’Education Nationale prend ses responsabilités…

Sauf que, quand on gratte un peu, ces intentions affirmées d’un ton martial et le regard tourné vers la ligne bleue des Vosges font un lamentable pschiiitttt ! Figurez-vous que ces jeunes, c’est par le dialogue et la persuasion qu’on pense qu’on va les ramener dans la bonne direction. C’est frais, c’est nouveau, ça vient de sortir ! A chaque instant, les pédagogues des ERS, triés sur le volet, donneront du sens à leur enseignement : le sport, beaucoup de sport, pour apprendre le respect de l’autre, l’instruction civique, l’art de vivre ensemble, des visites d’entreprises, le goût du travail et de l’effort, des ateliers de poterie, le retour à la terre (non, je plaisante)… Voilà, en gros, c’est ça qu’on entend par leur apprendre la discipline. Il y aurait de quoi rire, si ce n’était pas avec notre bel et bon argent que tout cela se concocte.

Parce que même si je ne suis pas un expert en pédagogie, il y a au moins une chose que je sais : on ne construit pas sur des ruines. Or avec ces jeunes, c’est exactement ce que l’on fait : on leur donne une importance tellement exagérée, avec des moyens tellement extraordinaires, qu’ils ne peuvent qu’être confortés dans l’idée que plus ils s’en prendront à la société, plus ils mépriseront les règles, plus la société les craindra, et plus ils en tireront avantage.

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Avant que ces jeunes dits « en difficulté » acceptent qu’on leur parle de morale, de civisme, de respect, il faut « casser » l’idée qu’ils se font du monde, parce que leur idée du monde, c’est que c’est celui qui est le plus fort qui gagne. Plutôt que de les gonfler d’importance en mettant des moyens extraordinaires à résoudre leur cas, sans aucune chance d’y parvenir, plutôt que de leur donner le sentiment qu’ils sont égaux voire supérieurs à leurs éducateurs, c’est l’obéissance et la crainte de l’autorité qu’il faut leur faire rentrer dans le crâne. Si on veut leur donner une chance, il faut qu’ils soient convaincus que la société ne leur pardonnera aucun écart, et que par conséquent ils ont plus intérêt à respecter les règles qu’à les enfreindre.

Bref, un régime militaire, des coups de pompe dans l’arrière-train, c’est ce qu’on a trouvé de mieux depuis que le monde est monde pour faire de forte-têtes des citoyens.

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